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Françoises et Suisses furent commandés dès les quatre heures du matin pour la garde des portes du Palais et des auenues depuis le Palais Cardinal, sçauoir le long de la rue Sainct-Honoré, de la Ferronnerie, de SainctDenys depuis les Saincts-Innocens iusques à la porte de Paris, de Sainct-Iacques de la Boucherie, du pont Nostre-Dame, du Marché-Neuf, de la rue NeufueSainct-Louis et de Saincte-Anne, qui estoit le chemin que deuoit tenir Sa Maiesté. Les boutiques, chambres et toits qui sont dans cet espace, furent remplis d'vn si grand nombre d'échafauts et de peuple, que depuis les quatre heures du matin iusques à onze, tout Paris sembloit estre contenu dans quelques-vnes de ses rues bien que l'on pouuoit dire alors que la meilleure partie de cette grande et populeuse ville estoit comme dé

serte.

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Sur les neuf heures et demie commença la marche du Cortège de Sa Maiesté, sçauoir: d'vn grand nombre de caualerie se suiuant à la file et se rangeant dans la cour du Palais.

Après eux marchoit la Compagnie des Cheuaux Légers de la Reyne, conduits par le Marquis de Sainct-Maigrin, paroissant auec sa grâce ordinaire, augmentée par la beauté de son équipage. Cette Compagnie, leste à merueille, estoit suiuie de celle de Sa Maieste, qui ne luy cédoit en rien.

Le grand Préuost de l'Hostel superbement vestu et monté sur vn cheual barbe, couuert d'vne housse de brocart, alloit après à la teste de la Compagnie de ses Gardes.

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Ensuite marchoient les Cent Suisses de la Garde du Roy, conduits par vn de leurs Officiers, aussy vestu à

l'auantage, son cheual caparassonné et couuert d'vne housse de satin incarnat, garnie d'vne broderie et dentelle d'or.

Après les Cent Suisses, marchoit vn grand nombre de Seigneurs que l'on appelle la Noblesse dorée, dans l'équipage le plus pompeux qu'il se puisse imaginer, tel ayant au seul harnois de son cheual pour quatre mille escus de broderie.

Après cette Noblesse qui sembloit emporter sur ses habits toute la dépouille des Indes et du Pérou, marchoient à pied les Gardes du Corps de sa Maiesté qui estoient suiuis de six Hérauts d'armes, reuestus de leurs cottes de velours violet parsemées de Fleurs de lys d'or.

Marchoient ensuite les Mareschaux de France qui ne cédoient en rien aux premiers, tant en la richesse de leurs habits qu'en la beauté et parure de leurs che

uaux.

Entre les Mareschaux de France et les Valets de pied de Sa Maiesté, paroissoit le Comte d'Harcourt, seul à cheual, tenant en main l'espée de grand Escuyer.

Après vne troupe de Valets de pied paroissoit le Roy à cheual, auec vne grâce et vne maiesté qui tiroient des larmes de ioye des yeux de tous les spectateurs et des cris de Vive le Roy de toutes les bouches.

Autour de Sa Maiesté marchoient les Princes, Ducs et Pairs de France.

Venoient après les Gardes de la Reyne qui parut dans son carrosse, dans lequel estoient Monsieur le Duc d'Aniou en vne portière et Monseigneur le Duc d'Orléans à l'autre.

Derrière le carrosse, estoient les Officiers de la Reyne,

et ensuite d'iceux les Compagnies des Gens d'armes de Leurs Maiestez.

Auec ce beau Cortège, le Roy alla descendre au bas des dégrez de la Saincte Chappelle, où il monta pour entendre la Messe, ayant esté auparauant reçu par Mes

sieurs du Parlement.

La Messe acheuée, Sa Maiesté alla se seoir dans son Lict de Iustice, où après les cérémonies accoutumées et les remerciemens faits à la Reyne sa Mère, le Roy demanda que les Déclarations cy deuant faites en faueur de Monsieur le Prince de Condé fussent leues et couchées sur les registres de la Cour. Et ainsi ce grand Prince a commencé à nous donner des preuues de sa Iustice et prudence et des arrhes asseurez du bonheur dont toute la France doit iouir tant qu'elle sera soumise à la conduite d'vn si sage Monarque.

Sur les douze heures et demie, toutes les cérémonies estant acheuées, Sa Maiesté s'en retourna au Palais Royal dans le carrosse de la Reyne dans lequel estoient Monsieur le Duc d'Aniou, Frère vnique du Roy, et Son Altesse Royale, auec la mesme suite qui l'auoit accompagné. Et ce fut alors que l'on entendit le tonnerre des boettes et canons tirez de la Grèue, de l'Arsenal et de la Bastille qui firent leur deuoir d'imiter par leurs bouches enflammées les cris d'allégresse que le peuple poussoit dans l'air en réiouissance d'vne action si célèbre et désirée depuis si longtemps.

Les Sentimens d'vn fidelle subiet du Roy sur

l'Arrest du Parlement du 29e déc. 1651 [3648]'.

(1er janvier 1652.)

De mettre à prix la teste et la vie des hommes, en sorte que celuy qui se voit sousmis à vn iugement si rigoureux, ne considère plus tous les autres hommes que comme autant de furies et de bourreaux qui pensent auoir droit de le massacrer, et regarde toute la terre deuenue comme le théâtre de son supplice, c'est sans doute vn suiet capable de toucher de compassion les âmes les plus dures et les plus insensibles; mais que ce genre de condamnation, ou inouy en tant de lieux du monde, ou reserué à la punition des plus scélérats d'entre tous les Corsaires et les brigands publics, soit pratiqué nouuellement et où? dans vn païs estimé iusques à cette heure l'asyle général des malheureux, et par qui? par vn peuple renommé sur tous les autres aussy bien pour la douceur que pour la grandeur de son courage, et contre qui? contre vn Chef des Conseils du Roy, contre vn premier Ministre d'Estat, d'autant moins digne d'vn si rude traitement que ses plus cruels ennemis ne l'osent

1 Cette pièce a été attribuée à Martineau, évêque de Bazas; à Cohon, évêque de Dol, à Servien et à Silhon. Je pencherais plus volontiers pour l'un des deux prélats. Toujours est-il que les Sentimens d'vn fidelle subiet du Roy eurent une sorte de caractère officiel puisqu'ils furent d'abord imprimés au Louvre. Cette édition là ne se vendait pas. Celle qui fut livrée au commerce, ne parut que le jeudi saint. Elle se distingue de la première en ce qu'elle contient un passage où il est parlé de l'arrêt contre l'amiral de Coligny, et qu'elle n'a que quarante-huit pages.

accuser de la moindre cruauté, contre vn cardinal de la Maistresse auguste de toutes les Églises et contre vn Prince de la Ville capitale du Royaume de Iésus-Christ, ie dis hardiment que c'est vn prodige d'inhumanité qui doit attirer l'horreur de tous les siècles et couurir d'vn opprobre éternel et ineffaçable ceux qui se glorifient d'en estre les autheurs.

On sçait assez que Monseigneur le Duc d'Orléans, par vn malheur déplorable en vn si grand Prince, n'a pas eu peu de part à vne entreprise si estonnante; mais aussy ceux qui sçauent quelle est la bonté et la tendresse de son natürel, tout humain et tout royal, ne doutent point qu'en cette occasion il n'ait agi par des impressions estrangères, que l'on n'ait séduit son esprit pour abuser de la sincérité de ses intentions, et qu'il n'ait souffert violence auant que de la faire ou de l'authoriser par son suffrage.

de

I'en dis de même du puissant Sénat qui a prononcé cet arrest funeste tumultuairement et à l'impourueu, se laissant aller au torrent d'vne cabale née de l'animosité peu de personnes offencées et intéressées, n'estant pas croyable qu'vne Compagnie qui a receu du Roy tout ce qu'elle a d'authorité, et qui pour l'ordinaire à parù ne point auoir de sentiment plus vif ny plus pressant que pour la défense de son Prince, ait esté capable d'ellemesme et par son propre mouuement d'vné résolution de cette qualité.

Mais quant à ceux qui ont esté les principaux et les véritables instrumens de cette action toute extraordinaire, à quoy pensoient-ils ? et de quel esprit, de quel génie auoient-ils l'âme poussée et transportée ? Qu'a de commun la France auec vn dessein, ie ne dis pas si per

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