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ceux qui ne sont coupables que de n'auoir point voulu seulement complaire au dessein que ces malheureux brassent secrètement pour le restablissement du Cardinal Mazarin.

Ie ne puis pas croire que le Duc de Beaufort, quelque généreux qu'il soit, doiue estre si prodigue de sa vie et de sa réputation que de se mettre au hazard ou d'espouser trop honteusement toutes les passions du Party qu'il a si constamment combattu, ou de s'exposer en les choquant de se voir égorgé par ceux qui se flatteront, dans l'absence des Parisiens, de l'espérance d'vne impunité. Si le Duc de Nemours ne s'en absente point, la créance publique sera bien frustrée; et le généreux attachement que ses inclinations toutes héroïques luy ont donné et que la Iustice luy fera conseruer inuiolablement pour les intérêts de Monsieur le Prince, c'est-àdire du Roy et de son Estat, ne luy permettra sans doute pas d'aller accroistre les suffrages des Mazarins par la nécessité des complaisances que les plus vigoureux seront obligez de donner à la violence de ces tyrans.

Si la prudence doit conseiller à tous les ennemis du Mazarin, c'est-à-dire à tous les bons François, de ne s'y trouuer point et s'il est vray toutefois que la iustice de l'Estat exige de cette Assemblée Généralle que toute sorte de ressources soient entièrement ostées au restablissement de ce Proscrit, la France a-t-elle raison d'en espérer vn si fauorable succez? Si les Protecteurs de la liberté des Peuples n'y sont point, qui brizera les fers qui nous captiuent depuis si longtemps soubs la tyrannie des Émissaires du Mazarin ? Si le Lieutenant Général de l'Estat iuge qu'il a raison d'en appréhender le succez, qui sera le déterminé qui ne le redoutera point? Si la Poli

tique oblige les Princes du Sang de s'en absenter, que doit-on pressentir du succez de cette Assemblée si ce n'est vne continuation des désordres qui seront d'autant plus mortels à la tranquillité des Peuples que plus leur accommodement semblera deuoir estre impossible après l'impuissance apparente des Estats Généraux? Qui parlera contre Mazarin et contre les Complices de ses déportemens s'il n'y doit auoir que des Mazarins ou si la liberté de ceux qui pourroient encore auoir assez de générosité pour en parler, se trouue captiuée par la tyrannie de ses partizans? Et n'est-il pas à présumer que les Mazarins réformeront l'Estat au gré de leurs caprices, que toutes les conclusions des Estats Généraux ne seront que des pures complaisances à l'iniustice de leurs desseins et qu'on y disposera si parfaitement les affaires qu'on n'en fera paroistre le visage que soubs vn nouueau masque artificieusement déguisé pour en amuser pendant quelque temps le désir insatiable de la passion des Peuples?

y

Toutes ces réflexions politiques ne laissent point douter de la nécessité que les besoins de l'Estat imposeroient à leurs Maiestez de faire le choix de la Ville Capitale pour tenir l'Assemblée des Estats Généraux si leurs bontez ne se trouuoient méchamment surprises par les artifices de ces ennemis du repos public qui pressentent trop infailliblement que tous leurs monopoles seroient impuissants dans cette grande Cité et que les poursuittes de la Fronde venant à préualoir victorieusement sur toutes les iniustices de leur party, il seroit à craindre qu'il ne fust enfin réduit hors d'espérance de toute ressource par la nécessité que l'honneur imposeroit à tous les véritables zélateurs de la tranquillité de l'Estat de fulminer entièrement

sur toutes les espérances que les Émissaires de ce Proscrit ne laissent pas encore de conseruer pour le restablissement de sa première fortune.

En effet les Mazarins auroient beau se passionner dans Paris pour la querelle de leur Cardinal, ils auroient beau produire ses déportemens sous les faux masques dont ils ont accoustumé de couurir ses plus peruerses intentions, les intelligences de l'Estat qui se trouueroient dans cette Assemblée Généralle, seroient trop éclairées pour n'en découurir entièrement toutes les fourbes, et leur Iustice trop puissamment secondée de la vigueur des peuples pour appréhender que la liberté de leurs iugemens deut en aucune façon estre captiuée par les violences tyranniques des Mazarins.

C'est dans cette puissante Ville que les suffrages des Députez seroient libres parce que les ennemis de leur liberté seroient en impuissance de les captiuer. C'est là mesme qu'on pourroit sans appréhension fermer toutes les portes par lesquelles le Cardinal Mazarin espère tousiours de rentrer dans le Gouuernement, parce que ses Émissaires n'oseroient seulement pas y former la moindre opposition et que la Politique mesme les obligeroit d'y donner leur propre consentement pour ne sembler point estre de contraire auis à la passion généralle de toute la France. C'est dans cet abrégé de la Monarchie que les dieux de la réforme pourroient impunément fulminer sur toute sorte d'abus parce que la passion des peuples seroit entièrement complaisante à tous leurs iugemens, comme ils ne manqueroient pas de s'éleuer vnanimement contre ceux qui voudroient en enchaisner la liberté. C'est dans Paris, dis-ie, que cette illustre Assemblée n'auroit point d'autre subiect de

craindre que de n'estre pas assez rigoureuse pour trancher vigoureusement tout ce que la mauuaise Politique des intéressez auroit fait glisser de mauuais esprit dans la conduite de l'Estat; que ce mesme Consistoire des dieux mortels de cette Monarchie pourroit librement faire reuomir le sang des peuples dont les sangsues de cet Estat se sont criminellement engraissées depuis tant de temps; que le mauuais maniement des finances pourroit librement estre réformé pour le soulagement des pauures Peuples qui gémissent depuis longtemps sous l'oppression tirannique de ces voleurs publics, parce que le Lieutenant Général de l'Estat ne manqueroit pas de se trouuer à toutes les Assemblées pour les animer par son exemple à retrancher généreusement toute sorte d'abus, parce que Monsieur le Prince, exempt de toutes les iustes appréhensions qui luy feroient regarder ailleurs cette troupe de voleurs auec trop de défiance après les calomnies qu'ils ont inspirées à leurs Maiestez, feroit triomfer librement cet Illustre Génie qui luy a tousiours fait espouser auec vne passion héroïque tous les intérests de l'Estat, parce que les Députez qui seroient encore ou directement ou par réflection attachez au party du Cardinal Mazarin, n'oseroient seulement pas ouurir la bouche que pour conclure auec tout le reste à l'achèuement de sa perte, de peur de se voir exposez au sifflement de tous les généreux, et parce que si les Mazarins auoient seulement entrepris de brasser quelque séditieux party pour attenter sur la liberté des Estats, ils ne tarderoient guères de se voir engloutis par vn soulèuement général que le peuple feroit pour en faire main basse et les sacrifier entièrement à l'indignation de toute la Monar

Ces raisons ne laissent point douter de la nécessité qu'on a de n'assembler point ailleurs les Estats Généraux que dans Paris, à moins qu'on ne soit en dessein non pas de réformer tous les débordemens de l'Estat, mais de les establir encore plus puissamment que iamais, et de fortifier les peuples dans la créance qu'ils ont qu'on n'a point de plus véritable dessein, quelque apparence qu'on fasse voir du contraire, que celuy de restablir le Mazarin, puisqu'il n'est que ce seul moyen qui puisse entièrement ruiner toutes les espérances que ce Proscrit n'a pas manqué de conseruer iusques à présent pour la réparation de sa gloire et le restablissement de sa fortune.

Outre qu'il me semble qu'en disant qu'il n'y a que les seuls Mazarins qui respirent après ce changement de lieu, et que Son Altesse Royale, Messieurs les Princes et tous les peuples généralement souhaitent que la Ville Capitale de la Monarchie ne soit point frustrée de cet honneur, ie pense qu'on ne peut choquer cette iuste passion de ceux qui sont intéressez pour le bien de l'Estat, afin de fauoriser le party d'vn estranger proscrit, sans donner occasion de croire sans aucune témérité qu'on prétend tellement brider ailleurs l'authorité souueraine des Estats Généraux que l'appréhension de se voir mal traister ne leur laisse iamais porter d'autres iugemens que ceux qui seront au gré de l'ambition des Mazarins, puisque n'estant point de raison seulement apparente qui iustifie la nécessité de les tenir ailleurs, il n'en est point entièrement qui ne conclue que celle de les tenir dans Paris est indispensable, supposé qu'on ayt vne sincère intention de les assembler pour retrancher sans espargne tous les que le mauuais gouuernement a fait glisser dans

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l'Estat.

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