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Puisqu'il est constant par la suite de toutes.ces raisons inuincibles qu'il est absolument nécessaire, tant pour le repos de l'Estat que pour l'honneur de Leurs Maiestez, qu'on tienne les Estats dans Paris, ie pense qu'il ne me sera pas fort difficile de nommer les personnes desquelles on doit faire choix pour les y députer, et que mesme les nécessitez précédentes pourront seruir de préiugez à cette Eslection, si ceux qui sont destinez pour les choisir, veulent tant soit peu se désintéresser pour en examiner la valeur.

Pour cet effect il est à propos de considérer quelle est la fin des Estats Généraux, pour quel dessein estce qu'on les assemble et qu'estce qu'on se propose lorsque les soins de l'Estat font conclure ses intelligences à la nécessité de ces assemblées. S'il est vray, comme personne n'en doute point, que la réforme générale de tous les abus qui sont entrez dans le Gouuernement par la corruption des loix, est la seule et dernière fin des Estats, il est encore plus vray que le seul et l'infaillible moyen de paruenir à cette fin n'est autre que la résolution et bonne intelligence de ceux qui sont Députez, pour y porter les besoins des peuples et les nécessitez des Prouinces; car comme cette Assemblée générale de tout ce qu'il y a de plus choisi dans l'Estat, c'est vn corps à plusieurs testes, il est impossible absolument que les délibérations puissent estre bien concertées au soulagement des Peuples à moins que la concorde ne soit la présidente de leur conseil et que la discorde ne soit en impuissance d'y pouuoir semer aucune pomme de diuision pour en bannir le repos et la tranquillité de la paix.

Puisque ce n'est que la seule mésintelligence qui puisse faire auorter les espérances que les Peuples conçoiuent

du succez des Estats Généraux, il me semble que pour obuier à cette funeste des-vnion, il seroit à propos de ne choisir point les personnes qui sont obligées de la fomenter par la nécessité qu'ils ont de s'intéresser pour la gloire de leur party, et que les Maisons de Ville et les assemblées des Prouinces particulières ne doiuent point auoir auiourd'huy de plus grand soin que celuy d'examiner sérieusement le génie et l'attachement des personnes qu'ils sont en dessein de nommer, pour en faire les entremetteurs et les Anges tutélaires des nécessitez publiques dans l'Assemblée des Estats Généraux. Et puisqu'il n'est que trop constant par la funeste expérience de toutes les calamitez passées, que les Mazarins sont les véritables Lutins de nostre repos et les Anges Apostats de la Monarchie, n'est-il pas vray que les Prouinces et les Maisons de Ville qui tireront leurs Députez de cette pépinière de brouillons, seront tombées ou dans l'aueuglement ou dans le sens réprouué, puisque les besoins de l'Estat exigeant nécessairement pour yn premier coup de Justice qu'on restablisse les Loix que ces corrupteurs ont impunément débauchées, il n'est pas possible d'en espérer cet aduantageux succez si les Mazarins mesmes sont en estat de pouuoir empescher cette réforme en ne luy donnant seulement pas leurs suffrages.

Mais néantmoins ie soustiens que dans cette précaution nécessaire pour ne députer point aucun Mazarin, il faudroit principalement ietter les yeux sur les Partisans vassaux et sur les Frondeurs peruertis afin de les regarder auec dédain comme estant marquez au caractère des réprouuez et de se garder bien de leur confier le sang des Peuples qu'ils mettroient infailliblement à l'enchère pour l'abandonner au plus offrant. Il peut estre arriué

que la

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passion ou la considération innocente de l'intérest particulier aura fait grossir le party du Cardinal Mazarin lorsque ce voleur n'auoit encore succé nostre sang qu'auec ses souhaits et qu'il estoit en estat de continuer ses soins aussy généreusement qu'il auoit commencé pour les intérests de la France; et ie pense que ceux qui se sont déuouez à luy depuis cette innocence de sa conduite, auroient du moins en apparence plus de raison de iustifier l'attachement qu'ils ont témoigné pour la deffense de son party.

Mais ceux qui cabalent pour luy, après auoir généreusement frondé, ceux qui veulent le receller lorsqu'ils le voyent chargé de toutes les plus riches dépouilles de l'Estat, ceux qui se rendent ses Apologistes lorsque tous les Parlemens de France concluent à sa condamnation, ceux qui le mettent à l'abry lorsque la iustice du Ciel et de la terre foudroye sur l'insolence de ses déportemens, et qui ne s'attachent à luy que par le lien honteux de l'intérest et sur l'espérance qu'ils ont d'esleuer leur fortune ou de la couurir du moins d'escarlate 'par la faueur de son restablissement, ceux là, dis ie, doiuent estre censez parmy les plus redoutables; et les Prouinces ou les Maisons de Ville qui les députent, ont tousiours assez de raison pour en rétracter la parole, sans qu'on les puisse blasmer pour ce changement que de s'estre enfin reconnus.

Vn esprit qui n'a fait que voltiger par tous les partis, qui se donne à prix d'argent, qui se laisse gagner par l'espérance d'vn beau chapeau, qui met sa faueur à

'Ceci s'adresse évidemment au Coadjuteur, ainsi que le paragraphe

suivant.

l'encan, qui est auiourd'huy Frondeur et demain Mazarin, qui fait tantost le passionné pour le seruice de S. A. R. et qui s'en éloigne puis après pour le choquer, qui s'engage par affection auec les Princes de la Fronde et qui s'en dégage par intérest, qui fulmine contre les iniustes emprisonnemens et qui les pratique puis après, celuy là, dis ie, ne doit estre choisi que pour aller présider dans l'assemblée des intrigueurs et pour aller semer les schismes de la diuision mesme dans la plus forte tranquillité de la paix. Et si le malheur vouloit que quelque Prouince ou quelque Maison de Ville se fust assez oubliée pour députer des esprits de cette nature, ie ne doute pas que les Estats Généraux ne deussent commencer leurs scéances par les iustes oppositions qu'ils formeroient à ce choix.

Ainsi ie conclus que si leurs Maiestez condescendent à la proposition que S. A. R. a fait de tenir les Estats Généraux dans Paris, et si les Prouinces prennent garde de n'enuoyer que des Députez qui soient reconnus pour leur constance et leur générosité, toute la France a iuste suiet de considérer les Estats Généraux comme la seule et dernière ressource de ses malheurs; comme au contraire il ne faut point douter que ce dernier remède des maladies mortelles de l'Estat ne soit entièrement affoibly par les iniustes et tyranniques cabales des Mazarins si la petitesse du lieu secondée de l'alliance criminelle de certains Députez les met en estat d'en pouuoir tellement brider les suffrages par l'appréhension des assassinats, qu'on n'y puisse rien déterminer qu'au gré de leur ambition.

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la maiorité du Roy, auec ce qui s'est fait et passé au Parlement, le roy séant en son Lict de Iustice [2714].

(7 septembre 1651.)

Vn ancien Autheur rapporte que l'Empereur Constance, après auoir fait son entrée solennelle dans la ville de Rome et auoir magnifiquement considéré ses superbes Palais, ses Temples, ses Emphithéâtres et tout ce qui s'y voyoit de plus remarquable, fut saisi d'vn tel rauissement qu'il ne put s'empescher de se plaindre de la Renommée, d'autant que sa coustume estant d'exagérer toutes choses et de les porter beaucoup au delà de leur iuste grandeur, elle s'estoit montrée à l'endroit de Rome où foible, ne pouuant exprimer par la force de ses paroles les merueilles et les beautez qu'elle enfermoit, ou malicieuse, en les rabaissant à dessein afin d'obscurcir l'esclat de sa gloire. Certes la crainte que tout Paris ne formast contre moy la mesme plainte que ce grand Empereur fit contre la Renommée, m'empescheroit de parler de la magnificence qui le tient encore dedans l'estonnement, si ie ne m'y sentois forcé par le désir de faire part à toute la France de la ioye dont nous auons esté comblez, et de l'instruire de l'ordre tenu dans cette belle pompe dont voicy le récit :

Le Ieudy septième de Septembre ayant esté choisi par Sa Maiesté pour aller au Palais y tenir son Lict de Iustice et entrer en maiorité, les Régimens des Gardes

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