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ne m'estime heureuse dans mon malheur d'estre la cause du restablissement du Royaume.

Ce sont là les véritez dont i'ay estimé qu'il estoit nécessaire que le public fust instruit; après quoy il ne me reste rien à adiouter sinon que i'exhorte icy tous les gens d'honneur et principalement le Parlement et le peuple de Paris où il semble que la source et le plus solide fondement de la Monarchie résident, de ne pas perdre vne si illustre occasion d'ayder à conseruer au Roy son Estat, à déliurer d'vne prison iniuste les Princes du Sang qui en sont l'appuy, à rendre la Paix à la France et à secouer le ioug insupportable de la Tyrannie estrangère; espérant que la diuine bonté qui pénètre les sentimens de mon cœur et qui sçait qu'ils sont acheminez à ces fins, bénira la justice des armes qu'on employe pour les faire réussir, que désillant les yeux de la Reyne, elle luy fera voir en quel abisme de malheurs le Cardinal Mazarin tasche à la précipiter, qu'elle détrompera M. le duc d'Orléans des mauuais conseils qu'on luy donne, et qu'elle fera enfin qu'vn party si vtile et si nécessaire que celuy de la liberté et de la Paix sera aussi généralement soutenu par les gens de bien que ie sçay qu'il en sera généralement approuué.

Apologie des Frondeurs [112]'.

(9 mai 1630.)

Nous ne serions pas dignes du nom que l'on nous a donné par dérision et que nous auons rendu illustre par nostre vertu inesbranlable et par vne fermeté que la calomnie n'a peu terrasser, si nous ne le purgions auiourd'huy d'vne tache d'huile ou plustost d'vn poison lent et sucré qui menaceroit nostre réputation d'vne mort tragique et sans remède dans quelques iours. La quantité de personnes de Cour qui briguent auiourd'huy cette qualité de Frondeurs que la fortune a mise à la mode, nous donne vne iuste crainte que ces estrangers, prétendans à nostre adoption, n'ayent point d'autre dessein que de profiter de nostre succession seulement et d'hériter par adresse d'vn party qui ne s'est formé que pour la deffense de l'Estat et pour la protection des bons et véritables François.

Ce succès inespéré nous donne bien, à la vérité, quelque esclat; mais il est important que tout le monde sçache que si nous auons en la force de résister à la tentation d'vne fortune ieune et pleine d'attraits, nous aurons le courage de mespriser celle d'vne vieille fardée, qui, faute d'vne beauté naturelle, ne doit auoir recours qu'aux enchantemens de Circé pour perdre malicieuse

'C'est un des pamphlets du cardinal de Retz. « M. le Coadiuteur le faisoit voir à ses amis, dit Omer Talon. Il me l'apporta et dit qu'il étoit fait contre son parti. » Les Frondeurs, inquiets de la reddition de Saumur et de la prise de Bellegarde, voulaient se rapprocher du parti des princes prisonniers.

ment vne petite flotte si glorieusement eschappée des escueils des Syrènes et de la malice de nos mauuais amis et de tant de tempestes que nous auons souffertes. Nous ne sommes point capables, en général, d'vne si estrange métamorphose; et si quelques-vns des nostres font naufrage dans les costes des Lotophages et d'Enarie, si les fruits et les breuuages de la Cour nous dérobent quelques-vns de nos compagnons, leur foiblesse renforcera nostre courage; et nous fournirons la carrière riter la paix qui nous a fait entrer en lice.

pour

Nous n'auons pas veu sans vn extresme regret l'opiniastreté du Prince qui s'est opposé à nostre dessein. Le respect que sa condition exigeoit de nous, l'a rendu long-temps sans effet, nous obligeant à ne lui porter que des coups fauorables; mais quand nous auons veu que son courage estoit inflexible et nostre perte asseurée, nous nous sommes à la vérité deffendus, de telle sorte toutefois que a peu voir que nous désirions plustost de le lasser que de l'abattre. Enfin il est tombé; mais il faut que tout le monde sçache que c'est d'vn coup qui luy est venu de dehors la barrière, et que nous ne nous vanterons iamais de cette victoire que nous n'auons point trauersée que parce qu'il nous en auoit osté la force.

l'on a

Ce combat nous estoit de mauuais augure et ne luy pouuoit estre que funeste, puisque nous ne remarquions point à ses costés la Fortune de l'Estat preste à seconder sa valeur, ny cette belle Renommée, sa fidèle compagne dans les occasions mémorables de Rocroy, de Thionuille, de Fribourg, de Worms, de Mayence, de Philisbourg, de Nordlingue, de Dunquerque, de Lens et mille autres fameuses victoires ou conquestes de Villes et

le

de Prouinces. Au contraire il n'y estoit animé que par crouassement des Corbeaux et par les conseils pernicieux de ces âmes noires de la Cour qui se préparoient à cueillir les fruits d'vne double victoire sur l'vn et sur l'autre des deux partis. C'estoit vn arresté des destinées que ce Prince le plus glorieux de nostre âge succombast dans vne poursuite iniuste et dans l'oppression où il nous vouloit ietter, pour seruir d'exemple à luy-mesme et à la postérité de la Iustice de Dieu et de la protection des innocens contre la puissance des Grands.

Nous auons vne singulière obligation d'adorer les secrets de sa Prouidence, de le remercier de ce que son chastiment n'a point esté sanglant iusques à présent et de le supplier qu'il nous conserue ce Prince que nous eussions veu périr auec regret et auec plus de larmes qu'il n'a répandu du sang de nos ennemis. Nous ne pourrions pas estre François auec d'autres sentimens ; et si nous n'auions esté contraints par vne urgente nécessité à souffrir et non à conseiller sa détention, qui nous a affligez par ses circonstances qui sont, à la vérité, terribles et qui pourront donner lieu à d'estranges entreprises au Ministre qui a si malheureusement, pour l'Estat, moissonné le froment d'vne terre où il auoit semé la zizanie, nous aurions esté aussi aises qu'vn amy commun nous eust séparez, que nous sommes inconsolables qu'il ait esté arresté par nostre ennemy commun et qui sans doute enuioit la victoire à l'un ou à l'autre des deux Champions.

Nous ne feignons point de publier hautement que ce Prince malheureux est seul cause de son infortune, et que nous auons iusques à l'extrémité tenu ferme contre les desseins que le Cardinal Mazarin auoit de le faire

arrester pour sa querelle particulière trois mois auparauant, et que nous le protégions lorsqu'il entendoit aux moyens de nous perdre. Il n'y a eu sortes de promesses que l'on ne nous ait faites pour consentir à ce dessein insolent et téméraire, mais capable de gagner le cœur des personnes plus ambitieuses et plus curieuses de leur grandeur que de leur réputation; car toutes les hautes Charges et les dignitez plus éminentes eussent esté remplies des plus considérables des nostres. Tant s'en faut le brillant de ces fausses amorces nous ait peu que charmer la veue que nous auons eu horreur des ténèbres de cette perfidie et que nous auons eu plus de compassion pour l'aueuglement du Prince et de haine pour l'ingratitude de cet ennemy couuert qui luy auoit obligation de la vie comme de la durée de son Ministère.

Nous auons ioint à nostre intérest celuy de la maison Royalle et de l'Estat et insisté plus fortement que iamais pour luy faire connoistre le tort qu'il se faisoit, de préférer au party des gens de bien ceux du plus perfide des hommes. Mais si nous l'auons ébranlé, d'autres Puissances et quelques faux respects assez difficiles à vaincre. l'ont raffermy; et s'estant inconsidérément laissé surprendre à vne infinité d'artifices que l'on a employez pour luy donner auersion de nous, il a donné dans le piége et a creu que l'on auoit attenté à sa personne. Il est très-certain que cela s'est publié pour véritable longtemps auparauant qu'il y ait voulu adiouster foy et que sa mauuaise fortune a voulu qu'il en ait esté persuadé par des tesmoins que la Cour a produits par vne voye si nouuelle et si inouye qu'il n'y a point d'épithètes ny pour ces Ministres ny pour celuy qui les a corrompus. Les flatteurs que l'on entretenoit auprès de luy, l'ont

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