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nostre liberté exposoit sa vie pour vous défendre; qui vous cherchiez des grâces et des bienfaicts de ce Ministre au mesme moment que Monsieur le Coadiuteur refusoit les biens et les grandeurs qui luy estoient offertes auec abondance; qui au préiudice des paroles données et Traitez signez auez conserué dans la Cour les restes et les créatures du Cardinal Mazarin, à l'instant que vous en chassiez ceux qui auoient eu le plus de part à son esloignement; qui auez tousiours esté ses Esclaues tant qu'il a esté dans la puissance, et qui ne reconnoissez plus l'authorité Royalle depuis qu'elle est priuée d'vn Ministre foible et timide qui vous obligeoit de le souffrir à force des bienfaicts dont il contentoit vostre auarice; vous enfin qui ne vous estes brouillez auec les amis du Mazarin que parce qu'il n'a pas esté en leur pouuoir d'assouuir vostre ambition, qui n'attaquez présentement son ombre que pour vous vnir peut-estre comme vous auez fait en de pareilles rencontres, plus estroitement à sa personne, et qui serez, quoy que vous puissiez dire, tousiours Mazarins, c'est-à-dire ennemis du public, Fauteurs des Partisans, obstacles de la Paix généralle que vous empeschez par vos brouilleries. Ne prétendez plus d'abuser les esprits crédules par vos calomnies et par vos impostures; nous abhorrons le Mazarin; mais l'auersion que nous auons pour luy, passe iusques au poinct que nous ne voulons pas mesme le receuoir pour vn prétexte. C'est de quoy présentement vous le faites seruir. Vous l'appliquez à tout vsage; vous traittez de fauteurs du Mazarin ceux qui se sont tousiours opposez auec le plus de vigueur à sa tyrannie, parce que leur naturel libre et courageux vous fait appréhender l'authorité légitime. Vostre aueuglement est estrange. Il est de la mesme nature de celuy qui vous

persuada que vous prendriez Paris en trois iours1. Vous vous imaginez que vous porterez les yeux de tous les Peuples si vniquement sur le Cardinal Mazarin qu'ils ne s'aperceuront pas qu'il s'eslèue vn autre Tyran parmi eux. Nous haïssons celuy qui est à Cologne; nous exposerons nos biens, nos fortunes et nos vies pour nous opposer aux moindres apparences de son retour. Vostre conduite passée nous peut faire croire auec raison que ce sera peut-estre contre vous que nous prendrons les armes sur ce suiet. Mais toute sorte de tyrannie nous est odieuse. Nous n'auons point combattu pour le choix des Tyrans'; et quand la plus saine partie de la France s'est opposée aux desseins du Cardinal Mazarin et que vous auiez communs auec luy, ce n'a pas esté pour esleuer vostre puissance, mais au contraire pour sousmettre à nostre ieune Monarque celle que vous vsurpiez dans la foiblesse de son gouuernement, et par les moyens que vous en laissoit prendre ce Ministre foible et timide. Quelques apparences contraires que vous en donniez, on voit le regret que vous auez de sa perte par l'appréhension que vous témoignez que l'on en establisse de plus forts et de plus vigoureux dans le Conseil du Roy. Vous protestez de n'y entrer iamais tant qu'il y en aura auxquels vous n'aurez pas donné vostre consentement. On peut dire que cette Déclaration n'est pas respectueuse pour l'authorité Royalle. Les suiets de quelque condition qu'ils soient, ne parlent pas d'ordinaire auec cette hauteur; mais nostre estonnement augmente quand nous considérons qu'elle regarde la personne de Monsieur de Chasteauneuf. Son désintéressement si connu à toute la France laisse croire que ceux qui

'Le prince de Condé est assez clairement désigné dans ce passage. 2 Et mieux encore dans celui-ci.

désaprouuent son establissement, veulent entretenir la confusion et le désordre dans les Finances et ne sont pas brouillez auec les Partisans ; et sa fermeté et son expérience donnent suiet de craindre que ceux qui se déclarent contre luy, n'appréhendent la fin des désordres publics dans lesquels ils trouuent leurs auantages particuliers. On préfère à ce grand homme qui a vieilli dans le seruice des Rois et qui a tant de part à la défaite du Cardinal Mazarin, Monsieur le Chancelier que nous sçauons auoir tousiours esté esclaues de ses volontez. On luy préfère Monsieur de Chauigny que toute la France connoist pour auoir esté l'vn des plus violents et plus dangereux instrumens de la tyrannie du Cardinal de Richelieu. On luy préfère le Président de Maisons noircy par tant de voleries, par tant de trahisons; et par vne métamorphose estrange et faite, pour ainsi dire, contre tous les ordres de la nature, ces scélérats en vn moment deuiennent gens de bien; et au goust dépraué de ces malades furieux, nos véritables amis, les anciens Protecteurs de la liberté publique, contre leur propre honneur, contre leur propre bien, contre leur propre seureté, en vn instant deuiennent Mazarins. Si toute la France estoit assemblée pour chercher des précautions contre le retour de ce Ministre, ie ne sçay si on en pourroit trouuer de plus grande que l'establissement des personnes qui ont le plus contribué à sa perte, parce que l'intérest particulier se ioignant en cette rencontre auec le public, seroit sans doute iugé capable de dissiper toutes les inquiétudes et de leuer tous les soupçons. Ie n'entends point parler en ce lieu de Monsieur le Coadiuteur. Quoy que ie n'aye pas l'honneur d'estre connu de luy et qu'il n'y ait que le party du bien public, auquel ie me suis tousiours attaché auec vigueur,

qui m'oblige de dire mes sentimens en cette occasion, ie n'ignore pas ses sentimens au poinct de ne sçauoir pas que ce mesme esprit qui luy a fait refuser depuis trois ans deux fois le Chapeau de Cardinal, quatre-vingt mille liures de rentes en Bénéfices, soixante mille escus d'argent comptant, place dans les Conseils en deux différentes occasions, l'oblige à y renoncer encore en celle-cy. L'on verra par les suites des années que ses maximes sont fort éloignées de ces emplois, qu'il n'a esté engagé dans les affaires que par les [raisons] qu'il a eu d'entrer dans la défense de Paris, et que ses intérests ne feront iamais aucune part des affaires publiques.

Aduis désintéressé sur la conduite de Monsei gneur le Coadiuteur [510]':

(6 juillet 1651).

Comme Paris est diuisé en autant de partis que de familles, i'ay creu que pour réunir les esprits, il ne falloit

'Le cardinal de Retz n'avoue pas ce pamphlet dans ses Mémoires. Il ne me paraît pourtant pas douteux qu'il ne l'ait écrit. L'auteur de la Lettre d'vn Bordelois, etc. [1352] dit : « l'ai reçu vostre dernière qui m'estonna fort d'apprendre que les auis de M. le Coadiuteur se sont vendus publiquement. Ie n'admire pas tant leur bon marché que la nécessité où le bon prélat est réduit, d'auoir, à ce qu'on dit, trop dépensé. C'est sans doute pour se dédommager du refus qu'il dit auoir fait de bénéfices et d'argent pendant le blocus de Paris... » Puis il ajoute un peu plus bas : << Afin que vous conceuiez mieux ma pensée dans la suite de ce discours, ie m'adresserai à ce messire Iean, François ou Paul à ce qu'on dit. » Il y a eu d'autres réponses encore à l'Aduis désintéressé, par exemple la Réponse d'vn véritable désintéressé, etc. [3392], le Bon frondeur qui fronde les mauuais frondeurs, etc. [589], le Frondeur bien intentionné, etc. [1451]. La meilleure et la plus complète est sans contredit la Lettre d'vn marguiller de Paris, qu'on trouvera plus loin.

que faire réflexion sur les choses et l'estat présent des affaires. C'est ce qui doit régler les suffrages du peuple, qui se voit à présent l'arbitre de sa fortune et de celle de l'Estat.

Tout le monde est d'accord que la source et l'origine de nos maux est le Cardinal Mazarin. Il faut donc voir sans passion et sans intérest qui sont ceux qui ont vigoureusement attaqué le monstre et qui l'ont défait auec toutes ses forces et tout son venin, afin de reconnoistre nos Libérateurs et nos Héros et ne pas perdre la mémoire de leur vertu sur des soupçons imaginaires et malicieusement inuentez.

Ie ne prétends pas faire icy des Eloges et des Panégyriques. Ie n'ay esté, grâces à Dieu, iusques à présent qu'à moy mesme et à mon pays. Ie parleray seulement des choses conneues à toute la France: La vérité ne souffre point d'ombres ni de couleurs.

le prie tous les bons François de se ressouuenir auec moy de ceux qui ont les premiers rompu nos chaisnes. He laisse à part ce qui s'est passé dans le Parlement : La matière est trop grande pour n'en faire qu'vn petit Traitté. Mais de tous les particuliers qui ont assisté la cause publique, ie ne voy personne qui se soit exposé dauantage à l'orage et à la tempeste que Monsieur le Coadiuteur.

Quand on a veu la liberté opprimée par l'emprisonnement de Monsieur de Broussel et des autres Magistrats, l'intérest de sa fortune particulière ny la crainte de la disgrâce de la Cour ne l'empeschèrent pas de porter ses sentimens iusques dans le Palais Royal et d'y condamner à la face de la Reyne la mauuaise et pernicieuse conduite du Cardinal Mazarin. Il fut luy seul de tous les

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