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Grands du Royaume qui n'eust point de lasche complaisance et qui décria les Conseils violens. Il se jetta dans les intérests du Peuple lorsqu'il estoit abandonné et qu'on faisoit passer pour vn crime la conseruation des Loix de l'Estat.

Il n'eust pas si tost découuert la conspiration qui se formoit contre Paris par toutes les puissances du Royaume, qu'il chercha les moyens de le défendre. Il demeura au milieu de nous pour courir la mesme fortune; et l'on peut dire que sa vertu et sa générosité ne fortifièrent pas seulement nos esprits; elles esbranlèrent mesme les plus résolus du party contraire et y iettèrent enfin la deffiance et le désespoir.

Quand les affaires furent accommodées, il rendit au Roy ses respects et ses obéyssances. Mais bien que toute la France eust dès lors retourné à l'idolâtrie et sacrifié comme auparauant au Cardinal Mazarin et à sa fortune, il reuint luy seul de la Cour auec sa pureté. On ne put iamais l'obliger de rendre à Compiègne, où il fust saluer leurs Maiestez, vne visite indifférente au Cardinal. Il ne put seulement souffrir son visage; c'estoit l'ennemy de l'Estat.

Le Cardinal estant de retour dans Paris et les intérests de M. le Prince ne pouuant plus s'accommoder auec ceux de la Cour, tout le monde sçait auec quelle franchise M. le Coadiuteur s'engagea auec luy pour destruire cet infâme Ministre, et que si M. le Prince ne se fust pas réconcilié, il auroit luy mesme défait le corps et non pas l'ombre qu'il poursuit à présent auec tant de pompe et de parade.

Les Princes ayant esté emprisonnez, il n'y auoit plus que M. le Duc d'Orléans qui pouuoit défaire cet ennemy

commun. La conioncture des affaires et ses intérests particuliers pouuoient balancer son esprit. Néantmoins, M. le Coadiuteur ayant eu l'honneur d'approcher son Altesse Royalle, il mesnagea si bien cet ouurage que M. le Prince y a trouué sa liberté, et toute la France la perte et la ruine de son ennemy.

Néantmoins, comme si ces illustres et glorieuses actions, qui ont eu tant de fois l'applaudissement du Peuple, estoient à présent des songes, il s'est esleué une nouuelle secte parmy nous, qui veut défigurer toutes ces belles véritez et qui sous les apparences d'vn bien que nous n'auons pas encore veu, nous veut faire oublier celuy qu'on nous a desià fait, et nous faire deschirer ceux qui méritent de nous vne vénération éternelle.

Parcequ'ils publient auoir changé d'inclination, ils veulent aussi que les autres ne soient plus ce qu'ils ont tousiours esté; que leurs actions passées, qui ont esté tant de fois condamnées par toute la France, soient de fortes asseurances de leur bonne conduite à l'aduenir, et qu'vne suitte de tant de généreux desseins accomplis et acheuez ne puissent être la marque de la perséuérance

et d'vne vertu inébranlable.

Enfin on veut que M. le Coadiuteur soit Mazarin, qu'il trauaille au restablissement de ce malheureux et perfide Ministre. On tasche de persuader qu'il veut monter par là aux honneurs et aux dignitez et y trouuer sa grandeur et sa fortune. Voylà le langage de certaines gens acheptez, qui a desià surpris tous ceux qui, sans faire réflexion, se sont effrayez du Mazarinisme.

Ie ne veux point deffendre M. le Coadiuteur par toutes les actions de sa vie. Elles ont assez découuert son inclination et fait connoistre à toute la France qu'il

hait mortellement les Tyrans et la Tyrannie. On va rarement contre son propre génie. C'est comme l'eau qui ne remonte iamais contre sa source.

Ie me contenteray seulement de faire voir comme M. le Coadiuteur a vescu depuis les iniustes soupçons qu'on a voulu mettre dans l'esprit des Peuples.

Quand M. le Prince se retira de Paris et qu'il fist proposer dans le Parlement l'esloignement de ceux qui auoient tousiours esté contraires au bien public et dans les intérests du Cardinal', on sçait quel fust son aduis, et que la calomnie qu'on auoit dès lors préparée contre luy, se destruisit par le seul bruit de sa gloire et de sa réputation.

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Lorsqu'on a délibéré sur le mariage de M. de Mercœur et sur les intelligences sécrettes que plusieurs personnes auoient eues auec le Cardinal et auec ceux qui sont dans sa faction, il a tousiours suiui le plus fort aduis qui a esté ouuert dans le Parlement. Il n'a iamais manqué d'occasion d'acheuer vne victoire à laquelle il n'a pas la moindre part.

Cependant si l'on veut s'arrester à quelque Populace ramassée ou à ceux qui sont ialoux de sa gloire, c'est auiourd'huy le seul Mazarin du Royaume. Il abandonne son triomphe; il rend les armes à son ennemy défait et abbatu. De conquérant, il veut deuenir esclaue et captif. Bref, ce n'est plus M. le Coadiuteur.

Certes si ce langage se tenoit chez les estrangers qui

'Le Tellier, Servien et de Lyonne, Lettre de M. le Prince à Messieurs du Parlement [2028]; Relation de tout ce qui s'est passé au Parlement le 8 iuillet [3148].

* Arrêt de la Cour de parlement donné en faueur de Monseigneur le Prince contre le cardinal Mazarin et ses adhérents [297].

ont ouy parler de nos affaires, et de ceux qui se sont signalez en tant d'illustres rencontres, ils prendroient ce discours pour vne fable; et de quelque légèreté dont nous soyons accusez, ils ne pourroient croire que dans vn mesme temps on reuérast la vertu et qu'on luy fist des iniures publiques.

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Mais comme la calomnie ne manque point d'artifices pour défigurer les plus belles actions, on veut que les aduis généreux de M. le Coadiuteur qui paraissent à la face de la Iustice, ne soient que des dissimulations et des feintes. Quoy qu'il soit tousiours semblable à mesme, ce ne sont que des déguisemens et des perfidies. On prétend que c'est seulement pour entretenir son crédit et sa réputation parmy le Peuple. On veut renuerser par des imaginations inspirées par ses ennemis tout l'honneur et la gloire de sa vie.

Si cette sorte d'accusations estoit escoutée, la plus constante vertu seroit tousiours suspecte. Il n'y auroit plus de confiance, qui est l'âme de la société ciuile. Nous n'auons point de règle de l'homme de bien que ses actions. Son cœur est reserué à Dieu seul. Et si la charité nous apprend d'auoir tousiours bonne opinion de nostre prochain, nous deuons principalement cette iustice à vne personne qui est dans le Sacerdoce et dans les premières dignitez de l'Église.

Au reste, quand le peuple n'auroit point, comme il a, des gages asseurez de la fidélité de M. le Coadiuteur et qu'on mesureroit ses desseins, comme la plus part de ceux des Grands, paron intérest particulier ou par l'esclat de sa gloire et de sa réputation, on ne voit pas qu'il puisse trouuer ny l'vn ny l'autre dans le restablissement du Cardinal Mazarin.

Il perdroit dans vn iour tout l'honneur qu'il a acquis depuis tant d'années et auec tant de péril.

Il ne peut pas aussi espérer son esléuation dans ce funeste retour. Le Cardinal n'a iamais peu souffrir de compagnon ni de Maistre.

Enfin M. le Coadiuteur n'y perderoit pas seulement sa grandeur et sa gloire; il y perdroit mesme sa seureté. Quelle confiance pourroit il prendre auec vn Italien qui a manqué de foy à toute la terre, qui s'est ioué de la parole Royalle comme de la sienne, et qui fait encore vanité de violer ce qu'il y a de plus sainct et de plus sacré parmy les hommes?

Comme on a donc veu que tous ces bruits se dissipoient par la moindre réflexion qu'on pouuoit faire sur la vertu de M. le Coadiuteur, et en considérant mesme ses intérests, on s'est aduisé de publier qu'il alloit au Palais Royal, qu'on parloit de le faire Ministre et de le mettre dans les Conseils du Roy.

Pour moy, ie ne suis pas encore si sçauant. Ce faict ne m'est pas connu.

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Ie sçay bien qu'il a paru iusques à présent le plus désintéressé de tous les hommes du monde; qu'il refusa généreusement le Chapeau de Cardinal qu'on luy offrit plusieurs fois pendant le blocus de Paris, afin qu'il ne s'opposast si hautement qu'il faisoit aux intérests du Ministre et que la cause du Peuple ne luy fust pas du tout si chère. On sçait aussi que dans le temps qu'il mesnagea la liberté de M. le Prince et l'exil du Mazarin auprès de son ALTESSE ROYALLE, on luy voulut encore donner le Chapeau et qu'à diuerses autres fois on luy a offert l'Abbaye d'Ourcan, vne pension de vingt mille liures et cinquante mil escus d'argent comptant.

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