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La Clemence.

LA CLEMENCE avoit auffi été mise au rang des Dieux, & elle avoit un Temple, ainfi qu'il paroît fur une médaille de Jules-Céfar. Elle eft auffi fur d'autres médailles avec fes fymboles, qui étoient un rameau, la patere & la pique mais on n'y voit point de Temples.

Je ne fçais au refte fi l'Abondance, ubertas, la Gaïeté hilaritas, la Joie, la Nobleffe, la Sûreté, la Tranquillité, & quelques autres êtres de cette nature, qu'on trouve fouvent perfonifiés fur les médailles & fur les pierres gravées, avoient auffi été mis au rang des Dieux. Mais comme les Anciens ne nous apprennent rien touchant leur culte, qu'ils ne parlent d'aucun Temple ni d'aucun Autel érigés en leur honneur, je n'en dirai rien ici : ce qui les regarde étant du reffort des Antiquaires.

CHAPITRE II.

Des Etres mauvais, des Paffions, & des Vices,
érigés en Divinités.

OM ME la crainte des maux eft plus vive que l'efpé

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rance des biens, on peut bien s'imaginer que les Payens ayant adoré les Dieux dont ils attendoient quelques bienfaits, n'ont pas manqué de rendre le même refpect à ceux qui pouvoient leur faire du mal. Les hommes, dit Ciceron (1), étoient tellement plongés dans l'erreur, que non feulement ils do noient le nom de Dieux aux chofes mêmes pernicieuses, mais ils leur rendoient auffi un culte religieux Nous voyons un Temple de la Fiévre au Mont-Palatin, un autre d'Or bona auprès de celui des Lares, & un Autel de la mauvaise Fortune au Mont-Efquilin.

La Fiévre.

LA FIEVRE étoit donc une Divinité, & nous avons un monument où elle eft appellée la fainte Fievre. Outre le temple dont Ciceron vient de parler, Valere Maxime (1) dit (1) L.11.c.5. qu'elle en avoit encore d'autres, & qu'on y portoit les remedes dont on fe fervoit dans les maladies.

Orbona.

ORBONA étoit auffi une Déeffe invoquée par les peres & par les meres pour la confervation de leurs enfans ; & ceux qui les avoient perdus étoient, fi nous en croyons Arnobe (2), fous la protection particuliere de cette Déesse.

La Tempête.

TOUT ce que nous fçavons de la. Tempête que les Romains avoient déifiée, eft que Marcellus, en reconnoiffance de ce qu'il étoit échapé d'un orage qui l'avoit furpris fur Mer, entre l'Ifle de Corfe, & celle de Sardaigne, lui fit conftruire un Temple hors la Porte Capene.

L'Impudence, & la Calomnie, Murcia, la Néceffité, &la Violence.

Si quelques Auteurs anciens ne nous apprenoient que les Grecs avoient érigé des Autels à l'Impudence & à la Calomnie, on ne se perfuaderoit jamais qu'on eût pû honorer ces deux Vices fi pernicieux à la focieté. La Déeffe de la Pareffe appellée Murcia, avoit fans doute fon culte, car c'eft la Divinité favorite du beau fexe, mais l'Antiquité ne nous en apprend aucun détail; S. Auguftin difant feulement que cette Déeffe qui empêchoit d'agir, avoit fon temple dans

la ville de Rome.

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(2) L. 4.

À la Déeffe de la Pareffe je vais en joindre une autre qui lui étoit totalement oppofée, c'étoit Strenua, qui suivant le même Pere, nous pouffoit trop à agir. Elle avoit auffi un Temple dans la même ville. Mais on n'en fçait rien davantage,

Il n'en eft pas de même de la Néceffité, & de la Vio(1) In Co- lence, puifque Paufanias (1) parle du Temple qu'elles avoient dans la citadelle de Corinthe, dont l'entrée étoit interdite, excepté à ceux qui fervoient ces Déeffes.

rinth.

que

La Renommée.

PARMI les Divinités dont il eft queftion dans ce Chapitre, la Renommée tenoit auffi fa place : Hefiode qui en fait la defcription, n'en donne pas neanmoins la génealogie. Il eft fur cependant qu'elle fût regardée comme une Divinité, & qu'elle eut un culte établi, fur-tout à Athenes, com(2) In Attic, me nous l'apprenons de Paufanias (2), & un Temple, ainsi le dit Plutarque dans la vie de Camillus. Il feroit inutile de chercher des ftatues & des figures de cette Déesse plus parlantes, & en même temps plus reffemblantes que le beau portrait qu'en fait Virgile (a). Je le mets ici en François pour la commodité des Lecteurs. » Cependant la Renommée répand le bruit de cette avanture d'Enée & de Didon dans toutes les villes de la Libye; la Renommée dis-je, la plus prompte & la plus rapide de tous les maux, qui prend des forces à mefure qu'elle avance, & dont le mouvement le plus violent ne fert qu'à redoubler la vivacité. D'abord foible & timide, elle s'éléve peu à peu, & tandis que ses pieds demeurent attachés à la terre, fa tête altiere se perd dans les nues: fœur des Géants Cée D & Encelade, la terre irritée contre ce Dieu enfanta dans fa fureur ce Monftre au pied leger & au vol rapide: Ce » Monftre ailé qui fous chaque plume couvre autant d'yeux toujours ouverts, &, chofe étonnante, autant de bouches

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(a) Extemplo Libya magnas it fama per urbes, &c. Æneid. I. 4.

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» & d'oreilles. Chaque nuit elle parcourt la vafte étendue des airs, pendant que le jour elle demeure en fentinelle au faîte des Palais, ou fur le fommet des tours, d'où elle - va femer l'épouvante & l'effroi dans les plus grandes villes. Jamais fes yeux ne gouterent le charme tranquille du » repos, & toujours attentive & occupée à troubler l'uni» vers, elle confond fans ceffe le menfonge avec la verité ». Ovide fait auffi de la même Déeffe un très-beau portrait, & quelques autres Poëtes auffi ont exercé leur verve sur ce même fujet.

Ce qu'on peut tirer de tout cela eft que la Renommée étoit comme tous les Geants fille de la Terre, qui pour fe venger des Dieux, & de Jupiter en particulier qui avoit foudroyé fes enfans, fit fortir de fon fein ce Monftre, pour divulguer leurs crimes, & les apprendre à tout l'univers: Car la Renommée n'épargne ni les Dieux ni les hommes.

L'Envie.

PARMI les Paffions divinifées par les Anciens, aucune peut-être ne méritoit moins cet honneur que l'Envie. Cependant les Grecs en avoient fait un Dieu, parce que fon nom étoit masculin dans leur Langue, & les Romains une Déeffe. Plutarque, qui a fait un perit traité au fujet de cette paffion, en dit des chofes affez curieufes, & les Poëtes fe font donné une libre carriere en faifant fon portrait. Ovide fur-tout a excellé, dans ces vers qui commencent ainfi :

Pallor in ore fedet, Maciefque in corpore toto.

L'Envie dans le fond de fon antre, pour entretenir fa rage » & sa fureur, se nourrit de viperes, &c. Une trifte paleur » fe répand fur fon visage. Elle a le corps entierement décharné, le regard fombre & farouche, les dents noires & mal propres, le cœur abreuvé de fiel, & la langue couverte d'un affreux venin. Livrée fans ceffe à des foins inquiets, elle n'a jamais ri qu'à la vûe des maux qu'elle cause:

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jamais le fommeil n'a apefenti fes paupieres. Tout ce qui arrive d'heureux dans l'univers l'afflige & redouble fa fureur; & elle fait confifter toute fa rage à fouffrir, & à faire » fouffrir les autres : elle eft elle-même fon propre bourreau. » Les Anciens la comparoient à l'anguille, par l'opinion où ils étoient que ce poiffon portoit envie à tous les autres.

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La Crainte & la Paleur.

Si une crainte fage & moderée n'eft pas la fageffe elle même, elle en eft du moins le commencement & le principe; mais lorsqu'elle n'eft qu'une paffion aveugle qui trouble la tranquillité de l'ame, fans lui fournir les moyens de fe remettre du trouble qui l'agite, ce n'eft plus alors qu'une vaine & inutile terreur. Telle étoit la Crainte ou la Peur que les Grecs avoient divinifée, & que les Romains adorerent enfuite comme eux, ainsi que la Pâleur qui en eft la compagne inféparable. Frappés à la vue d'évenemens dont ils ne connoiffoient pas la cause, & qui leur inspiroenit une frayeur contre laquelle rien n'étoit capable de les raffürer, les hommes firent une Divinité de ce trouble même qui les agitoit; & pour s'en délivrer lui adrefferent leurs vœux & leurs priéres. Efperer de marquer le temps où l'on commença à adorer ces deux Divinités, c'est ce qui n'eft pas poffible: elles font peut-être auffi anciennes que le trouble qu'elles caufent; du moins étoient elles connues des premiers Poëtes de la Grece. Hefiode après avoir dit dans fa Theogonie que la Crainte étoit fille de Mars & de Venus, ajoute dans la description du bouclier d'Hercule, que ce Dieu y étoit re(1) Lib. 4. préfenté monté fur fon char, accompagné de la Peur & de la Crainte. Homere (1) donne à ces Déeffes la même origine. Auffi toutes les fois qu'il fait paroître le Dieu de la guerre dans les combats, il lui donne la Peur, la Terreur & la Fuite pour cortege : il place auffi ces mêmes Divinités tantôt fur la redoutable Egide de Minerve, tantôt fur le bou(2) II. L. 11. clier d'Agamemnon (2). Ici c'est Mars qui ordonne à ces deux Déeffes d'atteler fon char, pour voler à la vengeance de fon fils

Ascalaphe

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