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Mithras étoit un Dieu mâle,& non une Déeffe, & l'infcription le qualifie de même; mais fans dire ici que le vifage d'un jeune homme donné au Soleil qui ne vieillit point, reffemble à celui d'une femme; il eft sûr que chez les Perfes, comme je l'ai prouvé par l'autorité formelle d'Herodote, Mithras représentoit auffi la Lune; ainfi les Gaulois pouvoient l'avoir peint en femme: mais j'ai parlé fi au long de ce Dieu dans le premier Volume (1), que je n'ai rien à ajouter ici, faisant feulement (1) Liv. 7. remarquer que fon culte étoit paffé dans les Gaules, de la maniere que je l'ai dit au commencement de ce Livre.

CHAPITRE IX.

Des autres Dieux honorés dans les Gaules; Berecynthie,
Saturne, Pluton, Proferpine, & Bacchus.

S. Simpl.

AINT Gregoire de Tours (1) nous apprend que nos (2) In vita Gaulois adoroient Cybele, qu'ils appelloient Berecynthie, du nom de la montagne Berecynthe dans la Phrygie, où l'on difoit qu'elle étoit née ; ajoutant que leur idolatrie au fujet de cette Déeffe duroit encore dans le quatriéme fiecle. Un jour, dit cet Ecrivain, qu'on promenoit à travers les champs & les vignes Berecynthie fur un char traîné par des boeufs, pour la confervation des biens de la terre, & que la foule qui fuivoit, chantoit & danfoit devant cette Idole, S. Simplicius touché de l'aveuglement de cette troupe idolatre, ayant fait fa priere & le figne de la Croix, la ftatue tomba par terre, & les boeufs demeurerent immobiles. On immola des victimes, & on frappa les boeufs pour les faire avancer: mais tous les efforts étant inutiles, il y en eut qui abandonnerent pour jamais cette folle fuperftition, & embrafferent la Religion chrétienne. Les Actes de S. Sympho rien, publiés par Dom Ruinart, confirment une partie du recit de Gregoire de Tours, puifqu'on y lit qu'au jour confacré à la fête de cette Déeffe, on portoit fa ftatue fur un Qqqq ij

1

char traîné par des boeufs : mais indépendamment de ces deux autorités, nos Antiquaires croyent reconnoître la cérémonie que les Gaulois pratiquoient en l'honneur de cette Déeffe, fur une Monnoye rapportée par Bouteroue, qui d'un côté représente un char tiré par deux boeufs, fur leqnel eft une Déeffe debout.

Mais il faut remarquer que cette Monnoye, qu'on croit être celle des habitans d'Evreux, ne préfente qu'une partie du char, c'est-à-dire celle où eft la Déeffe.

Comme les Romains célebroient en l'honneur de la même Divinité une fête semblable, il y a apparence que c'étoit d'eux que les Gaulois avoient reçû le culte de Cybele. Ammian (1) Liv. 23. Marcellin (1) raconte que l'Empereur Julien, lorsqu'il alloit en Perfe, étant arrivé à Callinique, ville de Syrie, le fixiéme jour avant les Kalendes d'Avril, ou le vingt- feptiéme de Mars, jour auquel on célebroit la fête en queftion, s'y arrêta pour en faire la cérémonie à la maniere des Romains, qui portoient en pompe la ftatue de la Mere des Dieux sur un char, & alloient la laver dans l'Almon (a). Cette fête marquée dans le Calendrier Romain, & de laquelle parle auffi Ovide dans fes Faftes, s'appelloit Lavatio.

(2) De Flumin.

Vibius Sequefter (2), parlant du ruiffeau Almon, dit qu'on y lavoit tous les ans le fixiéme des Kalendes d'Avril la ftatue de la Mere des Dieux. Le Poëte Prudence qui fait auffi la description de cette fête, obferve que tout ce qu'il y avoit de plus qualifié à Rome y affiftoit nuds pieds ; & on fçait d'ailleurs qu'on y accouroit de tout le voisinage. Au retour, la Proceffion rentroit à Rome environnée de torches & de flambeaux allumés. Comme chaque Peuple retenoit ou rejettoit des cérémonies étrangeres qu'il adoptoit, ce qui lui plaifoit, il ne paroît pas que les Gaulois euffent retenu celle de laver la ftatue de leur Berecynthie.

Quoiqu'il en foit, certe cérémonie pratiquée par les Romains, & enfuite par les Gaulois; venoit comme presque toutes les autres, des Egyptiens qui, au rapport de Clement

(a) Almon Roma ubi Mater Deorum fexto Kal. Apr. lavatur.

d'Alexandrie (1), portoient en proceffion dans les fêtes qu'ils (1) Strom. nommoient roμaoi'as, les ftatues d'or de leurs Dieux, deux 1.5.

chiens, un épervier & un ibis.

Obfervons que l'an 1689.. on trouva dans le jardin de M. Berrier, à deux toifes de profondeur, fous les ruines d'une vieille tour, une belle tête de Cybele. Cette figure dont le vifage eft plus gros que nature, & qui porte des tours fur fa tête, fut prife d'abord pour celle d'Ifis, Déeffe parriculierement honorée à Paris, comme je le dirai dans la fuite; mais il y a plus d'apparence que c'eft Cybele, quoique fouvent ces deux Déeffes ayent été confondues ensemble.

On en a déterré depuis une autre au bas de Montmartre, qui eft de bronze: le vifage en eft plus petit que celui de la figure dont on vient de parler, & la tour qu'elle porte fur la tête un peu différente. Tels font les monumens & les autorités qui prouvent que nos anciens Gaulois honoroient Cybele d'un culte religieux.

Saturne.

:

Oracles.

ON ne fçauroit douter que les Gaulois, après avoir longtemps honoré des Dieux inconnus aux Grecs & aux Romains, comme nous l'avons fait voir, n'ayent dans la fuite adopté une grande partie de ceux de ces deux Nations, & en même temps plufieurs de leurs fables; en voici un exemple bien fenfible. Plutarque (2) fait dire à un certain Demetrius, qu'ayant (2)Traité de voyagé dans une Ifle voisine de l'Angleterre, on lui dit que la Ceff. des Saturne étoit dans une autre Ifle, qui n'étoit pas éloignée, enfeveli dans un profond fommeil qui lui tenoit lieu de chaînes, où Briarée le gardoit. On voit aifément le rapport qu'a cette fiction avec ce que nous avons dit de ce Dieu dans l'Hiftoire des Titans: cependant je fuis perfuadé que ce n'étoit pas immédiatement des Grecs & des Romains, mais des Carthaginois que les Gaulois avoient reçû le culte de Saturne. La raison en est bien sensible, puisqu'ils lui immoloient comme eux des victimes humaines, & que lorfque les Romains conquirent les Gaules, il y avoit long-temps que cet Q qqq iij

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(1) Ltv. 1. (2) De Civ.

Dei. 1.7.

(3) Liv. 6.

ufage impie & barbare avoit ceffé parmi ces conquerans: Que les Gaulois ayent immolé de ces victimes à Saturne, le fait eft certain: Denys d'Halicarnaffe (1) le dit expreffément, & S. Auguftin (2) nous apprend non-feulement que Varron étoit de ce fentiment; mais qu'il croyoit auffi qu'ils lui offroient en facrifice des hommes faits, pendant que Carthaginois, qui avoient adopté le culte que les Pheniciens rendoient à Moloch, le même que Saturne, ne lui immoloient que des enfans.

Pluton & autres Dieux de l'Enfer.

les

CESAR, dans fes Commentaires (3) nous apprend que les Gaulois fe vantoient de descendre de Pluton: Galli fe omnes à Dite patre progenitos prædicant ; & dès-là on croiroit rencontrer dans l'Hiftoire de leur Religion plufieurs veftiges du culte qu'ils rendoient à ce Dieu : cependant on en trouve très-peu de chose. Une inscription fur le frontifpice d'un (4) pag. 112. Temple, rapportée par Gruter (4), mais qui n'eft pas inconteftablement antique; une ftatue équivoque fur la colomne de Cuffi, & un mot de S. Eloy, qui vivoit fur la fin du septiéme fiecle, & qui nomme Pluton parmi les autres Dieux Gaulois; voilà tout ce qui prouve qu'il a été honoré par cette Nation.

Pour Proferpine qu'ils regardoient comme leur mere, Stra(1) Liv. 4. bon (5) nous apprend qu'elle avoit un Temple dans les Gaules, deffervi à la maniere des Samothraces.

Une inscription trouvée à Nifmes, & une autre à Mets, prouvent qu'ils rendoient auffi un culte religieux aux Parques & à l'Erebe. Enfin une troifiéme, déterrée dans la forêt de Belême, expliquée par feu M, Baudelot, & conçûe en ces

termes:

DIIS INFERIS

VENERI
MARTI ET
MERCURIO

SACRUM,

nous apprend qu'ils mettoient ces trois Divinités au nombre de celles des Enfers. Il eft aifé de voir la raison pourquoi ils y plaçoient Venus, fur-tout en la confondant avec Libitine, Venus Libitinaa infera, les Anciens nous apprenant que dans les funerailles on lui offroit les mêmes victimes qu'à Pluton, à Proferpine, & aux autres Dieux de l'Enfer.

Pour ce qui eft de Mars, je ne fçache pas que les Grecs ni les Romains l'ayent jamais mis au rang des Dieux de l'Enfer. Nos anciens Gaulois auroient-ils voulu nous marquer parlà qu'un Dieu auffi meurtrier, & qui peuploit fans ceffe le Royaume de Pluton, méritoit bien d'avoir fa place parmi les Dieux infernaux ?

A l'égard de Mercure, il n'y a nulle difficulté: ce Dieu, qui étoit tantôt dans l'Olympe, tantôt dans le féjour des morts où il conduifoit leurs ames, étoit également un Dieu céleste & un Dieu infernal.

les,

Bacchus.

BACCHUS étoit particulierement honoré dans les Gauainfi que le prouvent plufieurs monumens trouvés en differens endroits: mais il l'étoit fur-tout dans une petite Ifle fituée à l'embouchure de la Loire ; & comme fon Temple (a) Y étoit defferví par des femmes, qui y célebroient les Orgies à peu près comme dans la Grece, il y a apparence que c'étoit des Orientaux que les uns & les autres en avoient reçû le culte. Strabon (1) qui parle de cette Ifle & du culte qu'on y rendoit à Bacchus, ajoute que les femmes dont je viens de parler, enlevoient tous les ans, & remettoient dans le mê me jour le toit de cet édifice, & cela avant que le Soleil fût couché ; & que c'étoit dans ce même temps-là qu'elles célebroient les Orgies, & qu'elles étoient agitées de cette fureur qui les poffedoit ; & fi quelqu'une d'elles pouffée par les autres, ou par quelqu'autre accident, laiffoit tomber le fardeau qu'elle portoit, ou en enlevant, ou en remettant le toit, fes compagnes fe jettoient fur elle, & la mettoient en

(a) Ce n'étoit tout au plus qu'une très-petite Chapelle comme le prouvé ce qu'on va lire.

(1) Liv. 4.

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