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l'Estat en confusion, et que les peuples estoient bien innocens de complaire à leurs passions; et ie vous demande en effet, Monsieur le Curé, si leur présence est plus nécessaire à Paris que celle de nos Princes.

Quand aux crieries de Dame Anne et de Pesche, tout le monde dit que c'estoit des enfans de chœur éleuez par M. le Coadiuteur; qu'il y a trois ans que l'vn et l'autre chantoit les leçons du bréuiaire qu'il leur auoit enseignées, et qu'il ne deuoit accuser de leur doctrine personne que luy mesme; mais en mesme temps toute la compagnie qui sçauoit l'histoire du Lundy', se mocqua du hasard qu'on prétend que M. le Coadiuteur y courut, puisque ce ne fut qu'vne terreur panique, et que depuis mesme il a fait faire des complimens aux amis de M. le Prince qui estoient incapables de ces actions.

Voilà ce qui fut dit à plus près, lorsque ie faisois la lecture de l'Auis désintéressé. Vous iugerez par là que nos bourgeois sont assez bien instruits et qu'ils sont bien las de toutes les intrigues que ces esprits brouillons qui n'ont fait autre chose que de cabaler toute leur vie, continuent de faire pour troubler l'Estat et la famille Royalle. Toute la Compagnie se leuant dit qu'il estoit facile de iuger que la confusion dans laquelle nous nous voyons, n'a point d'autre cause que le mécontentement de Mme de Cheureuse et de M. le Coadiuteur, et qu'on laissoit à iuger ce qu'il y a de gens d'honneur et de bons François dans le Royaume, s'il estoit iuste de persécuter vne branche de la Maison Royalle, d'exposer la fortune

La séance fameuse du parlement dans laquelle le cardinal de Retz fut pris entre les deux portes de la grand'chambre par le duc de La Rochefoucauld, eut lieu le 21 août; il faut donc reporter la Lettre après cette date, mais avant celle de la majorité du roi, qui est le 7 septembre.

de tous les particuliers aux désordres d'vne guerre ciuile, enfin, d'allumer le feu par tout le Royaume parce que M. le Prince de Conty n'a point espousé Mlle de Cheureuse et que M. le Coadiuteur n'a point eu le chapeau de cardinal, quoique M. le Coadiuteur soit la cause qui par des empressemens trop intéressez, a empesché que le mariage n'ait esté exécuté, et que M. le Prince n'ait iamais formé d'obstacle à la promotion où M. le Coadiuteur aspire depuis le commencement de toutes les factions qu'il fomente dans le Royaume.

La Requeste des trois Estats touchant le lieu et les Personnes qu'on doit choisir pour l'Assemblée des Estats Généraux, conforme à la proposition que son Altesse Royale en a fait à leurs Maiestez, et aux sentimens de Messieurs les Princes dont les Conseils doiuent estre principalement suiuis et préférez à tous les autres [3495]'.

(17 août 1651.)

Puisque ce n'est que par vne pure continuation des bontez de la Reyne que les Estats Généraux sont promis pour le mois prochain et que la passion héroïque de réformer les abus qui se sont glissez dans le Gouuerne

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Les états généraux, convoqués d'abord pour le 15 mars 1649, oubliés après la paix de Saint-Germain, avaient été, sur les poursuites de l'assemblée de la noblesse tenue aux Cordeliers de Paris, appelés de nouveau à se réunir à Tours le 8 septembre 1651. L'Ordonnance pour la conuocation des trois Estats de la ville, etc. [2620], fut publiée le 22 août.

ment, la rendit, il y a quelque temps, complaisante à la iuste poursuite que la Noblesse faisoit ou pour en obtenir le consentement ou pour procéder à la modération de certains débordemens par lesquels l'ambition alloit désordonnant tout ce qu'il y auoit de mieux réglé dans la Monarchie, ie pense que sa Iustice ne se lassera point de se signaler généreusement par des coups de cette nature et qu'afin de ne captiuer point la liberté qu'on doit à ces Augustes Assemblées pour la décision Souueraine de tous les points importants qui peuuent tomber dans des controuerses d'Estat, elle leur donnera la disposition du lieu que les Politiques désintéressez trouueront le plus

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propos, pour ne laisser point aucun doute de la sincérité de ses intentions dans le dessein qu'elle a de rappeler le calme après les secousses de tant de tempestes passées et d'ordonner ce déréglement général qui bouleuerse depuis tant de temps le plus bel ordre de nos affaires par la confusion de mille conionctures d'Estat. Cette nécessité de ne ietter point indifféremment les yeux sur toute sorte de ville pour en faire le lieu de cette Assemblée, est auiourd'huy principalement si indispensable qu'il ne faut point estre que fort légèrement versé dans la politique pour ne voir pas que ce seul choix doit estre l'infaillible préiugé des bons ou mauuais succez qu'on peut espérer des Estats Généraux, et qu'il n'est que trop asseuré par les iustes soubçons que tant de défiances passées nous font conceuoir, que toutes nos plus fortes espérances auorteront malheureusement, à moins que choix qu'on fera, pour en faire le lieu de cette Auguste Assemblée, ne rasseure plus probablement les esprits des peuples dans les iustes attentes de leurs premières pré

tentions.

le

Ie sçay bien que le iugement de ce choix n'a pas beaucoup exercé la Politique de nos Pères et que si le bien de cette Assemblée n'a point esté presque de tout temps regardé qu'auec vne entière indifférence, on a néantmoins iugé qu'il falloit en laisser la seule disposition toute Souueraine au caprice des Roys, et que c'estoit à leurs seules inclinations qu'il falloit régler en cela la nécessité que ie prétends auiourd'huy faire examiner auec toutes les raisons de la Politique; mais les diuerses conionctures dont nos nouueaux intrigueurs ont peslemeslé les affaires de la Monarchie, feront qu'on ne me condamnera pas si facilement dans le dessein que i'ay, de faire iuger auec réflexion ce qu'on n'a presque iamais regardé qu'auec indifférence; et les schismes d'Estat fomentez auiourd'huy par la diuision de tout ce qu'il y a de plus grand dans la Monarchie, feront consentir auec moy les plus opiniastres qu'en effet on n'a point dessein de régler les désordres de l'Estat à moins qu'on ne se résolue de tenir les Estats Généraux à Paris.

Il semble premièrement qu'on ne pourroit s'opiniastrer de les tenir ailleurs sans donner vn iuste suiet de se défier du dessein qu'on a de brasser encore quelque mauuais party; et cette résistance qu'on fait pour n'en honorer point la capitale de la Monarchie, n'appuye que trop probablement le soubçon de ceux qui n'ont iamais remarqué de sincérité dans le gouuernement, depuis que les soupplesses d'Italie s'y sont glissées par les détestables intrigues du Cardinal Mazarin; car si le dessein de tenir les Estats Généraux est sincère, si la réforme des abus qui dérèglent auiourd'huy toute la conduitte des affaires, en est la principale fin, si les intelligences de cet Estat n'ont point de plus ferme dessein que celuy de remettre

les affaires dans l'admirable posture du siècle d'or de Henry le Grand, si leurs intentions ne sont point contraires à celles qu'ils prétendent que nous considérions en leurs personnes, pourquoy n'ont-ils point cette complaisance pour la passion généralle de tous les peuples qui demandent vnanimement par les illustres bouches de son Altesse Royale et des Princes du Sang qu'on ne choisisse point d'autre lieu pour en faire celuy de cette Assemblée générale que la ville capitale de la Monarchie?

La principale raison qui fait que les moins cachez se deffient de cette opiniastreté, n'est empruntée que de la connoissance qu'on a que ce iugement de tenir ailleurs les Estats Généraux que dans Paris est directement contraire à celuy de toute la France, et qu'il n'est que les seuls intéressez pour le party du Cardinal Mazarin qui roidissent leurs Maiestez contre les instantes supplications que l'Estat leur fait, de ne vouloir pas frustrer la Iustice de ses espérances du plaisir qu'il aura de voir tenir cette Assemblée généralle dans leur bonne ville de Paris. Afin que les Mazarins ne puissent que faussement m'accuser que ie procède contre eux auec trop d'animosité dans la créance que ie veux faire conceuoir aux peuples que c'est par leurs seules intrigues que leurs Maiestez reculent de complaire à cette inclination généralle de tous les Estats, ie pense que ie n'ay qu'à leur faire voir que c'est par le motif de leurs intérests particuliers qu'ils opiniastrent leurs Maiestez à ce changement de lieu et qu'ils pressentent assez probablement qu'ils seroient trop foibles dans la plus forte ville de la Monarchie pour faire réussir les secrètes menées qu'ils continuent encore de brasser sous main pour le restablissement du Cardinal Mazarin.

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