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fait un choix particulier de cet arbre pour porter cette plante. Ils le cherchoient donc avec de grands foins dans les Forêts qu'ils habitoient ; & comme il étoit alors apparemment moins commun fur le chêne qu'il ne l'eft prefentement, ils se félicitoient lorfqu'après des fatigues immenfes, ils avoient le bonheur d'en rencontrer quelques plantes, comme s'ils avoient véritablement trouvé un tréfor. Cependant le temps de le cueillir n'étoit pas indifferent,& il n'y avoit qu'au mois de Decembre, qui étoit parmi eux un mois facré, & au sixiéme jour de la Lune, qu'il fût permis de l'arracher.

On s'affembloit donc pour cette cérémonie, qui se faisoit avec un grand éclat, & on alloit en proceffion dans le lieu où l'on avoit découvert cette précieuse plante. Les Devins marchoient les premiers, chantant des Hymnes & des Cantiques en l'honneur des Dieux: venoit enfuite un Heraut,le Caducée en main, qui étoit fuivi de trois Druydes, portant les chofes néceffaires pour le facrifice. Enfin paroiffoit le Chef de ces Prêtres revêtu d'une robe blanche, & fuivi d'une fou

le de peuple. Lorfqu'on étoit arrivé à l'endroit marqué, le Chef des Druydes montoit fur le Chêne, & coupoit le Guy avec une faucille d'or; les autres Druydes le recevoient avec grand refpe&t dans le Sagum, ou une Saye blanche. Enfuite venoit le facrifice de deux Taureaux blancs, qui étoit suivi d'un feftin, & l'on prioit les Dieux, ainfi que le dit Pline, d'attacher à cette plante un bonheur qui fuivît ceux à qui on la diftribuoit. Au premier jour de l'An, après avoir beni & facré le guy, on le diftribuoit au peuple, en lui annonçant & lui fouhaitant une bonne année: la Formule dont on se servoit pour cela, a été confervée fort long-temps, par ces mots, A Gui l'an neuf.

Comme rien n'eft plus difficile à déraciner que les ufages où la fuperftition fe trouve mêlée, on fait encore le même cri en Picardie, en ajoutant, plantez, plantez, dans le deffein de fouhaiter une année abondante & fertile. En Bourgogne, dans la Beauce & dans d'autres Provinces encore, les enfans qui au premier jour de l'An ont coutume de demander leurs étrennes, fe fervent du même cri. On avoit

même

même établi dans plufieurs lieux une quête le premier jour de l'An, où l'on fe fervoit pour inciter à donner, du même mot, A Guy l'an neuf.

Quoique Pline foit entré dans un affez grand détail au fujet de cette cérémonie, il n'a rien dit du lieu où elle se pratiquoit; mais l'Auteur de l'Hiftoire de la Religion des Gaulois croit que c'étoit dans le Pays Chartrain: 10. parce que felon le Naturalifte que je viens de citer, elle fe faifoit pendant l'Affemblée générale des Etats: or on fçait que c'étoit dans ce Pays qu'on la tenoit, & cela une fois l'année. 20. Parce que comme la cérémonie en queftion étoit la plus folemnelle de toutes, il y a bien de l'apparence qu'elle fe tenoit dans le grand College qui étoit à Chartres. 3°. Comme Cefar obferve que les Gaulois s'y rendoient avec un grand concours dans ce temps-là, il y a apparence qu'on profitoit de cette conjoncture pour rendre participans de la plus fainte de leurs cérémonies, ceux qui s'y trouvoient alors.

Je ne fçais au refte, fur quoi étoit fondé le refpect religieux qu'avoient les Druydes pour le nombre de fix; mais il est sûr qu'ils le preferoient à tous les autres. C'étoit le fix de la Lune qu'ils faifoient leurs principaux actes de Religion, qu'ils commençoient leur année ; ils alloient au nombre de fix, cueillir le Guy de Chêne; & parmi les monumens qui nous reftent, on les trouve fouvent en pareil nombre.

Maximes des Druydes.

LES Druydes n'écrivant rien, comme on l'a dit, la tradition nous a confervé peu de chofe de ce grand nombre de Maximes que contenoit ce nombre infini de vers qu'ils faifoient apprendre à leurs éleves; cependant Gollut (1) nous en a re- (1) Mem. de cueilli quelques-unes que je vais rapporter après lui, fans leur donner plus d'autorité qu'elles n'en meritent : perfuadé qu'elles n'ont été composées que fur ce que l'Antiquité nous apprend de leur doctrine.

Premiere Maxime. Il faut être enfeigné dans les bocages par ces
Prêtres facrés.

Tome II.

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la FrancheComté.

2. Le Guy doit être cueilli avec un grand respect, & s'il eft poffible, à la fixième Lune. On doit je fervir pour cela d'une ferpe d'or.

3. Tout ce qui naît, tire fon origine du Ciel.

4. On ne doit pas confier le fecret des Sciences à l'Ecriture, mais

à la memoire.

5. Il faut avoir un grand foin de l'éducation des Enfans.

6. Le Guy mis en poudre, rend les femmes fécondes.
7. Les defobéiffancés doivent être éloignées des Sacrifices.
8. Les ames font immortelles.

9. Les ames paffent dans d'autres corps, après la mort de ceux qu'ils ont animés.

10. Si le Monde perit, ce fera par le feu ou l'eau.

11 Dans les occafions extraordinaires, il faut immoler un homme. Selon que le corps tombera, ou felon qu'il remuera érant tombe ; felon que fon fang coulera, ou felon que fa playe s'ouvrira, on prédira l'avenir.

12. Les Prifonniers de guerre doivent être égorgés fur les Autels, ou être renfermés dans des Paniers d'ofier, pour être brú lés vifs à l'honneur des Dieux

13. Il ne faut pas permettre le commerce étranger.

14. Celui qui arrivera le dernier à l'Assemblée des Etats, doit être

puni

de mort.

15. Les enfans doivent être élevés jusqu'à l'âge de quatorze ans, hors de la prefence de leurs peres & meres.

16. L'argent prêté en cette vie, fera rendu aux créanciers dans

l'autre monde.

17. Il y a un autre monde ; & les amis qui fe donnent la mort pour y accompagner leurs amis, y vivront avec eux. 18. Les lettres données aux mourants, ou jettées dans le bûcher des morts, font fidelement rendues dans l'autre monde. 19. La Lune guerit tout, comme fon nom Celtique le porte. 20. Que le défobéissant soit chaffe; qu'il ne reçoive aucune justice; qu'il ne foit reçu dans aucune compagnie, ni admis dans aucun emploi.

21. Tous les peres de famille font Rois dans leur maison: ils on puiffance de vie & de mort fur leurs femmes, fur leurs enfans,& fur leurs efclaves.

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Eux qui ont lû les Commentaires de Cefar, Tacite

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& quelques autres Anciens, fçavent quelle confidération les Germains & les Gaulois avoient pour les femmes. Celles des Druydes fur-tout partageoient l'autorité avec leurs maris, quoiqu'avec quelque dépendance, & s'ingeroient comme eux, non-feulement dans les affaires politiques, mais encore dans celles de la Religion. Comme il y avoit dans les Gaules même, depuis la conquête des Romains, des Temples dont l'entrée étoit interdite aux hommes, c'étoient les Druydeffes qui y ordonnoient, & y regloient tout ce qui concernoit les facrifices & les autres cérémonies de Religion: tout cela néanmoins eu égard à differens temps.

tin, T.I. p.

On peut diftinguer trois fortes de Druydeffes : les unes vivoient dans le célibat, comme celles de l'ifle de Sain ; d'autres, quoique mariées (1), demeuroient regulierement dans (1) V. Dom les Temples qu'elles deffervoient, hors un feul jour de l'an-Jacques Marnée qu'il leur étoit permis d'avoir commerce avec leurs époux. 206. Enfin les Druydeffes du troifiéme ordre ne fe féparoient point de leurs maris, & prenoient foin de l'interieur de leur famille.

On peut encore les divifer en deux claffes: dans la premiere étoient les Prêtreffes, pendant que celles qui n'étoient que Miniftres fous les ordres des premieres, compofoient la feconde.

Comme rien ne donne plus de reputation que la prétendue connoiffance de l'avenir, on peut juger de celle de ces Prêtreffes qu'on croyoit la poffeder en un degré éminent (2). (2) V. TaAuffi cette réputation n'étoit pas renfermée dans les Gaules: elle avoit paffé dans les pays étrangers. On venoit de toutes parts les confulter avec une grande confiance, & leurs

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cite, 1. 4.

Dion, &c.

décisions étoient regardées comme des oracles Les Empe(1) V. Lam- reurs même (1), quand ils furent maîtres des Gaules, ne dédaiprid. Vopif cus, &c, gnerent pas de les confulter ; & quoiqu'il foit certain qu'ils n'étoient pas les feuls, l'hiftoire cependant ne fait mention que de leurs confultations, comme fi celles des particuliers n'avoient pas merité d'être transmises à la pofterité.

Il est vrai, comme on l'a dit dans le Chapitre précedent, que les Druydes fe mêloient du même métier; mais foit que leurs femmes y fuffent plus habiles, c'est-à-dire, qu'elles fçuffent mieux tromper, ils le leur avoient prefqu'entierement abandonné.

Je dois ajouter que les Druydeffes s'étoient établies dans prefque toutes les Ifles qui font fur les côtes des Gaules, & fur celles qui approchent de l'Angleterre : de maniere cependant que dans celles où il y avoit des Druydes, il n'y avoit point de Druydeffes, & que celles-ci occupoient les autres.

Toutes ces Ifles au refte étoient confacrées à quelque Divinité particuliere, & en portoient le nom. Les Minifstres de l'un & de l'autre fexe, y faifoient les mêmes fonctions que dans le refte des Gaules. On croit même qu'ils s'y appliquoient plus particulierement qu'ailleurs à leurs operations magiques; & c'étoit une opinion répandue dans toutes les Gaules, que , que maîtres des vents ils excitoient à leur gré les orages & les tempêtes.

J'ai dit qu'on ne nous avoit confervé que celles des prédictions des Druydeffes qui s'adreffoient aux Empereurs : en voici trois ou quatre affez remarquables. Alexandre Severe étant en chemin pour une expedition qui fut la derniere de fa vie, une de ces Prêtresses vint à fa rencontre, & lui dit : Seigneur, n'efperez pas la victoire, & défiez-vous de vos Soldats. Ce Prince fut en effet affaffiné dans cette même campagne.

L'Empereur Aurelien en ayant voulu confulter quelquesunes, pour fçavoir fi l'Empire feroit long-temps dans fa famille, elles lui repondirent fimplement que la famille de Claude devoit être un jour la plus illuftre, & veritablement celle d'Aurelien ne fubfifta pas long-temps.

Diocletien n'étant encore que fimple Officier dans les

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