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Ie commence donc par l'asseurance que ie reçois des mouuemens de ma conscience, et par la connoissance que i'ay de vostre zèle au bien public, duquel vous auez de tout temps esté les deffenseurs légitimes, aussi bien que de l'innocence des particuliers, par la iustice que vous rendez auec tant de suffisance et d'intégrité.

Et considérant en premier lieu la naissance de deux Princes de la maison de Bourbon, ce qui est deu à la dignité et à la qualité sacrée des Princes du Sang, à cause de la proximité qu'ils ont auec le Roy, ie ne puis m'empescher de dire d'abord de deux choses l'vne :

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Qu'vne entreprise si téméraire ne peut auoir esté conceue ni conseillée que par le plus audacieux de tous les hommes; ou bien que ces Princes sont conuaincus par des preuues inuincibles et plus claires que le iour, d'auoir conspiré la ruyne de la Monarchie, depuis l'establissement de laquelle nous n'auons point d'exemples pendant douze siècles que sous vne minorité, ny mesme sous les règnes des Roys les plus absolus et des Ministres les plus entreprenans, il aye esté rien fait de semblable, si l'on adiouste au nombre et à la qualité des prisonniers les formes de cette résolution et la circonstance des temps. »>

Mais qu'importe, dira quelqu'vn, d'auoir des exemples, si la raison et la nécessité de l'Estat qui iustifient toutes choses, ont exigé ce conseil? Si les temps passez ne se sont point trouuez dans des extrémitez si dangereuses que nous estions, si les Ministres de soixante et trois Roys n'ont pas esté si sages ni si vigoureux que le nostre, et si les conionctures n'ont point esté si fauorables qu'à présent, vn hon Politique doit il pour cela manquer de faire de grandes choses parce qu'elles sont nouuelles?

Certainement, si quand toutes ces suppositions seroient aussi indubitables qu'elles sont constamment fausses, il y auroit néantmoins beaucoup à redire à la présomption de celuy qui hazarderoit le gouuernement d'vn si grand Royaume par des moyens si nouueaux, si violens et si dangereux pendant vne Régence et pendant la guerre. Que dira-t-on s'il se trouue que ces Princes soient innocens, et que la Reyne aye esté surprise par les artifices du C. M. dans l'ordre qu'elle a donné pour cet emprisonnement? Que fera Monseigneur le Duc d'Orléans, ce prince incomparable pour sa générosité, pour sa iustice et pour sa douceur, aussi bien que pour sa sagesse, quand il connoistra que ce fauory luy a pour son intérest particulier et sans considération de la réputation de l'Estat ny du gouuernement, dont il est Lieutenant général, ny de la qualité de Prince du Sang, suggéré de si mauuais conseils qui font qu'il n'y a plus rien d'inuiolable? Que penseront tous les peuples qui se croyoient à la veille de la paix, après laquelle ils soupirent depuis tant d'années, lorsqu'ils s'en verront plus esloignez que iamais, et qu'au lieu d'esteindre vne guerre estrangère qui leur couste tant de larmes, tant de sang et tant d'argent, ce malheureux en vient d'allumer vne nouuelle ? Et vous, Messieurs, qui composez ce grand Sénat, qui estes les Anges Tutélaires qui gardez ce Royaume, et dont le rare esprit est à nos affaires ce que les esprits administrateurs sont aux Sphères qui leur sont com. mises, qui, par vostre prudence lorsque nous auons esté à l'extrémité des conseils et de l'espérance et dans la dernière confusion des affaires, auez releué l'Estat penchant, qui l'auez raffermy, qui auez tant réparé de ruines et de naufrages que ce Pilote qui conduit nostre

vaisseau, auoit faits, quel iugement ferez vous de celuy que vous auez desià condamné, à qui vous auez pardonné tant de crimes et d'attentats, quand pour le respect de l'authorité du Roy qui nous donnoit la paix, vous en ordonnastes la publication, et que l'on oublieroit toutes les iniures passées et tous les outrages qu'il nous auoit faits, afin de réconcilier vne fois pour iamais la France auec la France, afin qu'il nous rendist nostre Roy qu'il nous auoit enleué, et nos Princes qui auoient suiuy le Roy par deuoir? Quel iugement ferez vous, Messieurs, quand vous verrez ce mesme homme, par les mesmes enchantemens dont il s'est desià seruy tant de fois, qui diuise encore nos Princes, qui met le Sang de France contre le Sang de France, qui enfin va acheuer la ruyne de l'Estat, si vous n'y mettez la main vne autre fois, si vous ne rompez les charmes dont il abuse son Altesse Royale qui ne respire que le calme et la tranquillité publique, qui veut la paix que nous voulons tous, mais que nous ne sçaurions iamais auoir pendant que ce furieux se meslera de nos affaires, qu'il nous diuisera les vns d'auec les autres, qu'il porterà le flambeau de Prouince en Prouince, et qu'il retiendra ces trois Princes dans la captiuité, dont le premier est vn conquérant fameux par les batailles qu'il a gagnées, et par les villes qu'il a prises, qui est la terreur des ennemis, qui a esté l'amour de la France et qui le seroit encore si par vne obéyssance aueugle il n'eust esté le protecteur de celuy qui lors nous persécutoit, et dont les deux autres frères furent en mesme temps les deffenseurs de nos biens et de nos fortunes ?

I'ai donc à faire connoistre l'innocence de ces trois Princes, qui paroistra clairement si l'on examine les

faux prétextes dont le C. s'est seruy, les véritables motifs qui l'ont porté à ces emprisonnemens, et la foiblesse de cette accusation.

l'ay considéré auec soin, Messieurs, la lettre du 19 januier dernier qui vous a esté enuoyée sur le suiet de la détention de ces Princes, et laquelle sans doute n'a rien oublié de ce qui se pouuoit imaginer contre eux, puisque le Ministre qui l'a composée, est le plus hardy calomniateur qui fut iamais.

Ie ne vous en rapporteray, Messieurs, que trois ou quatre exemples, qui certes sont estranges pour son impudence ou pour ses intrigues. Vous sauez la peine que vous eustes à démesler la première accusation qu'il forma contre M. de Beaufort, et combien ce Héros et sa vertu sont demeurez en peine et en soupçon par ses artifices, et lesquels n'ont pu estre confondus que par le iugement de Dieu et le vostre.

La violence faite à MM. de Broussel et de Blancmesnil en l'absence de M. le Prince, et qui fut suiuie des Barricades de Paris, et la résolution de chasser huit autres officiers du Parlement, pour ne rien dire de plus fascheux, fut prise sur les sinistres impressions qu'il donna de leur conduite, encore en l'absence de M. le Prince.

Le conseil d'assiéger Paris et d'enleuer le Roy fut formé sur les impostures qu'il allégua. Il fit voir tant de monstres à l'esprit de la Reyne, il sçut par tant de terreurs persuader les Princes de la ruyne de l'Estat et du péril où se trouuoit la personne du Roy, qu'il leur sembla toucher le moment de sa perte et d'estre sur les

Lettre du Roy sur la détention des Princes de Condé, de Conty et Duc de Longueuille enuoyée au Parlement le 20 ianuier 1650 [2197].

bords du précipice, et qu'enfin ils n'osèrent y contredire. Il asseuroit qu'il sçauoit infailliblement que le lendemain quelques-vns d'entre vous se deuoient rendre Maistres de la personne du Roy pour le liurer aux ennemis; et en mesme temps pour se couurir de cet attentat et de toutes les faussetez qu'il auoit employées pour y paruenir, il eut le crédit de faire escrire au Parlement par M. le Duc d'Orléans et par M. le Prince', que c'estoient eux qui auoient donné ce conseil, quoy que le Mazarin seul l'eust proposé et persuadé.

En dernier lieu, l'entreprise prétendue contre la personne de M. le Prince, dans les informations de laquelle M. de Beaufort, M. le Coadjuteur et M. de Bruxelles' ont été compris, n'estoit ce pas vne pièce de l'inuention de M. qui auoit composé ce stratagesme dans son cabinet, afin de diuiser l'esprit des grands du Royaume, et de se deffaire par ce moyen des vns et des autres, s'il pouuoit, ou pour le moins, des vns après les autres.

Voilà des eschantillons, Messieurs, de ce que sçait faire l'ennemy de ces Princes, qui a composé ce grand libelle de leur accusation que l'examineray très-exactement après vous auoir supplié de considérer deux ou trois choses. La première que ce monstre est vn estranger, qui par vostre arrest de l'année 1617 rendu sur le suiet du Mareschal d'Ancre3, nommé Conchiny, Italien

Lettres du Roy, de Son Altesse Royale et de M. le Prince au Duc de Montbazon, au Préuost des Marchands, etc. [2279].

2 Lettre du Roy à la Cour de Parlement de Paris tant sur ce qui s'est passé à Paris le 11 décembre dernier, etc. [2138]; Requeste de Messieurs le Duc de Beaufort, le Coadiuteur et Broussel à Nosseigneurs du Parlement [3479],

et autres.

Arrest de la Cour de Parlement du 8 iuillet 1617 donné contre le défunct marquis d'Ancre et sa femme [204].

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