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qui ont si libérallement sacrifié leurs biens et leurs vies à la liberté de Messieurs les Princes, et sur la glorieuse ville de Stenay où l'instrument de la cheute du démon Incarnadin et celuy de vostre Triomphe a esté forgé. Il est temps, généreuse Altesse, il est temps de mettre fin aux trauaux inconceuables que vous auez supportez et de quitter la charette d'amertume de laquelle Votre Altesse fut obligée de se seruir en fuyant la persécution Incarnadine, et de monter sur le Char de vostre Triomphe pour iouir de la douceur des fruits de vostre victoire. Allez doncque, grande Princesse, allez receuoir les honnestes abords de deux Frères et d'vn Espoux, et les applaudissemens deubs à la Restauration de la liberté mourante. Allez acheuer cet ouurage de la Paix généralle que Monsieur le Duc de Longueuille auoit si heureusement arresté, et le Démon Incarnadin si malheureusement refusé à toute la Chrestienté. Ne frustrez pas plus long-temps nostre inuincible Monarque de son attente. La Reyne vous y conuie; le Parlement vous tend les bras; les peuples sont desia préparez aux cris et acclamations publiques qui sont deubs à vostre Triomphe; et les lieux où vous deuez passer, couchez de Rameaux d'Oliues, de Lauriers, d'OEillets et de Roses. La France n'attend plus que vostre présence pour consacrer au Temple de vostre mémoire vos Trophées et immoler la victime du sacrifice qui est deub à vostre Triomphe. Le buscher en est desia agencé; et ne reste plus que d'y porter la torche ardente du feu qui la doit consommer auec les fers et les barres qui auoient osté la liberté que V. A. a si heureusement redonnée à Messieurs les Princes. Tout le monde se meurt d'impatience de voir paroistre vostre adorable personne sur le Trosne magnifique que V. A. s'est érigé et basty de ses

propres mains, dont vos vertus héroïques ont esté les dégrez aussi bien que les fondemens.

Ridendo dicere verum quis vetat?

Vale, egregie Sarazine; iam iam tua ope emersurus ab Illustrissimæ Borbonix Historiarum perplexitate ex quá tanquam è labyrintho Ariadne, id est tuo filo destitutus, nonquam potuissem euadere.

Remise de la bibliothèque de Monseigneur le Cardinal Mazarin par le Sieur Naudé entre les mains de Monsieur Tubeuf [3289] '.

(13 février 1651.)

Auiourd'huy, 14 féurier 1651, le nommé Mathieu, seruant d'ordinaire au palais de Monseigneur l'Éminentissime Cardinal Mazarin, me vint dire en mon logis dans la cour de l'Abbaye S. Géneuiefue, que M. Tubeuf, président en la Chambre des Comptes, m'auoit demandé dès le soir auparauant et auoit commandé que l'on m'aduertist de le venir trouuer le plus matin qu'il me seroit possible; ce qui fut cause que ie me rendis chez mondit sieur Tubeuf, demeurant derrière le Palais-Royal proche la Butte de S. Roch, sur les huit heures; et ayant appris du portier que ledit sieur n'estoit encore leué, ie m'en

La pièce n'a point de titre dans l'original. Celui que j'ai accepté, est emprunté au Catalogue de toutes les œuvres de Naudé, que le P. Louis Jacob a placé à la suite de son livre intitulé: G. Naudæi Tumulus. Naudé est encore auteur de l'Avis à Nos Seigneurs du Parlement sur la vente de la bibliothèque de Monsieur le Cardinal Mazarin [476], et de Bibliotheca venalis seu Mazarinus proscriptus [582].

vins au palais de M. le Cardinal Mazarin, mon maistre, où le nommé Annet, seruant à la garde-robe, m'ayant dit que M. Tubeuf s'estoit saisi dudit palais et de tout ce qui estoit en iceluy, pour la seureté de la somme de 680 000 liures' qui lui estoient deues par S. E., et qu'il m'auoit enuoyé quérir pour auoir les clefs de la bibliothèque, cela m'obligea d'aller au Palais-Royal sauoir de M. Euzenat, intendant de la maison de mondit seigneur, ce que ie deuois faire en cette occasion. Sur quoy ledit Sieur Euzenat me dit que M. Tubeuf estoit venu le iour auparauant luy parler dans sa chambre au PalaisRoyal et l'auoit prié de trouuer bon que pour la seureté de son deu, il fist faire la saisie mentionnée ci-dessus. A quoy ledit sieur Euzenat luy ayant répondu qu'il sçauoit fort bien que S. E. ne feroit rien perdre à personne et moins à luy qu'à aucun autre, et qu'il pouuoit faire en cette occasion tout ce qu'il iugeroit vtile et nécessaire pour ses asseurances, mondit sieur Tubeuf le pria de vouloir bien venir receuoir l'exploit au palais de S. E.; de quoy le sieur Euzenat s'estoit excusé sur les affaires qu'il auoit auec M. de Massac, présent, et qui ne luy permettoient en aucune façon d'y pouuoir aller; aioutant qu'il y alloit enuoyer M. le Normand auquel on pourroit laisser ledit exploit. Il me dit aussi qu'il auoit d'autant plus volontiers consenti à cette saisie qu'elle estoit сараble de mettre ledit palais et le peu qui restoit en iceluy, à couuert de la fureur et de la violence du peuple, si d'auenture il arriuoit quelqu'émotion au cas que le Roy

1 Le président Tubeuf est colloqué pour 600 000 livres, valeur de ses maisons des rues des Petits-Champs, Richelieu et Vivien, dans l'Arrét de la Cour de parlement donné en faueur des créanciers du Cardinal Mazarin, etc. (7 sept. 1651). [300]

partist de Paris, ou pour d'autres raisons qu'il estoit aussi difficile de préuoir que d'esuiter; et qu'au reste il ne voyoit pas que ie deusse refuser de faire le mesme de la bibliothèque qu'il auoit fait de tout le logis, puisqu'en tout cas mondit sieur Tubeuf s'en pouuoit saisir par iustice et que comme il estoit bon ami de nostre maistre, il estoit plus à propos de traiter auec luy ciuilement que par force et à toute rigueur. Après quoy estant retourné au palais Mazarin, ie trouuay M. Tubeuf qui y entroit, accompagné d'vn procureur, nommé le Blanc, d'vn huissier, nommé Darbault, qui faisoit inuentaire de tout ce qui estoit audit palais, appartenant à S. E., et de M. Petit, domestique ancien dudit sieur Tubeuf qui auoit bien soin de faire fermer toutes les chambres qu'on auoit visitées, et d'en prendre les clefs. Et m'ayant dit d'abord qu'il m'auoit fait appeler afin que ie luy donnâsse les clefs de la bibliothèque, à cause qu'il auoit fait saisir le palais et tout ce qui estoit dedans, ie luy répondis que ie le ferois plus volontiers à luy qu'à homme du monde, veu la bonne amitié qu'il auoit tousiours témoignée à Monseigneur le Cardinal auec lequel il s'accommoderoit bien, s'il plaisoit à Dieu de le ramener à Paris, et qu'en cas que de non, ie croyois néantmoins que la bonne correspondance continueroit tousiours entr'eux deux et qu'il ne se feroit rien en toutes ces affaires que de gré à gré.

Ensuite de quoy, l'ayant mené à la grande Salle du petit corps de logis qui ioint au grand, ie luy en fis l'ouuerture; et après luy auoir monstré comme elle estoit toute pleine, depuis le bas iusqu'au haut,'de liures de Droit Ciuil et de Philosophie in-folio et de liures de Théologie in-quarto, ie la fermai à double tour et en consignai la clef par ordre de mondit sieur Tubeuf audit Sieur Petit.

Delà ie le menai dans le premier entresol des trois grands qui sont sur la montée de la Garde-robe; et après luy auoir fait remarquer comme il estoit entièrement plein de liures en Médecine, Chimie et Histoire naturelle de toutes sortes de volumes, voire mesme qu'il y en auoit beaucoup qui estoient rangez à terre et sur le plancher, faute de place sur les tablettes, ie fermai ledit Entresol à double tour et en donnai la clef au mesme Sieur Petit. Après quoy, ie menai ledit Sieur Tubeuf au second entresol plein de Bibles en toutes langues, sçauoir: Hébraïques et autres Orientales, Grecques, Latines de vieille et nouuelle édition, Françoises, Italiennes, Espagnoles, Allemandes, Flamandes, Angloises, Hollandoises, Polaques, Hongroises, Suédoises, Finlandoises, Galoises, Hibernoises, Rhuténiques, iusqu'au nombre, auec les autres Mss. etc, d'enuiron deux cents, comme aussi de commentateurs sur la Bible en toute sorte de volumes; et l'ayant aussi fermé à double tour, ie donnai la clef au mesme Sieur nommé cy-dessus. Ensuite ie luy montrai le troisième Entresol plein de liures м.ss. Hébreux, Syriaques, Samaritains, Éthiopiens, Arabes, Grecs, Espagnols, Prouençaux, Italiens et Latins de toute sorte, tant pour les matières que pour les volumes; et l'ayant fermé et donné la clef comme dessus, ie le fis monter à la grande Bibliothèque et luy ouuris la première Chambre haute exhaussée et pleine, depuis le plancher d'en bas iusqu'à celuy d'en haut, de liures en Droit Canon, Politique et autres matières meslées en diuerses sciences. Et passant de cette première Chambre à la seconde, ie luy fis entendre comme elle estoit pleine, à la façon de la précédente, de liures Luthériens, Caluinistes, Sociniens et autres hérétiques en toutes langues, comme aussi de liures

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