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Hébreux, Syriaques, Arabes, Éthiopiens et semblables Orientaux de toutes les sortes, auec beaucoup qui estoient à terre faute de place sur les tablettes et pupitres. Enfin ie le menai de ces deux Chambres dans la grande Gallerie longue d'enuiron neuf ou dix toises, où estoit toute l'Histoire tant ecclésiastique que profane, tant vniuerselle que particulière de toutes les nations auec les 350 vol. Mss. in-folio, reliez en maroquin incarnat et recueillis par M. Loménie; la Mathématique au nombre d'enuiron 3500 vol. ; les Pères, la Scholastique, la Controuerse, les Sermonaires, les liures de l'Imprimerie du Louure et quasi toutes les Humanitez, auec plus de liures couchez par terre qu'il n'en pourroit tenir dans trois chambres de iuste grandeur, et beaucoup de grands volumes de Chartes, Estampes, Voyages, Entrées, etc. Après quoy, ie luy fis voir comme la porte du costé de la terrasse estoit fermée à double tour et verrouillée haut et bas auec des clauettes abbatues derrière; et l'ayant fait sortir de ladite Gallerie et des deux chambres cy-dessus nommées et ioignantes à icelle par la porte qui est sur la montée de la Garde-robe par laquelle il estoit entré, ie la fermai à double tour et en consignai la clef audit Sieur Petit pour la cinquième et dernière; et ayant supplié mondit Sieur Tubeuf d'auoir soin et d'empescher autant que faire se pourroit, la dissipation de la plus belle et de la meilleure et plus nombreuse bibliothèque qui ait iamais esté au monde, puisque à mon auis elle passoit les 40 000 vol., dont il y en auoit plus de 12000 in-folio, ie me retirai la larme à l'œil pour voir le public à la veille d'estre priué d'vn si grand trésor et les bonnes intentions de S. E. si mal reconnues qu'au lieu de luy donner des trophées pour tant de victoires ga

gnées et tant de villes prises par ses soins, pour auoir administré si heureusement la France parmy tant d'orages et de tempestes dont elle estoit menacée, pour auoir si fidèlement seruy et si rigoureusement défendu l'autorité du Roy et de la Reyne sa mère en qualité de Régente, on ne parle maintenant que de le bannir, de le proscrire et lapider, comme s'il estoit l'ennemi iuré de la France; on le condamne sans aucune forme de procez; et l'on excite les communes pour l'assommer; on poursuit ses amis et domestiques estrangers comme ennemis de la patrie; et l'on n'oublie aucune sorte d'iniure contre le meilleur homme du monde et contre le plus fidèle et le plus affectionné Ministre d'Estat qui ait iamais esté en France. Dieu sçait les causes de tous ces désordres, aussi bien que des factions qui brouillent maintenant ce Royaume; et lorsque les ennemis du Cardinal auront comblé la mesure de leurs iniquitez, il sçaura bien iustifier l'innocent et punir les coupables. G. N.

La Iuliade ou Discours de l'Europe à monsei gneur le Duc d'Orléans sur l'éloignement du cardinal Mazarin et le retour des Princes [1778].

(16 février 1651).

... Il fourba dès sa naissance.
Il fut fourbe dans son enfance,
Plus fourbe dans sa puberté,
Très fourbe en sa virilité,

Mais plus que très fourbe en cet âge,

Fourbant tous les iours dauantage;
Fourbe dans son pays natal;
Fourbe à Rome; fourbe à Casal;
Fourbe en Espagne; fourbe en France;
Fourbe partout à toute outrance;
Fourbe lorsqu'il estoit Courrier;
Fourbe depuis fait Camérier;
Fourbe dans sa basse fortune;

Mais quand par grâce non commune
Pour Cardinal on l'eut choisy,

Il deuint fourbe en cramoisy;

Et depuis par vn sort sinistre

Plus fourbe estant fait grand Ministre ;
Fourbe dedans; fourbe dehors;
Fourbe dans l'âme et par le corps;
Fourbe au cœur et sur le visage;
Fourbe chez luy dans son mesnage;.
Fourbe à l'Église; fourbe en Cour;
Fourbe en tout temps et tout séiour;
Fourbe en effects; fourbe en parolles;
Fourbe en louis; fourbe en pistolles;
Fourbe aux plus fourbes financiers;
Fourbe à ses plus grands créanciers;
Fourbe dans toutes ses promesses;

Fourbe dans toutes ses caresses;

Fourbe aux bons et fourbe aux meschants;
Fourbe en la ville; fourbe aux champs;
Fourbe à Paris; fourbe aux prouinces;
Fourbe au Parlement; fourbe aux Princes;
Fourbe à la Reine; fourbe au Roy;
Fourbe à vous mesme et fourbe à moy;
A moy, pauure et dolente Europe
Que tousiours le malheur galope;

Ouy fourbe aux François, aux Flamans,
Aux Espagnols, aux Allemans;

Fourbe à ces bonnes gens de Suisses,
Après leurs fidelles seruices;
Fourbe aux belliqueux Suédois;
Fourbe aux fourbes des Hollandois;
Aux Transalpins fourbe supresme,
Aux Cardinaux, au Pape mesme;
Fourbe à Messieurs les Barberins;
Fourbe iusqu'à ses Mazarins;

Fourbe sur l'eau; fourbe sur terre;
Fourbe au Conseil; fourbe à la Guerre;

Mais surtout fourbe pour la Paix;
Car il ne la voulut iamais.

Et dans le mal qui me déuore,
Ie puis bien l'appeler encore
Fourbe en tous genres et tous cas;
Fourbe per omnes regulas;
Fourbe par art et par nature;
Fourbe fourbant outre mesure;
Mais à la fin fourbe fourbé
Qu'on a fait venir à iubé;
Car après tant de fourberies
Et tant de mazarineries

Il a délogé, Mazarin,

Sans trompette et sans tambourin.
Sans trompette? Non, ie me trompe;
Car on sçait bien qu'à son de trompe
De ce Royaume on l'a banny;
Dont Dieu soit à iamais bény.

Requeste de la Noblesse pour l'Assemblée
des Estats généraux [3472] '.

SIRE,

(28 février 1651.)

Les grandes Monarchies sont suiettes à tomber de temps en temps en des désordres, auxquels toute la prudence des plus sensez a bien de la peine à trouuer des remèdes; soit que les esprits des Souuerains ne puissent pas tousiours reluire sur toutes les parties qui composent les grands Corps; soit que la foiblesse ou les intérests de leurs Ministres laissent décheoir ou diuiser leur authorité; soit enfin que la Prouidence éternelle dont les Décrets sont incompréhensibles, se plaise à changer les choses qui semblent les plus affermies. Il est constant que les Royaumes et les Empires les plus forts sont ceux qui souffrent en de certains temps les plus horribles secousses. Il n'est pas nécessaire de rechercher des preuues de cette vérité dans les histoires anciennes ou modernes des autres Estats. La constitution présente de la France ne nous la persuade que trop; et le déréglement qui va tousiours croissant depuis quelques années dans les principales et

'La noblesse s'assembla à Paris en 1651 dans le couvent des Cordeliers, d'abord pour travailler à la délivrance des princes, puis pour demander la convocation des états généraux. La première séance eut lieu le 25 février; la dernière, le 5 mars; mais à partir de cette dernière date jusqu'à la fin de juillet 1652, il y eut des associations et des réunions dans les provinces, sous l'influence des amis ou des agents du cardinal de Retz. C'est un des épisodes les moins connus de la Fronde. On en trouvera un exposé exact, sinon complet, dans la Bibliographie des Mazarinades, à l'article du Journal de l'Assemblée de la Noblesse, etc. [1750].

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