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tellement que

si nous entrons dans ses intérests, quelque bon Conseil que le Roy choisisse à sa Maiorité, et quand il prendroit les plus gens de bien du Royaume, il nous faudra nous y opposer auec M. le Prince et nous priuer ainsi d'vn bien que nous attendons auec tant d'impatience et sans lequel l'authorité s'en va perdue et peut estre la Monarchie.

Peut il estre aduantageux pour nous d'authoriser les clameurs de certaines petites gens qui ne demandent que le désordre, d'applaudir à vne reuendeuse des Halles qu'on produit comme vne femme mystérieuse parce qu'elle est la plus hardie et la plus insolente de son quartier1? Voulons nous assister de nos forces vn nommé PESCHE' et luy fournir les moyens d'acheuer l'attentat et le parricide qu'il commença, Lundy dernier, en la personne de nostre Prélat et de nostre

Père.

Nous sçauons bien que M. le Prince déteste ces actions sacriléges et qu'il les a condamnées publiquement. Cependant comme son mécontentement augmente malgré luy l'audace et la témérité de ces perfides et de ces malheureux, les Loix seront bien encore plus impuissantes si nous escoutons fauorablement, comme on a fait depuis quelques iours, des fausses et ridicules impressions qu'ils veullent ietter dans le peuple. Ils feront périr incontinent nos plus illustres citoyens et passer pour Mazarins tous ceux qui seront contraires à leur

1 Dame Anne.

2 Lettre écrite à son Altesse Royale par le sieur Peuche, de la Pesche, etc. [2210]. Le Journal contenant ce qui se passe de plus remarquable dans le Royaume, etc. [1740] raconte que le 15 septembre 1652 le Coadjuteur fut insulté par Pesche dans le palais d'Orléans.

dessein ou qui n'auront pas l'honneur des bonnes grâces de M. le Prince.

Si le Peuple est sage, il ne doit point encore prendre party. S'il veut attendre, il sera par ce moyen maistre de sa fortune. Il suiuera ceux qui feront le bien et qui luy rendront Iustice. Mais il faut vn bien de durée et ne se laisser pas surprendre par vne fausse lueur. Voilà mon sentiment que i'ay voulu donner au Public pour le détromper. Il se peut faire que ie me trompe moy mesme. Si cela est, ie seray fort aise que quelqu'vn m'en aduertisse. Ie ne suis point ialoux de mes sentimens. Ie me rendray bientost aux leurs; i'en fais dès à présent ma déclaration solemnelle.

Lettre d'vn Marguiller de Paris à son Curé sur la conduite de Mgr le Coadiuteur [1885]'.

(6 juillet 1651.)

MONSIEUR,

l'ay leu l'Aduis désintéressé sur la conduite de M. le Coadiuteur; et suiuant ses ordres et le vostre, i'en ay fait part aux plus notables bourgeois de mon quartier. C'est vne chose bien fascheuse de voir ce Prélat réduit à composer des Apologies dans vn temps où il ne deuroit plus auoir d'autre pensée que de continuer ses intrigues, afin d'entrer dans le Ministère. Si les mouuemens qui nous agittent depuis quatre ans, ne doiuent

Elle est de Jean François Sarrazin, alors secrétaire du prince de Conty. On sait que Patru a écrit la Réponse du Curé, etc. [3428].

cesser que lorsqu'il y aura part, pleust à Dieu pour son repos et pour le nostre qu'il y feust desià solidement estably! Sans mentir, il faut aduouer que c'est vn homme admirable; il est sçauant; il est ferme; et l'on voit dans toutes ses actions le caractère d'vn esprit poussé d'vne belle ambition. Il est éloquent; et il ne fit iamais mieux que de mettre luy mesme la main à la plume pour faire son Panégyrique. Estant nostre Archeuesque, il n'y a pas d'apparence qu'il voulust nous dire des choses qui ne sont pas; et puisqu'il publie que iusqu'icy il n'a point eu d'autre obiet que sa propre gloire et sa réputation (pensée digne d'vn grand prélat), i'estime qu'il est à propos de le croire.

Cependant, comme les sentimens des hommes ne sont pas tousiours semblables, lorsque i'ay fait la lecture de son escrit, il s'est trouué des personnes fort bien instruites des choses de ce monde qui ne sont pas demeurées d'accord de tout ce qu'il met en auant; et parce qu'il est important que vous sçachiez ce qui fust dit dans notre conuersation, i'ay cru que vous seriez bien aise que ie vous en fisse part, et puisqu'vne petite incommodité m'oblige de garder la chambre et m'empesche de pouuoir aller vous rendre visite, ie vous fisse sçauoir par escrit toutes les obseruations que l'on fit sur ce Manifeste de M. le Coadiuteur.

Toute la compagnie dit qu'il estoit vray que le iour de l'emprisonnement de M. de Broussel (qui fut, ce me semble, le iour que l'on chantoit le Te Deum pour la quatrième bataille que M. le Prince auoit gagnée), M. le Coadiuteur fit paroistre tout le zèle qu'vn prélat doit auoir pour la conseruation d'vn bon citoyen, qu'il dit ses sentimens à la Reyne auec générosité et qu'ayant

esté traisté de tribun du peuple, il fit connoistre qu'il auoit du crédit dans Paris. Ie me souuiens fort bien encore de ce que le Mercredy au soir l'on me vint dire de sa part, et à tous nos quarteniers aussi, et des barricades qui le lendemain, estonnèrent le Ministre qui auoit donné vn si mauuais conseil à Sa Maiesté.

On dit qu'il estoit vray que le Roy s'estant retiré à Sainct Germain, M. le Coadiuteur voulut demeurer à Paris et que bien qu'il eust enuoyé vn Gentilhomme à la Reyne pour l'asseurer du contraire, il le fit arrester au bout de la rue de Nostre-Dame, et que ne craignant point d'exposer sa personne pour asseurer nos fortunes, lorsque nos troupes sortoient pour aller à quelque entreprise, il les haranguoit hardiment à la porte de la ville et les encourageoit auec ses bénédictions.

On demeura d'accord que les affaires ayant esté accommodées, M. le Coadiuteur alla à Compiègne saluer leurs Maiestez sans rendre visite au Cardinal Mazarin; mais on dit que c'estoit vne condition du traicté que M. Seruient1 auoit fait auec luy, et que pour garder vn peu plus longtemps les dehors, il auoit esté résolu que

1 Abel de Servien, marquis de Sablé, secrétaire d'État. Il serait difficile de dire quel rôle il a joué dans la Fronde. Dans une lettre qu'il a écrite à Bartet le 30 juin 1651, le cardinal Mazarin dit que de Lyonne, et particulièrement Servien, sont tous deux causes de toute la haine qu'on a eue contre lui; et l'auteur du Mercure de la Cour, etc. [2452], dans les statuts des chevaliers de la Paille, ordonne de croire

«Que le coadiuteur qui lorgne

Pour estre ministre d'Estat,
Aussi bien que Seruien le borgne,

Est de la fronde un apostat, »

Voyez plus loin le Secret de la Cour,

M. le Coadiuteur ne verroit le Mazarin que dans le Palais Royal; et en effet nous sçauons tous qu'il le vit plusieurs fois depuis son retour; et nous en fusmes scandalisez.

On dit qu'il estoit vray que M. le Prince ayant rompu auec le Cardinal Mazarin, M. le Coadiuteur luy fit offres de seruices et de barricades, mais que M. le Prince aima mieux remettre ses intérests entre les mains de son Altesse Royalle que de remettre les armes entre les mains du peuple, iugeant bien que cela seroit de irop grande conséquence pour le seruice du Roy et pour le repos public.

On demeura d'accord que les Princes ayant esté emprisonnez, M. le Coadiuteur mesnagea si bien l'esprit de M. le Duc d'Orléans qu'il le fit déclarer hautement contre le Cardinal Mazarin et pour la liberté de M. le Prince; mais après auoir longtemps agité si M. le Coadiuteur prit cette conduite pour rendre seruice au Prince ou pour ses intérests particuliers, toute la compagnie conclut que s'il eust pu chasser le Cardinal du Ministère sans faire sortir MM. les Princes de prison, il n'eust pas manqué de le faire; qu'en effet il fit tout son possible pour se rendre maistre de leurs personnes; que lorsque le Mareschal de Turenne approchoit de Paris, il vouloit qu'on les amenast dans la Bastille, et que lorsqu'il vit qu'on les conduisoit au Haure, désespérant de voir réussir son dessein et appréhendant le retour du Cardinal, après la bataille de Rethel, il se ioignit au party de MM. les Princes pour trouuer sa seureté, et que ce fut encore à des conditions si dures qu'il voulut plustost se faire connoistre le tyran que le libérateur de M. le Prince.

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