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CHOIX

DE

MAZARINADES.

Discours sur le gouuernement de la Reyne
depuis sa régence [1149].

(1649.)

Il y en a qui se plaignent du Soleil, parce qu'en le regardant fixement, leurs yeux ne peuuent souffrir l'éclat de sa lumière; mais enfin il n'en arrive autre chose sinon que par vne iuste punition les vns en sont aueuglez, et les autres du moins en sont esblouis. Aussi tous ceux qui osent parler ou écrire contre la Reyne, au lieu d'honorer sa vertu, ne doiuent pas moins attendre de leur témérité que d'estre accablez d'une confusion éternelle. Ne pas suiure les loix de sa Souueraine, c'est n'auoir point de prudence; prendre plaisir à contredire ce qu'elle fait, c'est ne pouuoir tempérer ses passions; ne pas vaincre l'auersion intéressée qu'on a pour elle, c'est n'auoir point de générosité; et ne luy rendre pas le respect qu'on luy doit, c'est n'auoir point de justice; et par conséquent les Esprits n'ayant pas toutes ces ver

pas

tus, on peut dire qu'ils se doiuent plus mettre en peine de corriger leurs crimes que de blasmer l'innocence des autres. Ie sçay qu'ils croyent auoir beaucoup de suiet de se plaindre de ce que la nécessité de la France empesche qu'ils n'ont pas tous ce qu'ils voudroient pour satisfaire à leurs voluptez. Ils ne demandent la Paix sur la terre que pour faire la guerre au Ciel. Ils veulent que toutes choses leur soient sousmises, et ne veulent point reconnoistre de puissance, si ce n'est celle de leurs sions. Si ces personnes iugeoient des choses par connoissance, ils considéreroient que le Roy Henry le Grand laissa la Reyne sa veufue avec la Paix dans son Royaume et beaucoup de millions de liures dans la Bastille, et que le feu Roy son fils a laissé nostre Reyne sa veufue sans argent et auec vne guerre contre l'Empereur, contre le Roy d'Espagne et contre beaucoup de Princes Souuerains leurs alliez. Il est facile de faire bien des choses quand on a de quoy les faire; mais il est impossible de faire beaucoup de choses auec rien. Il est bien aysé de discourir et de iuger de tout; mais il est bien difficile d'exécuter tout ce qu'on se propose. Nous n'aurions que des Saints sur la terre s'il ne faloit parler que de la Piété pour estre sauué. Beaucoup en parlent; et beaucoup ont enuie d'aller au Ciel; mais quand il faut exécuter ponctuellement les loix que Dieu nous a prescrites, c'est où l'on fait bien voir la foiblesse de son âme. Ie sçay que les Esprits qui trouuent à redire à toutes choses, me répondront que cette Princesse a leué beaucoup d'argent sur ses Subiets; mais où voudroient-ils qu'elle en eust pris pour les défendre? N'a-t-elle pas entretenu de puissantes armées en France et fait donner de grandes sommes aux Princes estrangers qui nous ont se

courus si puissamment? Et n'estoit ce pas pour les exempter du naufrage qu'elle a distribué ses bienfaits aux Grands afin d'empescher vne guerre Ciuile, que la feue Reyne Mère n'a pu éuiter avec tous les auantages qu'elle auoit? Ils disent que toutes les affaires ne sont pas si bien gouuernées qu'elles le deuroient.estre, et que l'argent n'est pas si bien distribué qu'ils le désireroient. C'est ce qui passe ma connoissance; mais quand cela seroit, ie leur auouerois que c'est en cet endroit où les Souuerains feroient de grandes fautes, au cas qu'ils me pûssent prouuer que les particuliers missent vn si bon ordre dans leurs maisons qu'on leur rendist vn fidèle compte de tout ce qui s'y fait. S'il est vray qu'vn particulier qui a douze ou quinze domestiques, ne sçait pas tout ce qui se fait dans sa Maison, comment veulent ils que la Reyne scache tout ensemble les affaires d'Estat, de la Iustice, de la Guerre, des Finances et le particulier de toutes ces choses? Ceux mesmes qui possèdent quelqu'vne de ces charges, ne sçauent pas comment toutes les autres s'exercent, et quelle adresse il y a pour y profiter iniustement s'ils en ont enuie; de sorte que puisqu'il n'appartient qu'à Dieu de sçauoir tout ce qui se fait, il est asseuré que ceux qui gouuernent les Estats, sont déchargez de leur administration quand ils se seruent de personnes qu'ils croyent estre gens de bien et capables des affaires où ils les employent. C'est pourquoy la Reyne nostre régente ne pouuant pas tout sçauoir, et ne se trouuant pas d'exemple que depuis la création du Monde vne personne ait sceu naturellement toutes choses, on ne doit pas s'étonner de ce qu'elle s'est reposée touchant les affaires de cet Estat sur la conscience et sur la capacité de ceux qui auoient esté établis par le feu Roy son Espoux.

Ils diront encore que cette Princesse pouuoit donner la Paix au commencement de sa Régence, comme s'il eust esté facile de s'accorder auec le Roy d'Espagne qui croyoit que la mort du feu Roy et la ieunesse du Roy son fils luy causeroient le gain de cent victoires. Et puis quand elle l'eust peu faire, ie suis témoin que les Esprits malicieux l'attendoient à ce passage et qu'ils disoient desià qu'estant Espagnole, la Reyne ne manqueroit pas de faire vne Paix désauantageuse auec le Roy son Frère, et qu'en luy rendant toutes les Villes qu'on luy auoit prises, elle rendroit par ce moyen toutes les conquestes de la France inutiles; qu'elle s'entendoit avec sa Maiesté Catholique et qu'elle alloit abandonner l'intérest du François pour faire du bien à son Pays; qu'il faloit se méfier d'elle et que pendant qu'elle estoit en France, son cœur estoit en Espagne. Mais comme ils ont veu que cette grande Princesse n'auoit autre but que la gloire du Roy son fils et qu'elle estoit deuenue Françoise en épousant vn Roy de France, ils sont demeurez dans le silence pour quelque temps. Enfin le Siége de Paris ayant irrité les Esprits, on a pris la licence de parler et d'écrire contre sa Maiesté, sans considérer le respect que les François doiuent à la Mère de leur Roy. Et depuis, la Paix ayant esté conclue auec cette capitale Ville du Royaume, les Démons n'ont pas laissé de tenter encore de certains Esprits de luy continuer leur mauuaise volonté. Paris les comprend dans son enclos sans que ses Citoyens en soient coupables; car en quelque lieu qu'on se trouue en cette grande Ville, on y voit des gens de bien qui après auoir cherché la Paix auec Dieu, ne la cherchent qu'auec leur Roy et qu'auec leur Reyne; et le mesme Dieu qui préside sur les Autels, y distribue ses grâces à tant de

personnes qu'on y voit reluire la vertu de tous les costez. Le Clergé s'y emploie à estre le Médiateur de la Terre enuers le Ciel. Le Parlement et les autres Magistrats y rendent la Iustice à tout le monde. La Noblesse y languit en l'absence de son Roy et de sa Reyne '. Les Bourgeois n'espèrent point de repos qu'ils ne les voient établis dans leur Ville; et enfin entre le moindre peuple, il y en a beaucoup qui auoüent qu'ils ne peuuent subsister sans leur présence. Il n'y a donc que de certaines gens qui se meslent parmy ce grand nombre, lesquels par vn excès de malice, de foiblesse ou de brutalité ne demandent que le désordre. Les vns parlent ou écriuent pour ce qu'ils n'ont point de part au gouuernement du Royaume; les autres par vne mauuaise inclination et parce qu'ils ne trouuent bien que ce qu'ils font. Il y en a qui tirent de l'argent de leurs Ecrits, et quelques autres qui ne sçauent pourquoi ils font du bruit.

GRANDE Ville de Paris, la plus Auguste et la plus pompeuse de l'Vniuers, empeschez les désordres de ces Esprits qui veulent troubler encore vostre repos; inuitezles à vostre imitation à rendre le respect qu'ils doiuent à leur Roy et à leur Reyne. S'ils considèrent ce qui se fait dans leurs maisons et dans leurs Ames, ils seront si empeschez à y établir vn bon ordre que ie crois qu'ils ne penseront plus à vouloir corriger ceux qui les surpassent en vertu aussi bien qu'en condition. Faites leur souuenir qu'ils sont Chrestiens, et par conséquent que leur deuoir est d'adorer vn Dieu auec toutes les puissances de leur âme, d'aimer leur prochain pour Dieu et ne rien haïr pour l'amour de luy; et faites encore ce que vous pour

'Le roi est rentré à Paris, le 18 août. La pièce est donc antérieure à cette date.

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