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Tout cela n'a iamais pu tenter sön honneur et sa gloire; il a tousiours mieux aimé qu'on le connust par l'esclat de ses belles actions que par la grandeur de sa fortune.

Mais quand le bruit seroit véritable qu'on veut mettre M. le Coadiuteur dans le Ministère, bien qu'il ayt déclaré hautement plusieurs fois qu'il n'auroit iamais cette pensée, doit on croire pour cela que M. le Coadiuteur soit dans les intérests du Cardinal Mazarin?

La condition du Roy et celle de l'Estat seroit bien maheureuse si tous ceux qui pourront entrer doresnauant dans le Conseil du Roy, passoient pour Mazarins. Tout le monde fuiroit le seruice du Roy et de l'Estat, comme vne fatalité à sa fortune, parce qu'il n'y a personne qui se veuille charger volontairement de la haine publique.

Ie demanderois volontiers à ceux qui se laissent si facilement surprendre, si, quand le Cardinal a esté chassé, on auoit mis dès lors M. le Coadiuteur dans le Conseil, il y eust eu des personnes qui se fussent plaintes de ce digne choix. Au contraire, tout le Peuple auroit crié victoire et tesmoigné de la ioye dans le public.

D'où vient donc ce changement? Vaut il mieux que des Mazarins demeurent auprès du Roy et dans son Conseil pour fomenter leur vengeance et entretenir les esprits ulcérez, que ceux qui peuuent guérir la playe et qui ont tousiours esté dans les intérests du peuple? Nous n'auons combattu que pour cet aduantage; et à présent nous ne voulons pas nous en seruir. Nous voulons estouffer nostre triomphe. Nous ne connoissons pas que ce sont nos ennemis qui nous eslèuent contre

nous mesmes.

Ouy; mais il y a vne autre crainte qui nous saisit. On dit que la Reyne est si fort engagée dans le restablissement du Cardinal qu'on ne peut s'approcher de la Cour sans entrer dans les mesmes intérests et dans ses pensées.

L'ay fait voir que M. le Coadiuteur ne pouuoit auoir part à ces engagemens; s'il y en auoit encore quelques vns, qu'il y perdroit sa gloire, sa grandeur et sa seureté, qui sont les principes de tous nos mouuemens et de toutes nos actions.

On aioute qu'encore que M. le Coadiuteur ne puisse estre dans ce dessein et qu'on le veuille attirer par des protestations contraires, néantmoins que la Reyne ayant restably l'authorité sous les apparences du bien et par vn changement agréable au public, il ne pourra résister à ce torrent; il y trouuera luy mesme sa perte et sa ruine.

Ie sçay bien qu'il n'y a pas trop de confiance dans la Cour. Les choses passées peuuent estre le fondement d'vne iuste et véritable crainte. Mais quoy que les Rois soient puissans, il y a néantmoins des choses qui leur sont impossibles, non pas seulement par cette impossibilité morale qui regarde toutes les choses qui sont contre la bonne foy, contre les bonnes mœurs et contre l'honnesteté publique, mais qu'ils veulent encore leur estre impossibles dans l'ordre de la puissance et de l'authorité.

Les Rois ne peuuent rien faire que par la force de leur peuple ou par l'aduis de leur Conseil. Le Peuple résistera tousiours à ce malheureux dessein et y doit tousiours résister. Pour le Conseil, il n'y aura personne qui veuille céder sa place au Cardinal et qui n'ap

préhende son retour, principalement n'estant plus composé de ses anciens et véritables amis.

L'on chassera, dit-on, ceux qui s'y opposeront; et leur sort sera sans doute funeste. Ce n'est donc plus pour l'intérest public que certaines gens s'eslèuent contre M. le Coadiuteur. On dit seulement que le chemin de la Cour est périlleux pour luy, que tout est à craindre, quelques asseurances qu'on luy donne de restablir les Lois et de faire iustice au peuple.

Quoy, sur des événemens incertains et sur de simples défiances, on ne doit point escouter des propositions salutaires! Ceux qui peuuent bien faire et qui ont tousiours bien fait, refuseront d'entrer dans les affaires pour empescher la ruyne de l'Estat! Il faut donc tout abandonner au sort de la fortune et demeurer tousiours dans la confusion et dans le désordre. On ne peut faire autre chose (ce me semble) pour contenter le peuple que de choisir ceux qui ont tousiours défendu ses intérests. C'est en cela que consiste toute sa seureté et son repos.

Enfin s'il estoit vray qu'on voulust approcher M. le Coadiuteur de la Cour et qu'il se iettast dans le péril dans lequel on dit qu'il s'engage, les plaintes qu'on fait faire contre luy, seroient encore plus iniustes. Quoy, dans vn temps qu'il se sacrifieroit pour le public et qu'il hazarderoit sa propre seureté pour inspirer de généreuses maximes et restablir le bonheur et la félicité des peuples, seroit il iuste d'attaquer dans ce temps là, comme on fait, sa réputation et sa gloire? Il deuroit receuoir plustost des bénédictions, des remerciemens et des éloges.

Ainsi c'est à nous auiourd'hui à ne point prendre le

change et à ne pas esleuer des hommes dont nous ne pourrions pas estre les maistres, comme nous le sommes de ceux qu'on veut nous faire abandonner. Ie ne veux accuser personne ny faire croire que ceux qui ont esté autrefois Mazarins, peuuent plustost le deuenir que ceux qui ne l'ont iamais esté. Ie ne prétends point non plus rappeller dans les esprits les entreprises faites contre nostre liberté. Ie souhaite de tout mon cœur (quelque grands qu'ayent esté nos maux) que la mémoire en soit à iamais enseuelie. Ie ne veux pas mesmes que ces nouuelles accusations, quoyque dictées par le Roy mesme1, nous rendent suspect le party qu'on veut faire prendre au peuple auec tant de chaleur et d'artifice. Nous deuons suspendre nostre iugement là dessus, puisque le Parlement y délibère. Voyons seulement si dans les grandes maximes l'Estat y peut trouuer sa seureté et le peuple ses aduantages.

Il n'y a rien de plus constant dans la politique, que le crédit est tousiours plus dangereux dans la personne des Princes qu'en celle des particuliers. Comme ceux de ce rang là ont l'âme grande, cette maxime ne reçoit pas de distinction. On n'examine pas si les Princes ont de bonnes ou de mauuaises intentions. Leur naissance les eslèue assez sans les esleuer dauantage. C'est pour cela qu'autrefois on ne leur donnoit iamais de Gouuernemens ni de places fortes.

Mais ce qui nous doit encore empescher d'entrer si aueuglément dans les intérests de ceux qui nous recherchent auiourd'huy auec tant de caresses et de belles

gens

• Réponse que la Reine a donnée à Messieurs les du Roi.... apres la lecture.... de la lettre de Monsieur le Prince [3451].

protestations, c'est que nous n'y voyons pas la confiance entière. C'est vne vérité qui est tous les iours dans la bouche du peuple et qu'il connoist à ses despens, que les Princes font tousiours leurs affaires, et non celles du public.

On dit mesme que ceux qui nous promettent auiourd'huy de belles choses pour nous engager auec eux, les ont promises autrefois et qu'ils ne les ont pas tenues.

La renommée a publié que dès le commencement de nos affaires et auparauant le blocus de Paris, ils auoient promis à quelques vns qu'ils seroient nos protecteurs. Cependant on les vit incontinent après à la teste des troupes ennemies.

Leurs inclinations ou plustost leurs intérests ayant changé quatre ou cinq mois après la Paix faite, ils nous eschappèrent bientost et à grand nombre de personnes illustres qui s'estoient généreusement vnies au dessein qu'ils auoient fait paroistre auec beaucoup d'esclat. Pour auoir fraternisé quelque temps auec eux, ils ne nous furent pas dans la suite plus fauorables. Ils taschèrent de faire périr nos Libérateurs et nos Héros par des voyes toutes contraires à nos mœurs et à nostre franchise 1.

Depuis qu'ils sont sortis de prison, ils n'en ont pas fait meilleur visage à ceux qui auoient le plus trauaillé à leur liberté; au contraire, ils les ont persécutez. Ils n'ont pas craint de releuer en public les conseils qu'ils auoient demandez auec instance et qu'on leur auoit donnez auec la sincérité du cœur.

Ils ne semblent pas dénier absolument, dans la Res

1 C'est le procès du duc de Beaufort, du Coadiuteur et de Broussel. Extrait des registres du Parlement [1350].

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