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le grand Roy François, et ensuite vérifié et enregistré dans cette première de nos Compagnies souueraines et obserué de part et d'autre auec tant de religion, ne porte-t-il pas formellement qu'en cas de crime le Pape enuoyera et commettra des Iuges sur les lieux pour connoistre des crimes des Éuesques; mais pour les Cardinaux de l'Église Romaine, il en retient les causes et s'en réserue à luy seul la connoissance?

Que peut-on souhaiter de plus décisif, de plus authentique, de plus fort, de plus inuincible en faueur de ce Prélat? En haine d'vn seul homme, est-il iuste de violer la saincteté d'vn traité si solemnel? Ne pouuons-nous estre Iuges d'vn coupable prétendu sans esbranler les fondemens de la Iustice? Et pour authoriser vn parricide en la personne d'vn Cardinal, faut-il deuenir infidelle au Pape mesme et au souuerain maistre de la Foy?

Il est donc visible que Monsieur le Cardinal peut establir la première nullité de sa condamnation sur l'incompétence et sur l'entreprise de ses Iuges: il est Cardinal; en matière criminelle, il ne doit répondre qu'à l'Église.

Mais supposons néantmoins que ceux qui l'ont iugé, ne soient blasmables d'aucune vsurpation et qu'ils soient demeurez dans les limites de leur puissance légitime; ont-ils suiuy l'ordre de la Iustice? ont-ils gardé scrupuleusement, comme le réquéroit vne si grande affaire, les formes iuridiques et accoustumées en pareilles occasions? Le Cardinal Mazarin est accusé d'estre entré dans le Royaume au préiudice de la déclaration du Roy 1; et

Déclaration du Roy portant défenses au Cardinal Mazarin......... de rentrer dans ce Royaume, etc. · [925].

là-dessus on condamne ce Prélat, on le proscrit, on met sa vie en proye à la rage des meschans. Mais dans vne rencontre si importante, ne falloit-il pas employer auec la dernière exactitude les formes ordinaires qui accompagnent les iugemens publics et solemnels et qui peuuent estre appelés auec raison le fondement des Loix, la lumière de la Iustice, le rempart de l'innocence, l'âme des conseils et vn frein qui arreste la licence et la témérité de Iuges passionnez ou corrompus?

On asseure donc que le Cardinal Mazarin est entré en France et que par cette entrée il a violé les défenses du Roy; mais dans cette occasion, l'ordre naturel de la Iustice ne demandoit-il pas que l'on s'éclaircist et que l'on informast iuridiquement d'vn faict de cette conséquence? Or où sont les tesmoins qui chargent ce coupable? Deuant quel luge ont-ils faict serment de ne point blesser la vérité? Et les a-t-on ensuite confrontez, selon qu'il s'obserue en pareilles occasions? Toute la déposition que l'on a receue, est celle de Monseigneur le Duc d'Or léans, dont la naissance et la condition Royalle ne permettoient pas que l'on pratiquast en sa personne ce qui se pratique ordinairement en celle des tesmoins.

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Mais pour venir au suiet particulier dont il s'agit icy, la régularité de la procédure, en ce qui touche la vie des hommes, est vne condition si fondamentalle et si essentielle pour authoriser vn meurtre qu'vn docte Religieux, illustre par sa probité et par ses ouurages et Confesseur du grand Empereur et Roy d'Espagne Charles Quint, s'estant proposé cette question particulière, de sçauoir si on est obligé d'obéyr au Roy quand il nous commande de tuer vn homme, la résout en répondant, qu'on y est

obligé ou qu'on le peut en conscience quand le Roy procède par les formes légitimes; qu'autrement on ne le doit ny on ne le peut. Que si la distinction de ce Théologien célèbre a lieu à l'égard du Roy dont la puissance paroist estre sans limites et à qui mesme la nécessité des occasions et des affaires ne permet pas quelquefois de recourir aux moyens accoustumez, combien plus est-il iuste et nécessaire d'en vser à l'égard des Magistrats qui n'ont point de part aux mystères de l'Estat et dont l'authorité et la iuridiction doiuent tousiours estre renfermées dans les formes qu'il a plu au Roy de leur donner? Et l'on croira néantmoins que sous prétexte d'vn commandement donné irrégulièrement, sans enqueste, sans témoins, non par le Roy, mais par vn Parlement, non par vn oracle du Souuerain, mais par vne ordonnance d'vne simple Cour de ses Officiers et de ses ministres, il est permis, chose détestable! de répandre le sang d'vn Cardinal et en mesme temps de couurir d'vn deuil général et éternel l'auguste corps des Princes de l'Église, de qui ce coup mortel auroit offensé sacrilègement la dignité, comme l'arrest qui le commande, réduiroit, s'il auoit lieu, leur personne sacrée à la condition des plus infasmes criminels!

Mais auouons, ce qui n'est pas, que dans cette occasion le Cardinal Mazarin a esté iugé et condamné par ses Iuges naturels et qu'en le condamnant d'vne manière aussy rigoureuse que nouuelle, ils n'ont rien obmis des formalitez de la Iustice; ont-ils eu matière de conclure et de prononcer contre luy vn si séuère iugement ?

Vn Prince du sang esleué plus que iamais nul autre en biens, en charges, en Gouuernemens, en places, en

estime de courage et suffisance extraordinaire dans la guerre, mais qui seroit tousiours bien moins redoutable s'il ne l'estoit par les biens-faits de celuy qu'il veut perdre et que l'on sçait luy auoir procuré, entre autres auantages, la charge de Grand Maistre de la Maison du Roy, vn commandement perpétuel de ses armées et des Souuerainetez considérables sur la frontière de l'Estat, l'illustre Comté de Dampmartin, l'vne des plus riches et des plus nobles terres du Royaume; vn Prince, dis-ie, de cette qualité, fait éclater tout d'vn coup son ressentiment contre la Cour, couure et colore de diuers prétextes le dessein de se venger, détache de l'armée tous les Régimens qui estoient sous son nom, leur défend de reconnoistre les ordres du Roy, traicte et s'allie auec l'ennemy, assemble des troupes et ses amis de tous costez, arme, souslesue et met en feu toute la Guyenne et les païs voisins, appelle l'Espagnol, le reçoit en France, luy donne des villes à fortifier, s'approche et vient en armes au deuant du Roy qui le poursuit auec des peines insupportables à la tendresse de son âge; et comme si la rébellion des suiets contre les Roys ne pouuoit réussir qu'à la faueur du parricide des Roys, il enuoye à Londres; il implore le secours de ces mains cruelles, encore teintes et fumantes du sang de leur Monarque; et les partisans de sa cabale publiant dèsia partout l'entrée de quatre mil Escossois dans la riuière de Bordeaux, ne craignent point de faire d'vne alliance si honteuse vn suiet de gloire et de trophée.

D'autre costé, Monsieur le Cardinal, qui auoit souffert durant plusieurs mois, sans plainte et sans murmure les outrages dont on l'auoit chargé en particulier et en public, bien loin de penser aux moyens de se venger et

d'écouter les offres que luy faisoit l'Espagne en cette occurrence, également touché de reconnoissance pour tant de biens que luy ont fait le Roy et cet Estat, et de douleur pour les maux extresmes dont il voyoit l'vn et l'autre menacé, se résout constamment de les secourir dans vn si éminent danger, d'employer ses soins, ses forces, celles de ses amis et enfin sa vie pour vne entreprise si glorieuse; met en peu de temps sur pied vne armée considérable; reçoit du Roy vn commandement exprès de la conduire en France, auec espérance certaine d'en tirer vn seruice très-notable dans la conioncture présente des affaires.

1

Cependant Messieurs de la Cour du Parlement, ayant sceu l'approche et la démarche de ce Cardinal et son entrée en France auec son armée, quoy qu'ils ne pussent ignorer qu'il y reuenoit par ordre du Roy et en estat d'assister Sa Maiesté contre vne faction puissante de rebelles, s'assemblent aussi tost, le déclarent criminel de lèze-Maiesté, mettent sa vie à prix, promettent impunité et récompense aux coupables qui l'auroient assassiné, et ce qui fait horreur à dire et à penser, ordonnent que ses biens seront exposez et vendus publiquement pour payer la teste de leur Maistre; peu de iours ensuite l'exécution de la Déclaration du Roy donnée dès longtemps contre la rébellion de Monsieur le Prince est surcise et suspendue, pour n'auoir effet que du moment qu'on aura receu des nouuelles asseurées de l'esloignement et de la retraite du Cardinal hors du Royaume.

En premier lieu donc, pour bien iuger si on a condamné auec iustice le retour du Cardinal, considérez

1

Lettre du Roy écrite au Cardinal Mazarin [2164].

Déclaration du Roy contre les princes de Condé, de Conty, etc. [906].

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