ページの画像
PDF
ePub

le sçay qu'on n'estoit point quand on commença d'estre,
Et que du premier coup l'apprentif n'est pas maistre;
Mais sachez que ma main vous peut rendre excellens
Et vous faire en vn iour aussi bien qu'en mille ans.
Ne manquez à me voir ni Dimanche ni Feste
Quand ie ne feray pas de capture ou d'enqueste.
Il ne me faudra pas douze ou quinze leçons
Pour vous en enseigner de toutes les façons.
Si iamais vostre esprit est capable d'entendre,
En huict iours de loisir ie vous feray comprendre
La beurrière, les poids, la corde, le bandeau,
Le feu, les brodequins, le cheualet et l'eau.
Faisant de mon costé, faites aussi du vostre.
Ne vous quittez iamais. Exercez vous l'vn l'autre.
Et lorsque vous verrez que ie vous estandray
Sur l'ais, sur les tretteaux, sur la croix Saint-André,
Et qu'il ne sera point de morts ni de torture
De quoy ie ne vous donne vne ample tablature,
Soyez à m'obseruer actifs et diligens.

Aymez vostre mestier comme d'honnestes gens;
Et que vous puissiez dire en semblable mistère :

« C'est ainsi que Monsieur nous a dit qu'il faut faire. »
Rendez vous seulement dignes de ce bonheur;

Vous serez bien venu chez tous les gens d'honneur.
Et ie me voudrois mal si dans tout le Royaume

Quelqu'vn vous prisoit moins que Maistre Iean Guillaume'.
N'en desplaise à Messieurs de ce beau Parlement
Dont les Arrests boiteux marchent si lentement
Que pour exécuter ce qui sort de leur cage,
Ils ne mériteroient qu'vn bourreau de village,
Et non pas ce héros de qui les bras pendans
Ne sont presque employez qu'à luy curer les dens.

Le bourreau,

Pardieu, ie suis honteux de voir comme l'on frustre
De son droit légitime vne personne illustre

Qui dans les derniers temps mouroit de faim sans moy.
Cela rebute fort de bien seruir le Roy.

On n'en sçauroit auoir de prétextes plus amples;
Et ie me mets en quatre après de tels exemples.
Mais quoy? C'est que l'espère et que ie
croy qu'vn iour
Les hommes de vertu régneront à leur tour,
Et qu'ayant bonne main à chercher playe et bosse,
Le plus gueux de nous trois aura double carrosse.
Alors, chers compagnons, tous vestus de velours,
Nous pendrons, nous rouerons cent hommes tous les iours.
Nous ferons renuerser toutes les loix de Rome.

Vn tesmoin suffira pour condamner vn homme. »
Par ce graue discours, l'excrément du Palais

D'vn

que ce

Se met en bonne odeur auprès de ses valets,
Tandis que le badaud se presse à voir la moue
bon Chrestien fait damner sur la roue.
La potence a blessé l'esprit de ce vautour,
Et n'en guérira point s'il n'y perche à son tour.
Là tendent ses désirs; et quoy qu'il en marmotte,
Le malheureux qu'il est, n'a point d'autre marotte.
Quand vne heure de nuict luy ferme la prison,
Que le gibet garny le chasse à la maison,
Il fait venir à luy les enfans de la matte.
Le bourreau réparé d'vn habit d'escarlate
Que le roigneur laissa, mourant au carrefour,
Vient pour luy rendre compte et luy faire la cour.
L'espion, le tesmoin, le vendeur de complices
Et les donneurs d'aduis font toutes ses délices.
C'est là qu'enuironné de ce peuple inhumain,
Il met iacquette bas, et le verre à la main,
Entonne à haute voix vne chanson pour boire.
C'est là qu'en bégayant il rime quelque histoire
De ceux que son addresse a mis dans les hazards.

Il chante les frayeurs du cheualier de Iars1,

Et iure à ses amis par le vin qu'il leur donne,
Que iamais son aduis n'eslargira personne.

Quand l'Hippocras l'a mis dessus ses grands cheuaux,
Il dit qu'il a fait pendre et Ducs et Mareschaux,

Qu'il ne pardonne à rien, que quelque temps qui vienne,

Il faudra tousiours bien que son art se maintienne,
Que les meilleurs François ne seront point contens
Que le bonheur public n'ait amené le temps
Où le sort fera voir au peuple misérable
Malefas chancelier, Hautdessens Connestable.
Il leur dit : « Si iamais ie viens à ce crédit,
I'anobliray vostre ordre; et par vn bel Edit
Ie purgeray bientost vos charges d'infamie,
Scachant ce que l'on doit à vostre prudhommie.
Vous serez anoblis; et sans payer le sceau
Et tous les petits droits d'vn partisan nouueau,
Vous aurez sans finance et gages et salaires.
l'aboliray la loy du ban et des galères,

Et celle qui vouloit qu'on eust à tout le moins,
Pour faire pendre vn homme, vn couple de tesmoins.

Ie rempliray l'Estat de causes criminelles.

En chasque Parlement ie feray trois Tournelles.
Vous aurez la paulette et la beuuette aussi

Qui boira tout le vin de Beaune et d'Irancy.

Ce qui vient de Bayonne ou de Troye et de Vanure,
Sera le desieusner des officiers du Chanure.

Il en embrasse l'vn; il baise l'autre au front.

་་

>>

Il leur demande : « Hé! bien m'a-t-on fait vn affront? l'ay parlé, ce matin, comme eust fait Martillière. Montauban a iazé comme vne chambrière.

2

[ocr errors]

'Le Chevalier, depuis commandeur de Jars, avait été compris dans le procès de Cinq-Mars.

2 Montauban et Martillière, avocats célèbres au parlement de Paris.

Puis il boit dans leur verre; ils boiuent dans le sien.
Et puis chacun s'en va quand il se porte bien;
Sinon que ces Messieurs trop chargez de vendange
Se gistent quelquefois dans la première fange,
Quand ce noble troupeau s'eschauffe de santez,
Que leurs foibles esprits par la vigne enchantez
Oublient à la fin toute la différence

D'entre les Conseillers et les marauts de France.
Bacchus égale tout; et cet amy des Dieux
Mespriseroit vn Roy s'il ne beuuoit le mieux.
Dans les charmes plaisans de cette phrénésie,
Chacun d'eux fait et dit selon sa phantaisie.
La liberté rendue à leur profession

Fait voir le naturel de chaque passion.

Ils se prennent l'vn l'autre ; ils s'entreueulent pendre.
L'vn se laisse lier; l'autre se veut deffendre.
L'vn croit estre le moine et l'autre le pendard.
Malefas couronné d'vne coine de lard

Tantost pense estre iuge et tantost Gros Guillaume1;
Tantost il pense voir quelqu'horrible phantosme
D'vn homme que sa voix fait manger aux corbeaux,
Et hurle comme vn fou qui sous de vieux tombeaux
Du desmon ou du loup se croit estre l'image.
Quelque frayeur qu'il ait, il mord dans le fromage;
Il serre d'vne main son ample gobelet;

La vision dans l'autre a mis vn chapelet;

Et tout d'vn mesme temps cet insensé bourdonne
Vne farce, vn arrest, vn que Dieu me pardonne!
A la fin le sommeil les vient mettre d'accord.
L'vn se croit condamné; l'autre pense estre mort.
Et le maistre au matin sans colet et sans fraize
Se treuue entre les bras du bourreau qui le baise.

le

1 Tallemant des Beaux dit que Laffemas jouait agréablement en société personnage de Gros-Guillaume.

Il s'esueille en sursaut; et quand il est leué,

[ocr errors]

apporte au conseil tout ce qu'il a resué. Plein de mesme fureur, cet yurognę déclamé

Tout ce que peut vomir la gueule d'vn infâme.
Il tonne; il mord; il gronde; il menace; et pourtant
Il en a fait brancher qui n'en disoient pas tant.
Iamais il n'a fait voir qu'il ait eu la puissance
De dire son aduis pour aider l'innocence.

A ses yeux tout est crime et tout digne de mort.
Le suiet de rigueur est tousiours le plus fort.
Il pend d'vn mesme coup le iuste et le coupable.
Et si la cruauté du sort impitoiable

Eust commis d'autres gens aussi fascheux que luy,
Paris, vous n'auriez plus d'habitans auiourd'huy.
Il sait sonder la peur de celuy que l'on traine
Deuant son tribunal pour endurer la gesne,
Promet de le sauuer s'il daigne seulement
Accuser quelque riche au milieu du tourinent.
Il déuore en esprit son argent et ses rentes.
Il adiouste aussitost des preuues apparentes.
L'espérance du bien flatte cet imposteur.
Vn mesme iour le voit et iuge et délateur.

Il marche; il trotte; il court; il inuente; il suppose;
Il forge à tous momens quelque nouuelle chose
Et veut que nous croyons, tant ce badin est fat,
Que l'ordure qu'il fait, a releué l'Estat.
Escoute encore vn mot: la torche, la potence
Vengeront tout le mal qu'a fait ton impudence.

« 前へ次へ »