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Comme le dessein général et la dernière et première fin des Estats Généraux n'est autre que de pouruoir aux désordres qui se sont coulez dans le gouuernement par la mauuaise conduite du Ministre, et comme il est vray que toute la décadence de nos affaires ne doit estre imputée qu'à l'incapacité ou à la malice du Cardinal Mazarin qui en a presque souuerainement gouuerné le timon, il ne faut point douter que les Estats Généraux ne lancent derechef autant de foudres sur la teste de ce malheureux qu'ils trouueront à réformer de désordres causez par son imprudence, et qu'ils ne ietteront pas plus souuent les yeux sur la mauuaise posture de nos affaires qu'ils se sentiront obligez par vn généreux intérest de vengeance de renouueller contre luy toutes leurs premières indignations pour acheuer de luy rauir entièrement la ressource ou faire auorter l'espérance qu'il a de restablir encore vn iour sa fortune par les intrigues de ses créatures.

Ainsi tout le monde consent, autant que tous les bons François le désirent, que Mazarin doit infailliblement receuoir le coup de grâce dans l'Assemblée des Estats Généraux et que c'est à cette illustre occasion que les bons destins de la France se sont réseruez pour ne laisser plus de fondement à l'appréhension de son retour, lorsque la Iustice prononçant ses Oracles par la bouche de tous les demy-dieux de la Monarchie fera retentir vn Arrest sans appel contre ce proscrit, tant pour décrier à iamais sa mémoire dans les Annales que pour mettre mesme les Souuerains dans l'impuissance de le pouuoir restablir sans choquer les Loix fondamentales de cet Estat.

Les moins politiques conçoiuent bien que les créa

tures de ce proscrit qui n'ont point encore perdu l'espérance de son restablissement, ne donneroient point le loisir à cette Assemblée généralle de fulminer auec tant d'importunité sur la teste du Maistre si la petitesse du lieu leur faisoit espérer que leurs monopoles secondez de la vigueur auec laquelle ils les pousseront, et de l'authorité Souueraine qui les protégeroit, pourroient facilement triompher de toutes les plus iustes poursuites des sincères zélateurs du progrès des affaires d'Estat, sans crainte qu'ils peussent estre forcez par aucune puissance domestique à se soumettre aueuglément malgré leur résistance à toutes les décisions des Estats Généraux.

C'est pour cette raison principalement que ie soustiens que tous les peuples doiuent viuement intéresser leurs très-humbles supplications enuers leurs Maiestez pour les prier de n'exposer pas les belles espérances des Estats Généraux à l'éuidence des troubles qui doiuent s'en ensuiure, si ces brouillons aussy descriez par l'infamie de leur nom que par les fourbes de leurs déportemens se trouuent en estat de pouuoir faire triompher leur party par l'impuissance que la ville où les Estats se tiendront, aura de les ranger à leur deuoir, et par l'impunité qu'ils présenteront eux-mesmes dans les résistances criminelles qu'ils opposeront à toutes les décisions qui ne fauoriseroient pas le dessein de disposer les affaires au restablissement du Cardinal Mazarin.

N'est-il pas vray et n'auons-nous pas trop iuste fondement de craindre que ces brouillons abusant insolemment de l'authorité Souueraine de leurs Maiestez dont ils ont malicieusement surpris les bontez par les soupplesses de leurs artifices, captiueront à tel point la liberté des Estats Généraux par l'appréhension qu'ils leur feront

auoir d'vne force ouuerte, que cette illustre Assemblée se verra tiranniquement réduite à la funeste nécessité de ne pouuoir rien résoudre que ce qui flattera leurs inclinations ou qui ne choquera pas du moins le dessein qu'ils ont de rebastir leur fortune sur les débris de la Monarchie?

S'il arrive néantmoins que les Députez de toutes les Prouinces ayent encore assez de fermeté parmy tant de menaces pour procéder en désintéressez à la réforme des abus de l'Estat, doit-on croire que les assassinats qui sont les plus ordinaires ressources des Mazarins, ne ramoliront pas cette vigueur des plus déterminez et que la liberté que ces tiranneaux auront d'interpréter des coups mesme de générosité pour des attentats manifestes sur les droits de l'authorité Royale, ne leur permette de tenir tousiours le fer brillant sur les reins de ceux qui seront pour s'opposer hardiment à l'iniustice de leurs prétentions?

S'il est vray, comme il n'est que trop constant par les authentiques Déclarations de leurs Maiestez et par les Arrests de toutes les Cours souueraines de la Monarchie', que la seule conduite du Cardinal Mazarin a porté la désolation dans l'Estat depuis qu'il en a eu le timon entre les mains, il est encore vray par mesme conséquence que ses créatures et ses Partizans en ont esté les complices et que c'est auec leurs mains qu'il a pillé toute

'Les arrêts des parlements de Rouen et de Bordeaux sont du 15 février 1651. Celui du parlement de Toulouse est du 20; celui du parlement d'Aix du 23; celui du parlement de Paris du 23; celui du parlement de Rennes, enfin, du 22 mars. Il n'y avait alors de Déclaration du roi que celle qui avait été rendue contre les cardinaux et qui est du 18 avril.

la France, qu'il a ruiné tous les Peuples, qu'il a mis le feu aux quatre coins de la Monarchie et qu'il a malheureusement commencé d'ébranler le trône sans espérance de le pouuoir iamais r'affermir comme il estoit auparauant, à moins que les Estats Généraux ne soient en liberté de retrancher vigoureusement tous les abus pour r'asseurer auec plus de fermeté les fondemens du trône François sur le bel ordre et la symmétrie Monarchique des affaires d'Estat.

Faut-il estre beaucoup préuoyant pour iuger que cette Assemblée généralle des Estats de la Monarchie se verra réduite à l'impuissance de réformer les désordres qui sont prouenus de ces fatales sources, par celle qu'elle aura de ne pouuoir pas résister aux monopoles de tout le Party, et que les Mazarins appuyez de l'authorité Souueraine renforceront si puissamment leur cabale de tout ce qui pourra la rendre inuincible dans la foiblesse du lieu, que les Estats Généraux ne prononceront peut estre pas d'autres Arrests que ceux qui leur seront dictez par les purs caprices de cet ennemy du repos public?

Les apparences n'en sont pour le moins que trop raisonnables; car qui est-ce qui pourra s'opposer à l'iniustice de leurs prétentions? Qui sera le hardy qui voudra heurter généreusement leur pouuoir pour opiner en désintéressé contre les abus que leur mauuaise conduite a fait glisser dans le gouuernement? Les plus déterminez ne seront-ils pas obligez de caler voile dans le dessein qu'ils auroient de fulminer généreusement sur les restes de la fortune du Cardinal Mazarin, lorsqu'ils remarqueront que ses créatures appuyées de l'authorité Souueraine seront incessamment aux escoutes, et qu'ils seroient pour s'irriter dangereusement de leurs suffrages s'ils ne fauo

risoient du moins pas l'indifférence dans laquelle ils prétendent faire languir les espérances du restablissement de leur Maistre pour les faire puis après éclater dans les effets auec plus de triomfe? La Fronde ne sera-t-elle pas obligée de succomber honteusement à toutes les poursuites de ce malheureux Party lorsqu'estant destituée des secours de S. A. R. et des Princes du Sang qui ne s'y trouueront point, elle n'aura plus qu'vn reste de voix qui ne luy permettra pas seulement d'éclater auec assez de vigueur pour signaler vne pasmoison généreuse par vne sincère confession de sa Captiuité?

Politiques désintéressez, c'est de vos iugements que ie prétends authoriser la vérité de ces propositions: On s'en va tenir les Estats Généraux ou à Blois ou à Tours; leurs Maiestez y seront accompagnées de tout ce que le Party Mazarin a de plus fort et de plus vigoureux dans l'Estat; leurs bontez y seront malicieusement obsédées, comme elles ont esté malheureusement surprises par les artifices de ces imposteurs; Son A. R. ne s'y trouuera point, de peur que sa présence ne le rendist complice, dans la créance des peuples, de tous les désordres qu'il préuoit deuoir estre les infaillibles effets de cette Assemblée, et par les pressentimens desquels il a iugé que la qualité de Lieutenant Général de l'Estat l'obligeoit de n'y donner point son suffrage et de faire tous ses efforts pour en diuertir le conseil de Leurs Maiestez. Si les Princes de Condé et de Conty veulent s'exposer à la mercy de leurs ennemis, ils n'ont qu'à s'arracher d'entre les bras des Parisiens qui les considèrent comme les sincères Protecteurs de leur liberté, pour aller faire triompher les passions enragées des Mazarins par vne maudite vengeance qu'ils ont préméditée de longue main contre

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