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de nation aussi bien que Mazarini, ne peut tenir la place qu'il fait, et que c'est celuy que vous auez déclaré perturbateur du repos public, ennemy du Roy et de l'Estat. En second lieu, que l'emprisonnement de ces Princes est sans exemple pendant la minorité d'vn Roy, qu'il est contre toute sorte de Iustice et particulièrement contre les dernières Déclarations, dont l'obseruation a esté tant de fois promise et si solemnellement violée en la personne de ces Princes, d'vn Chancelier de France, d'vn Président de la Chambre des Comptes 3, d'vne Duchesse, de deux Princesses, sans parler de tant d'autres particuliers, et qu'enfin il est iuste de leur produire vn autre accusateur et des témoins, et ne les pas oprimer sans qu'ils ayent droit de se deffendre; et que vous, Messieurs, deuez estre les iuges de leur innocence, tous les autres iuges du Royaume en estant incompétans, d'autant que le Parlement seul est le siége des Roys et la Cour des Pairs, et que les Princes du Sang de France ont dès longtemps ce droit acquis de ne pouuoir estre iugez, en ce qui touche leur honneur, que par le Roy, leur Souuerain et chef de leur maison, dans le Parlement, qui est le vrai Temple de la iustice françoise et le plus célèbre théâtre du monde.

Le Mazarin désirant couurir la violence de cette action, parle beaucoup de la modération de son gouuernement dans le commencement de cette lettre, et prend pour prétexte qu'il veut restablir vn ferme repos dans

' Par les arrêts des 8, 13, 25 janvier et 16 février 1649.

2 D'octobre 1648.

* Le président Perraut, intendant du prince de Condé. ↑ La duchesse de Longueville.

Charlotte de Montmorency, princesse douairière de Condé, et ClaireEugénie de Maillé, princesse de Condé.

l'Estat, parce que les ennemis ne se rendoient difficiles à la conclusion de la paix qu'à cause de nos dissen

sions.

Ces prétextes sont fort spécieux; mais sont-ils véritables? quelles diuisions auons nous vues dans l'Estat, que celles qu'il y a fait naistre pour s'y maintenir contre le vœu de tous les gens de bien? N'est il pas l'autheur de tous les désordres de Paris, des troubles de Bourdeaux et de Prouence? N'est il pas coupable de toutes les voleries qui ont esté faites dans les Finances pour l'enrichir? Quelle multitude d'Édicts de toute nature! Quelle violence dans l'exécution d'iceux iusques à prendre les gages de tous les Officiers du Royaume pendant quatre années, leuer sur dix sept Généralitez plus de cinquante millions par an, faire des taxes sans fin, sans raison et sans mesure sur tous les Officiers et sur les misérables que l'on nommoit Aisez; cependant, ne payer ny gages, ny rentes, ny la table, ny la maison du Roy, ny les gens de guerre! S'il guerre! S'il appelle cela la modération de son Ministère, s'il nomme tout ce que nous auons veu, qui sera incroyable aux siècles à venir, la douceur de ses conseils, ô Dieux, où en sommes nous ? Et quoy, après que le Mazarin nous a fait manger du pain de

il a l'audace de se promettre que le souuenir qu'aura toute la Chrestienté de la modération et de la douceur de ses conseils, qui a esté telle (dit-il) que souuent mesme on a imputé à foiblesse dans le gouuernement ce qui ne partoit que de sa bonté et de sa prudence, persuadera aisément qu'il a eu regret d'en venir aux derniers remèdes! Non, non, ny les Chrestiens ny les Barbares mesmes qui regardent de toutes parts les profondes playes que nous auons receues de luy, qui verront les

Campagnes désertes, les Villes ruinées, les Prouinces désolées, qui considéreront les emprisonnemens du président Barillon, du Duc de Beaufort, du Maréchal de la Mothe et de ces trois Princes, qui feront réflexion sur les proscriptions de tant de Magistrats, et qui escouteront les clameurs de tout le monde, ne prendront point le Mazarin pour vn monstre qui aye ny douceur, ny modération, ny bonté, mais pour le plus abominable des hommes, et que nous eussions exterminé si la Reyne, M. et M. le Prince ne l'eussent arraché des mains. de la Iustice et ne l'eussent protégé contre le ressentiment général du Royaume. O mon Ieune Prince, qui estes le fruict de bénédiction, l'attente et le désiré des peuples, Prince donné de Dieu pour la grandeur et pour la félicité de la France, que les gens de bien et que les sages ont de regret de voir que l'Intendant de vostre éducation soit celuy qui a esté condamné par la voix de tous les Peuples et par l'authorité de tous les Parlemens, et que celuy qui a les malédictions de toute l'Europe, gouuerne ses plus belles espérances.

Mais parlons (cette réflexion est trop douloureuse) et ne cherchons pas plus longtemps en luy ny bonté, ny modération, puisqu'il n'y en a point; continuons cette lettre qui dit qu'il a de bonnes intentions, et que c'est pour faire la paix, qu'il a fait emprisonner ces Princes.

Icy, Messieurs, i'appelle à tesmoing toute l'Europe. Que disent les Hollandois de son dessein, sinon que le Cardinal Mazarin a tousiours voulu continuer la guerre afin de se rendre nécessaire, qu'ils l'ont pressé, qu'ils l'ont attendu, et bien que leur alliance ne fust pas de petite considération, néantmoins qu'il l'a méprisée, de peur d'estre obligé de faire la paix conioinctement auec

eux? Que disent les Nonces du Pape, sinon que le C. Mazarin n'a iamais voulu la paix ? Qu'a dit M. de Longueuille à son retour de Munster, où il auoit esté enuoyé pour vne négociation si importante, sinon que le Cardinal Mazarin auoit empesché que la paix ne fust signée, que M. Seruien, qui seul auoit son secret, s'y estoit opposé formellement, et que M. Davau1, ce grand Plénipotentiaire qui auoit pris tant de peine à conduire les choses au point de leur perfection où enfin il les auoit mises lorsqu'il en vit la rupture, en auoit eu des desplaisirs infinis1?

Le Cardinal Mazarin peut il contredire tant de tesmoignages? Se peut il contredire luy mesme, qui a publié tant de fois en ce temps là qu'il estoit le maistre de la paix? Non, ces preuues sont trop constantes. On en sçait trop les particularitez et que la paix non-seulement n'a pas esté faite par le Cardinal Mazarin, mais qu'il l'a formellement empeschée, et que ne sçachant plus de moyen de s'opposer aux vœux de tous les François qui la demandoient, il a par vn artifice bien surprenant empesché les Espagnols d'y consentir, et ainsi nous a réduits à désirer vne chose impossible puisque la paix ne despend plus de nous en l'estat où nous sommes.

Il nous reste après les faux prétextes de cette accusation descouuerte, de faire voir àtout le monde l'intérest

'Claude de Mesmes, comte d'Avaux, plénipotentiaire de France à Munster. Mausolée de la politique et de la iustice dressé à la mémoire de deux frères illustres, M. le Comte d'Auaux et M. le président de Mesme, etc. [2421].

On peut consulter sur ce sujet les neuf pièces indiquées dans la Liste chronologique des Mazarinades sous la rubrique de Anniuersaire de la naissance du Roy, à la fin depuis la Lettre de M. Seruien à MM. les médiateurs [2039] jusqu'au Traité de paix entre sa Maicsté Catholique et les sieurs Estats Généraux des Pays-Bas [3798].

véritable du Cardinal Mazarin et de quels motifs il a esté porté pour faire emprisonner ces Princes; ce qui ne sera pas difficile, tout le monde pouuant conclure que puisque constamment ce n'est pas le bien du Royaume, il faut nécessairement que ce soit son aduantage particulier. Aussi y trouue-t-il non seulement la seureté de sa personne et l'establissement inébranlable de sa fortune, mais encore sa vengeance, son ambition, son auarice et toutes ses espérances satisfaites. Et si quelqu'vn en France se laisse persuader d'y auoir part et de profiter de cette disgrace, il se trompe asseurément. En voicy les effets véritables: l'Estat y perd le repos; le peuple y perd la paix; les Princes y perdent leur seureté et, quittant leurs prérogatiues sacrées, deuiennent comme les particuliers; les Parlemens y voyent la Iustice et la Déclaration violée; et les Grands du Royaume se voyent sousmis à la domination de cet estranger furieux, téméraire et vindicatif qui les perdra, quoy qu'ils se flattent, les vns après les autres, et fera gémir tous les gens de bien sous sa tyrannie, à l'establissement de laquelle nous trauaillons nous-mesmes, au lieu de nous y opposer conioinctement et de l'exterminer.

Désire-t-on que ie vérifie que c'est vne vengeance de longtemps préméditée ? Qui ne sçait pas qu'à Lens et à Lérida, le Cardinal de Mazarin fit tout ce qu'il put pour perdre M. le Prince? Tous ses amis ne l'ont-ils pas aduerty bien des fois de ne plus s'engager dans les Armées, ou qu'autrement il périroit comme auoit fait le Comte de Soissons? On voyoit bien que ce Ministre craignoit que la valeur de ce Prince ne fust fatale à sa fortune; et c'est pourquoy il s'en voulut défaire, et haïssoit celuy qu'il craignoit. Depuis ces premiers temps

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