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paroiffoient armés: le fecond eft cette malheureuse conformité de victimes humaines, que les uns & les autres offroient à leurs Dieux. Je fçais que quelques Auteurs modernes prétendent que ces deux Peuples n'immoloient pas des hommes à leurs Dieux; que ce qui a trompé ceux qui ont eu cette opi nion, c'eft que veritablement ils faifoient mourir leurs captifs dans ces grandes cages dont on a dit qu'ils fe fervaient à cette occasion; mais que cette barbare cérémonie n'étoit pas un facrifice: prétention.chimerique contre laquelle s'éleve toute l'Antiquité ; car. non-feulement Cefar, mais Facite, Strabon, Lucain, & tant d'autres l'affurent fi pofitivement, qu'il n'eft pas poffible d'en difculper nos ancêtres. Si je vou lois faire un vain étalage d'érudition, je rapporterois tous les paffages de ces anciens Auteurs, mais la chofe eft trop connue, & trop certaine en même temps, pour s'y arrêter davantage revenons à nos anciens Germains.

Tacite après avoir parlé de leurs Dieux, fait mention de plufieurs ufages pratiqués parmi ces Peuples, concernant la Religion. Un des plus finguliers eft celui qui, felon cet Hiftorien, fe pratiquoit en l'honneur de la Terre, ou de Cybele, qu'on nommoit dans le pays Herta, dans une Isle de l'Ocean habitée par des Germains; & quoique j'en aye parlé dans le premier Volume, je crois devoir rapporter ici le pafsage entier de cet Auteur.

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Dans une Ifle de l'Ocean eft un bois facré, au milieu duquel on conferve religieufement un char couvert, auquel il n'eft permis qu'au feul Prêtre de toucher; & lui feul " connoît le moment où la Divinité du lieu doit s'y placer. » Alors ce Miniftre attele au char deux geniffes, les fait marcher, & les accompagne avec toutes les démonstrations d'une finguliere veneration. Dans tous les lieux que la Di» vinité daigne vifiter, on ne voit que fêtes & que réjouiffan❤ces; la guerre ceffe, on met bas les armes, & c'eft le feul » temps où la paix & la tranquillité regnent parmi ces Infulaires ; ce qui dure jufqu'à ce que le Prêtre croyant s'apper» cevoir que le Dieu fe dégoute enfin du féjour des mortels, il le ramene dans le bois facré, où le char, le voile qui le

couvroit, & la Divinité même, s'enfoncent dans un lac où les Miniftres fe précipitenit aufli. De-là naît parmi ce Peuple je ne fçais quelle terreur religieufe, & un faint ref"pect pour ce que peuvent voir dans ce lac ceux qui expofent ainfi leur vie

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A ces traits qui regardent la Religion & la fuperftition des anciens Germains, Tacite en ajoute d'autres fur leurs mœurs, qui ne font pas de mon fujet. Je choilis feulement celui de leurs femmes, communément auffi belles & bien faites que chaftes & vertueufes. Les Germains, dit-il, ont une confideration infinie & un grand respect pour leurs femmes, dans lefquelles ils croyent appercevoir quelque chofe de faint & de divin. Il leur communiquent leurs affaires les plus fecretes & les plus importantes & fouvent même leur en confient le foin, ainfi que l'administration de ce qui regarde le bien public. Ils ne les regardent cependant pas continue-t-il, comme des Divinités... pastioioi a temo 1 zus dire

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De tout ce que je viens de recueillir de Cefar & de Tácite, car les autres Anciens, Strabon, Mela, & tous ceux en un mot qui parlent de cet ancien Peuple, gardent un profond filence fur ce qui regarde leur Religion, il paroît, 1o. Que les Germains, far-tout dans les premiers temps, adoroient d'abord les Aftres & les Elemens, le Soleil, la Lune, la Terre; cleft-à-dire les Etres phyfiques qui furent les premiers Dieux de tous les Peuples Idolâtres : 2°. Qu'ils n'écrivoient rien, fe contentant de faire apprendre par cœur ce qui regardoit la Religion & le oulte des Dieux; 3°. Qu'ils n'avoient, non plus que les Gaulois, pour Temples que les bois, aufquels ils donnoient les noms de leurs Dieux, & qu'ils n'ofoient prefque regarder, tant étoit grande leur vénération pour ces lieux facrés: 4°. Qu'il leur étoit défendu de peindre & de représenter leurs Dieux que cependant les premiers avoient certains fimulacres de ces mêmes Dieux, qu'ils portoient dans les combats, quoiqu'on ignore ce que c'étoit que ces représentations fymboliques : 5°. Que dans leurs facrifices ils offroient des victimes & des animaux, comme tous les autres Peuples idolâtres 6°. Qu'ils immoloient

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des victimes humaines, fur tout à Mercure & dans les affemblées dont j'ai parlé: 7°Que leurs principales Divinités étoient le Soleil, la Lune, Mercure, ou plutôt Teutatès, Vulcain, Tuifton, fils de la Terre, c'eft-à-dire, un Dieu inconnu Mars, ou le Dieu de la Guerre, Cybele, ou plutôt la Terre, Ifis, Hercule, Alcès ou Caftor & Pollux, &c. 8°. Qu'ils étoient très-adonnés à la science des Augures, à la Divina tion, & à d'autres fuperftitions qui leur étoient particulie res; enfin qu'ils avoient un grand refpect pour leurs Prêtres qui avoient parmi eux beaucoup de crédit.

Voilà à quoi fe réduit la connoiffance que les Anciens avoient de la Religion des Peuples de la Germanie ; ce qui n'est pas étonnant, ces Peuples leur étant très-peu connus, & n'ayant été fubjugués que fort tard: d'où je crois qu'on peut conclure avec beaucoup de raifon, qu'ils conferverent leur Religion primitive plus long-temps que les Gaulois qui furent foumis aux Romains long-temps avant eux. Cependant comme ils le furent enfin à leur tour, il y a toute forte d'apparence qu'ils adopterent dans la fuite une partie de la Religion de leurs Vainqueurs.

Comme les Dieux que je viens de nommer font affez connus, & que j'en ai déjà parlé, on ne s'attend pas que j'imite la conduite d'Elias Schoedius, qui après avoir rapporté la plûpart des paffages que j'ai cités, fait fur chacun un commen taire d'une longueur exceffive; va chercher dans la Syrie & l'Egypte l'origine de la plupart de ces Dieux, & employe fans choix & fans ménagement une érudition fouvent trèsdéplacée.

Je m'en tiendrois même à ce que je viens de dire de la Religion des anciens Germains, fi le temps ne nous avoit confervé quelques monumens qui nous préfentent des Dieux que ni Cefar ni Tacite n'avoient pas connus: c'eft de ceuxci que vais traiter avec quelque détail dans le refte de ce Livre, après avoir parlé des fuperftitions de cet ancien Peuple.

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CHAPITRE I.

Superftitions des anciens Peuples de la Germanie.

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NE des plus anciennes fuperftitions des Germains, & des plus générales, puifqu'elle étoit auffi commune aux Suedois & aux Danois, eft celle des Alrunes, au fujet de laquelle un Auteur moderne vient de donner un petit Traité (a). Cette fuperfttition confiftoit à avoir dans les maisons de petites figures d'un demi-pied, ou tout au plus d'un pied, & très-rarement d'un pied & demi de hauteur, représentant quelques Magiciens ; & ils croyoient que ces figures avoient de fi grandes vertus, qu'elles tenoient en leur pouvoir le deftin & la fortune des hommes. On faifoit, & on fait en.core aujourd'hui, car la superstition dure toujours parmi le peuple , ces petites ftatues des racines les plus dures des Plantes, fur-tout de la Mandragore, & on leur donnoit la figure d'une femme, rarement d'un homme : on les habilloit proprement, & on les tenoit renfermées avec foin dans un lieu fecret, d'où on ne les retiroit que pour les confulter. On peut en voir de deffinées dans les Antiquités Celtiques de Keiflers car l'Auteur que je viens de citer n'en a point fait graver. Lambecius, dans fon Catalogue de la Bibliotheque Imperiale, en a donné d'autres qui font toutes velues & hériffées de poil.

Ce feroit, je penfe, faire perdre le temps à mes Lecteurs, que de les engager à lire toutes les fables qu'on a publiées, & qu'on publie encore fur l'origine de ces petites figures, qu'on croit naître d'une plante qui fe forme de l'urine qu'un homme pendu innocemment laiffe couler fous le gibet. La racine de cette plante, dit-on, reffemble entierement à un

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homme; comme on le dit, mais fans beaucoup de fondement de la Mandragore. L'arracher eft une entreprise dangereufe; car lorfqu'on l'oblige, dit-on, par quelque effort d'abandonner la terre où elle eft née, elle jette un fi grand cri,que l'homme qui l'arrache en meurt. Pour éviter cet accident, on se bouche exactement les oreilles avec de la cire, comme fit Ulyf fe, pour ne point entendre le chant dangereux des Sirenes; puis on attache la plante à la queue d'un chien noir, & préfentant enfuite à cet animal un morceau de viande ou de pain, il fait effort pour fauter deffus, entraîne avec lui la fatale racine, & tombe mort du bruit qu'elle fait.

J'ai honte de rapporter de pareilles puerilités du moins font-elles capables de mortifier l'humanité, en lui faisant voir à quels excès fe livre une vaine & criminelle curiofité.

Comme l'occafion qui fait naître ainfi ces Alrunes, les rendroit trop rares, on a fçu leur trouver d'autres origines; mais le plus fouvent ce ne font que de fimples racines qu'on polit, aufquelles on forme des membres, des cheveux, &c. pour les faire reffembler à ce qu'on veut.

Dès qu'on a le bonheur d'avoir chez foi ou fur foi de pareilles figures, on se croit heureux, on ne craint plus aucun danger, & on en attend toutes fortes de biens, fur-tout la fanté, car c'eft principalement à cet ufage qu'on les employe. On les trempe dans de l'eau pour procurer la fécondité aux femmes ftériles,, & un heureux accouchement à celles qui font groffes. Les maladies les plus rebelles aux remedes, celles même des beftiaux & des troupeaux, ne tiennent pas contre le prétendu spécifique. Le Juge le plus contraire à une Partie, change de fentiment en fa faveur, fi elle a fur elle une de ces figures; mais ce qui eft encore plus admirable, c'est que l'avenir n'a rien de caché pour elles, & qu'elles le revelent, ou par un mouvement de tête, ou même quelquefois en s'exprimant d'une maniere très-intelligible à leurs heureux poffeffeurs.

Il n'eft pas étonnant après cela, fi on les regardoit comme les plus confiderables des Dieux Lares ou Domeftiques; fi on leur rendoit des devoirs religieux, & même fi on étoit

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