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Apologie pour Malefas [124]'.

(15 novembre 1650.)

Esconte, Malefas; il faut que ie te die
Que tu nous dois la farce après la Comédie,
Et que cette iument du coup qu'elle a tiré,
Vengera le cheual du Baron de Ciré,

Ce grand cheual de Mars qui donna tant de ioye
Aux peuples assemblez dans les places de Troye,
Et qui fut aux limons d'un sale tombereau
Pour conduire au marché la fiente et le bourreau.
Le sort encore vn coup te rappelle au Théâtre.
Ton visage blanchi de farine ou de plastre
Fera rire bientost le noble et le bourgeois.
Tes sangles, ton béguin et ta dague de bois,
Tes deux pouces passez dans ta double ceinture
Donneront du plaisir à toute la nature.
Que l'on trouuera bon de voir ton demi froc
Couuert d'vn bonnet rouge et de plumes de coq,
De voir ton corps de caute et ta fesse embourrée
Danser la Bergamasque et la vieille bourrée !
Tu seras la nourrice ou l'enfant au maillot.
Tu seras compagnon de ce braue Guillot;
Et ta voix ridicule auec ta grosse trogne
Fera doubler le prix à l'Hostel de Bourgogne.
Les desseins de Hardy, de Beys ou de Pichou
Ne peuuent près du tien valoir vn tronc de chou.
Le meilleur brodequin d'Aignan ou de La Porte
N'estoit qu'vne sauate; et leur muse estoit morte.

'Malefas est Isaac de Laffemas, l'auteur du Frondeur désintéressé qui précède. L'Apologie a été composée par Paul Hay, marquis du Châtelet.

Il n'est rien de pareil à tes doctes chansons.
le regrette desià le temps que nous passons
Priué de la douceur que nous promet la Scène
Quand ta muse voudra se redonner la peine
De te feindre amoureux de la vieille Alizon.
Qu'il t'en reste le mal ou bien la guérison,
Que tu passes pour laid ou bien pour agréable,
Tu nous seras tousiours également aymable.
Que tu fasses le ieune ou le vieillard tremblant,
On ne verra plus rien qui vaille Beausemblant '.
Retirez vous d'icy, Fracasse et Belleroze;
Allez porter ailleurs vos vers et vostre proze.
Emmenez Turlupin et tous les Iodelets.

Vous n'aurez plus d'argent que des moindres valets.
Vous n'aurez plus besoin de parterres ou de loges.
Malefas ne va point Commissaire à Limoges.
Puisqu'vn si bon acteur se remet au mestier,
Il vauldra, luy tout seul, et Guillaume et Gaultier.
Ce n'est pas que iamais il ait quitté la farce.

Quand le falot monta dessus les Fleurs de Lys,
Tantost il fust Roland et tantost Brandelys.

Il n'est iamais sans masque; et son humeur bouffonne
Contrefait aussi bien Momus que Tisiphone.
Dehors il est hautain, séuère et glorieux.
La morgue en est tragique et le front furieux.

Il remplit I'vniuers d'eschaffaux et de roues.
Son plaisir est d'abattre et de voir dans les boues
Tout ce que le destin a fait de plus puissant.
Ce sacre est bien appris à voler l'innocent.

Le sang est son ragoust; et les yeux pleins de larmes
Pour d'autres que pour luy n'ont iamais eu de charmes.

'Beausemblant est la terre où Laffemas naquit en Dauphiné. Ses ennemis prétendaient qu'il avait joué sous ce nom à l'hôtel de Bourgogne,

Il a pris sa naissance au dommage public;
Et de tout ce qu'il voit, il est le Basilic.

O dieux! quel passe temps quand ce fou sanguinaire
Fait vn valet bourreau, l'autre questionnaire!
Qu'il dit en les parant de cet illustre employ :

« Nous serons compagnons; nous seruirons le Roy.
La moisson sera bonne; et i'ay sur mes tablettes
Pour vous faire gagner plus gros d'or que vous n'estes.
Mais gardez vous aussi qu'au lieu de bien agir,
Vostre incapacité ne me fasse rougir.

l'en voy de si lourdaux que l'on iroit à Rome
Tandis que ces coquins sont à me pendre vn homme.
L'autre se prend si mal à faire entrer les coins,
Que pour faire vn procès, il faut mille tesmoins;
Et faute d'vn bon mot, vn pauure commissaire
Ne
pourra nettement acheuer vne affaire.

Or à n'en point mentir, ie sçay que ie l'entends
Mieux que les Lugolis et mieux que les Tristans;
Et sans que mon argent courust aucune risque,
le pourrois à tous deux leur donner quinze et bisque.
Le Roy m'a fait l'honneur de le dire en bon lieu;
Et ie sçay mon mestier par la grâce de Dieu.
Deuant moy les muets disent tout ce qu'ils sauent;
Et les plus innocens à grand peine se lauent.
Ie fais dire en vn iour plus qu'vn autre en vn mois;
Et ie ferois parler vne pièce de bois.

La farine et le son, tout passe quand ie blutte;
Et si ie veux trouuer de l'ordure à la fluste,
Addresse ny vertu ne m'en peut empescher.
Mes ruses tireroient de l'huile d'vn rocher.
Mais bien qu'en ce bel art mon industrie excelle,
On ne peut pas tousiours se rompre la ceruelle,
Et suer iusqu'au sang pour faire discourir
Vn meschant obstiné qui ne veut point mourir,
Et qui faisant le sainct à deux doigts du supplice,

Ne voudra réuéler ny crime ny complice,

Affin qu'vn peuple sot mette en pièces mon nom
Sous ombre qu'vn pendard aura tousiours dit non.
C'est alors que vos soins me doiuent de l'escorte
Et peuuent soulager vn homme de ma sorte.
Vn aiz, vn trait de corde, vn poids mis à propos
Me vaudroient quelquefois six heures de repos,
Et feront sur-le-champ treuuer le don des langues
A tel qui seroit sourd à toutes mes harangues.

Ha

que ie suis trouble! que mes sens sont esmus
En me représentant combien ie fus camus
Quand pour ne sçauoir pas estendre la courroye,
Vn Richard se sauua de la fausse monnoye;
Et que pour me fier à l'ouurage d'autruy,
Nous ne pusmes iamais faire parler de luy!
le fis bien mes efforts sur cette âme ferrée
Qui iamais ne voulust me la mettre en curée;
Mais ie deuois moy mesme adiuster les ressorts,
Et pour tenter l'esprit, taster si bien le corps
Que i'apperceusse au moins qu'il gagnast son auoine
Et
que l'on l'entendist du petit sainct Anthoine.
Dieux que l'eusse fermé d'vn merueilleux blocus
Le Palais enchanté de ce père aux escus!

Que i'eusse plumé l'oye et qu'il eust eu de peine
A sauuer ses moutons qui portent de grand' laine!
Ne songeons plus pourtant à ce maudit voleur
Contre qui mon addresse a ioué de malheur;
Et songeons seulement à vous rendre capables
De mettre à mesme point innocens et coupables.
Iamais homme entendu ne sera satisfait

Quand vous ne ferez rien que ce que chacun fait;
Et pour tirer vn mot d'vn qui veut bien le dire,
le prendrois à regret le soin de vous instruire.
Aprenez donc tous deux à faire de tels coups
Qu'aux grandes actions on ait besoin de vous.

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