ページの画像
PDF
ePub

Les Ethiopiens nommoient ce Dieu Affabinus, & les Gaulois, fans parler des autres peuples, Taranus. Nous avons un paffage de Nonnus qui nous apprend la plupart de ces noms différens de Jupiter. Ce Dieu, dit-il, eft appellé Belus fur l'Euphrate, Ammon dans les fables de la Libye: on le furnomme Apis au bas du Nil, Chronos chez les Arabes, & Žeus chez les Affyriens.

Nous ne prétendons pas donner une lifte complette de tous ceux qui ont porté ce nom, puifque felon Varron, & Eufebe après lui, on pouvoit en compter jufqu'à trois cent; ce qui n'eft pas difficile à croire, les Anciens nous apprenant que dans les premiers temps la plupart des Rois prenoient cet augufte nom; enforte qu'on ne connoît point de fiècle avant la prise de Troye, temps auquel cet ufage ceffa, où l'on ne trouve un ou plufieurs Jupiter. De-là vient que tant de peuples differens fe vantoient que c'étoit parmi eux que Jupiter étoit né, & qu'on montroit plufieurs monumens qui l'attestoient, ainsi que nous le dirons dans la fuite.

Mais ce qui prouve encore la pluralité des perfonnes qui ont porté le nom de Jupiter, c'eft que les galanteries qu'on met fur le compte de celui de Crete, ne fçauroient convenir à la même perfonne. Les Poëtes les font durer quatre cens ans; car il n'y a pas moins d'intervalle entre la premiere & la derniere des avantures amoureufes qu'ils en racontent, après quoi ils les font difparoître abfolument; furquoi Seneque raille agréablement (a). Diodore de Sicile fait durer ces galanteries feize générations, qui font plus de cinq cens ans. Il eft vrai que nous ne fçavons pas affez l'histoire de ces vieilles avantures pour pouvoir exactement les rapporter à chacun de ces Jupiters; mais ce que nous en fçavons fuffit pour prouver qu'elles ne regardent pas la même perfonne. En effet, l'avanture de Niobé fille de Phoronée, doit regarder Jupiter Apis Roi d'Argos, petit - fils d'Inachus qui vivoit près de dix-huit cens ans avant Jefus-Chrift. Celui (a) Quid ergo eft,inquit, quare fala- trium liberorum? An tandem illi venit in siffimus Jupiter defierit liberos tollere, mentem, ab alto expectes, alteri quod feuirum fexagenarius factus eft, & illi Papia ceris:& timet ne quis fibi faciat, quod ipfe lex fibulam impofuit ? An impetravit jus Saturno? Lat. liv. 1, 16.

|

qui enleva Europe eft Jupiter Afterius Roi de Crete, qui regnoit vers le temps de Cadmus, environ l'an 1400. avant la même Ere; il fut pere de Minos premier du nom. Celui qui, felon Diodore de Sicile, eut d'Electre fille d'Atlas, Dardanus, Jafion & Harmonie, devoit vivre environ 150. ans avant la guerre de Troye, comme nous le dirons dans le Tome troifiéme en parlant des ancêtres de Priam. Celui qui entra dans la Tour de Danaé, qui devint mere de Perfée, c'est le Jupiter Protus, oncle de cette Princeffe, qui vivoit 50. ou 60 ans après Afterius. Celui qui enleva Ganymede, eft Jupiter Tantale, qui regnoit l'an 1320, avant Jefus-Chrift, Celui qui fut pere d'Hercule, quel qu'il foit, vivoit 60. ou 80. ans avant la prife de Troye. Enfin celui qui eut de Leda, femme de Tyndare Roi de Sparte, les deux Diofcures Caftor & Pollux, n'étoit pas fort éloigné de cette même époque (a). Souvent même c'étoient les Prêtres de ce Dieu qui féduifoient les femmes dont ils étoient amoureux: ainfi quoique le vrai Jupiter eût eu un grand nombre d'enfans, ayant eu plufieurs femmes & plufieurs maîtreffes, comme on le dira dans la fuite, on ne doit pas mettre fur fon compte tous les enfans dont on dit qu'il étoit le

pere.

Cela fuppofé, je partagerai en cinq articles tout ce qui regarde l'hiftoire de Jupiter. Dans le premier,je rapporterai la maniere la plus ordinaire dont on raconte fon hiftoire.Dans le fecond, je traiterai de la tradition que Diodore de Sicile & quelques autres ont fuivie. Dans le troifiéme, j'expliquerai les Fables qui fe trouvent mêlées dans ces deux traditions, & je m'étendrai furtout, fur celle des Géans & des Titans. Dans le quatrième, je rapporte & j'explique les differens noms qu'on a donnés à Jupiter; & dans le cinquiéme, les manieres différentes dont on le reprefentoit, & quel étoit le culte qu'on Jui rendoit.

(a) On mettra plus exactement ces dates dans le Tome III. mais ici plus de précifion n'étoit pas néceffaire.

[blocks in formation]

Hiftoire de Jupiter, fuivant Popinion la plus ordinaire.

PRESQUE toute l'Antiquité convient qu'il étoit fils de Saturne & de Rhea. Un Oracle que le Ciel & la Terre (1) Liv. I. avoient rendu, felon Apollodore (1), ayant prédit à fon pere qu'un de fes enfans lui raviroit la vie & la couronne; ou, felon d'autres Auteurs, par la fuite d'une convention faite avec Titan fon frere aîné, qui lui avoit cedé l'Empire, mais à condition qu'il feroit perir tous fes enfans mâles, afin que la fucceffion pût revenir un jour à la branche aînée, il les dévoroit, c'est-à-dire, il leur ôtoit la vie à mesure qu'ils venoient au monde. Déja Vesta sa fille aînée, Cerès, Junon, Pluton & Neptune, avoient été dévorés, lorfque Rhea se fentant groffe, & voulant fauver fon enfant, alla faire un (2) Apollod. voyage dans l'Ifle de Crete (2), où s'étant cachée dans un antre qu'on appelloit Dicté, elle accoucha de Jupiter qu'elle fit nourrir par deux Nymphes du pays, nommées Adrafté & Ida, qu'on appelloit les Meliffes.

liv. I.

(3) Liv. 1.

Ida.

Apollodore (3) ajoute que Rhea recommanda l'enfance (4) Ou Dac- de Jupiter aux Curetes (4), lesquels dansant autour de l'antre tyles du mont Dicté, faifoient en frappant leurs boucliers avec leurs lances, un affez grand bruit, pour qu'on ne pût entendre les cris de l'enfant. Cependant cette Déeffe pour tromper fon mari, qui avoit appris qu'elle étoit accouchée, lui fit avaler une pierre qu'elle avoit emmaillotée, comme fi ç'eût été fon enfant. (5) Liv. 1. Quand il fut devenu grand, il s'affocia, dit Apollodore, (5) avec Metis (a), dont le nom veut dire la Providence, ce qui fignifie qu'il marqua beaucoup de prudence dans le refte des actions de fa vie. Ce fut d'abord par le confeil de cette Metis, qu'il fit prendre à fon pere Saturne un breuvage qui lui fit vomir, premierement la pierre qu'il avoit avalée, & enfuite tous les enfans qu'il avoit dévorés. Comme parmi ses enfans étoient Pluton & Neptune, Jupiter fe joignit à eux. déclara la guerre à fon pere & aux Titans fes parens. Après

(a) Les Poëtes ont perfonifié cette Vertu, & ont dit qu'elle étoit fille de l'Ocean.

que

que cette guerre eut duré dix ans, la Terre prédit à Jupiter qu'il remporteroit une victoire complette fur fes ennemis, s'il pouvoit délivrer ceux des Titans que fon pere tenoit enfermés dans leTartare, & les engager à combattre pour lui. Il l'entreprit, & ayant tué Campé qui les gardoit, il les délivra de leur prifon. Dans ces entrefaites les Cyclopes donnerent à Jupiter la foudre, qui a été depuis ce temps-là fon fymbole le plus ordinaire, à Pluton un cafque, & à Neptune leTrident. Avec ces armes ils vainquirent Saturne; & après que Jupiter l'eut traité précisement de la même maniere qu'il avoit traité luimême fon pere Uranus, il le précipita avec les Titans dans le fond du Tartare, fous la garde des Hecatonchires, c'està-dire, des Geans qui avoient cent mains. Ce fut après cette victoire que les trois freres fe voyant maîtres du monde, le partagerent entr'eux. Jupiter eut pour fa part le Ciel, Neptune la Mer, & Pluton les Enfers. Xenophon (1) met Chiron au nombre des freres de Jupiter, puifqu'il étoit fils com- nat. p. 973. me lui de Saturne, mais d'une autre mere, qu'il appelle Naïs, & Pline & Ovide Phillyre; mais il n'en eft parlé ni dans ce partage ni dans cette guerre.

Cependant les Geans, qu'il faut bien diftinguer des Titans, comme on le prouvera dans la fuite, refolus de détrôner Jupiter, entreprirent de l'affiéger jufques dans le Ciel, ou l'Olympe, & entafferent pour cela le mont Offa fur le Pelion. Jupiter effrayé à la vue de ces ennemis, appella tous les Dieux & toutes les Déeffes à fon fecours : & comme la Déeffe Styx, fille de l'Ocean & de Tethys, fut la premiere qui y arriva avec fes enfans, la Victoire, la Puiffance, l'Emulation & la Force, Jupiter lui en fçut fi bon gré, qu'il ordonna dès-lors que le ferment qu'on feroit en fon nom, seroit de tous les fermens le plus inviolable. (a)

(1) De Ve

(3) Liv. I.

Voilà de quelle maniere on raconte après Hefiode, (2) (2) Theog. cette entreprise des Geants; mais Apollodore (3) qui avoit apparemment compilé quelque vieille chronique, entre dans un détail que je ne dois pas omettre. Ces Geants, dit-il, enfans du Ciel & de la Terre, étoient d'une taille monftrueuse, (a) Voyez ci-après l'hiftoire des Dieux de l'Enfer.

Tome II.

C

& d'une force proportionnée à cette prodigieufe hauteur. Ils avoient le regard farouche & effrayant, de longs cheveux, une grande barbe, & paroiffoient avoir des jambes & des pieds de ferpens. Leur demeure ordinaire étoit aux Champs Phlegréens, ou felon d'autres, auprès de Pallene. Dans l'affaut qu'ils donnerent au Ciel, ils lançoient des rochers, des chênes, & d'autres arbres enflammés. Les plus redoutables d'entr'eux étoient Porphyrion, & Alcyonée. Celui-ci devoit être immortel tant qu'il demeureroit dans le lieu de sa naiffance. Ce Geant s'étoit déja diftingué par d'autres entreprifes, & on croit que c'étoit lui qui avoit amené d'Erythie les boeufs du Soleil.

Ce qui effrayoit le plus Jupiter, c'eft qu'il y avoit une tradition qui portoit que les Geans étoient invincibles,& qu'aucun des Dieux ne pouvoit leur ôter la vie,à moins qu'ils n'appellaffent quelque mortel à leur fecours. Jupiter ayant défendu à l'Aurore, à la Lune, & au Soleil de découvrir fes deffeins, devança la Terre qui cherchoit à fecourir fes enfans; & par l'avis de Pallas, fit venir Hercule pour combattre avec lui. Ce Heros à coups de fléches terraffa plufieurs fois le redoutable Alcyonée; mais, comme un autre Antée, dès qu'il touchoit la Terre, il prenoit de nouvelles forces, & fe relevoit. Pallas le faififfant au milieu du corps, le porta au-deffus du cercle de la Lune, où il expira.

Cependant Porphyrion attaquoit en même temps Hercule & Junon, lorfque pour le vaincre avec plus de facilité, Jupiter usa d'un stratagéme, dont peu de maris s'aviseroient. Il lui infpira de tendres fentimens pour la Déeffe, & il en devint dans l'inftant fi éperdûment amoureux, qu'il alloit lui faire violence, lorfqu'Hercule à coups de fléches, & Jupiter avec fa foudre lui ôterent la vie.

Ephialte & Otus fon frere, (a) fils de Neptune & d'Iphimedie femme du Geant Aloüs, & qui pour cela font nommés les Aloïdes, étoient deux Geants redoutables. Ils en

(a) Je parlerai plus au long de ces deux Geans dans l'hiftoire de Mars, & dans Farticle des Enfers.

« 前へ次へ »