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d'vne part, que c'est le Parlement qui ne le veut pas; et de l'autre, que c'est le Roy qui l'a voulu; puis voyez si la raison et toute sorte de deuoirs ne nous ordonnent pas de préférer incomparablement la volonté du Roy à la volonté d'vn Parlement qui ne peut auoir de iuste volonté que celle du Roy; ce qui a fait dire au plus éclairé et au plus admirable des Pères de l'Église, que si l'Empereur commande vne chose et ses Ministres vne autre, il faut obéyr au commandement de l'Empereur et non pas à celuy de ses inférieurs et de ses Ministres, n'estant pas vn crime aux particuliers de vouloir plustost ce que veut le Roy, que ce que veulent ses Ministres; mais au contraire estant vn crime manifeste aux Ministres

du Roy de vouloir autre chose que ce que le Roy

veut.

Remarquez en suitte la différence et l'inégalité du traitement que reçoiuent deux personnes qui arrestent sur elles auiourd'huy les yeux de toute la France, ou pour mieux dire, de toute l'Europe. L'vn va contre le Roy; et l'autre accourt pour le secourir. L'vn a conspiré auec les ennemis de cette Couronne; et l'autre est armé pour la défendre. L'vn appelle les estrangers par mer et par terre; et l'autre les vient chasser. Et toutes fois, chose estrange! on fauorise le premier, et on persécute le second. On fortifie les iniustes entreprises de l'vn en différant de le condamner; et on affoiblit les efforts louables de l'autre en les traittant de désobéyssance et de rébellion. Enfin on absout en quelque manière le coupable, pour faire paroistre l'innocent plus criminel et plus odieux que le coupable mesme. En vérité, plus ie pense à ce mystère et plus ie me pasme d'estonnement. Vit-on iamais qu'vn suiet du Roy ayant traitté auec l'en

nemy et l'ayant introduit dans les places de l'Estat, vn Parlement ayt loué son entreprise et l'ayt déclarée légitime pour vn certain temps et sous certaines conditions? Conclure et arrester que l'on attendra de vérifier les déclarations portées contre Monsieur le Prince, qui commande des troupes Espagnoles et leur permet de se fortifier en Guyenne, en Poictou et en Champagne, iusques à tant que Monsieur le Cardinal ayt vuidé le Royaume, n'estce pas conclure et arrester que l'Espagnol aura droict d'y demeurer et de s'y establir tout le temps que Monsieur le Cardinal y demeurera? Et n'estce pas me nacer le Roy que s'il souffre dans sa Cour vn de ses Ministres, on souffrira que ses ennemis deuiennent les maistres de son Estat?

Enfin, nous viuons dans vn temps si déplorable qu'on n'appréhende pas de fauoriser manifestement vn Prince qui entretient vne liaison ouuerte auec l'ennemy, peu de temps après qu'on faisoit vn crime irrémissible à Monsieur le Cardinal d'auoir commerce et intelligence auec le Roy. On allèguera peut-estre que Monsieur le Cardinal est conuaincu d'auoir désobéy à la Déclaration du Roy vérifiée en Parlement aux derniers iours de la Minorité, par où le Roy défend à ce Prélat de rentrer en France, et à tous les Gouuerneurs de Prouinces et de places de l'y retirer. Mais si on agit en cette occasion par vn pur esprit de maintenir la force et l'authorité des Déclarations du Roy, d'où peut venir qu'on a tant de pour l'exécution des vnes et tant d'indifférence pour celle des autres? Y a-t-il des Loix qui défendent au Cardinal de retourner en France? et n'y en a-t-il point qui défendent aux Princes d'y receuoir les ennemis, leurs flottes, leurs armées, et de leur en liurer les villes et les

zèle

ports? Et pourquoy donc s'empresse-t-on auec tant de violence pour venger l'infraction des vnes, et laisse-t-on en mesme temps impuny le violement des autres?

Mais pour ce qui regarde la Déclaration du Roy touchant l'esloignement de Monseigneur le Cardinal, en quel temps, en quel estat Sa Maiesté l'a-t-il publiée ? Alors le Roy estoit-il Roy? Estoit-il maistre de son Royaume auant que de l'estre de ses volontez? Et auoit-il atteint cette plénitude d'âge qui l'eslèue audessus de luy-mesme et le rend iuge de toutes les actions précédentes de sa vie pour les approuuer ou les condamîner selon qu'il luy plaist? D'ailleurs aussy dans ces placards insolens et séditieux, ne voyoit-on pas des desseins et des proiets de nouueautez estranges exposez en affiches par tous les coins de Paris? Ne parloit-on pas ouuertement de reculer la maiorité du Roy et de donner la Régence du Royaume à Monseigneur le Duc d'Orléans, ou de luy continuer pour quelques années la fonction de Lieutenant Général de l'Estat? Et n'y auoit-il pas lieu d'appréhender que la témérité d'innouer et d'entreprendre, qui va tousiours croissant dans les tumultes populaires, ne se fist vn passage à de plus importans et plus iniustes changemens?

Il est donc sans doute que le Roy ou plustost la Reyne Régente, pour céder à la nécessité du temps qui est bien souuent la loy des Souuerains, se vit obligée de consentir à la Déclaration dont il s'agit et qu'on n'ignore pas mesme esté dressée par Messieurs du Parlement dans les termes qu'il leur plust.

auoir

Mais outre que ç'a esté par vne conduite sage et salutaire que Leurs Maiestez voulurent en cela condescendre à la passion des ennemis de Son Éminence qui au

trement sur le déclin de la minorité et sur l'accroissement des nouueaux troubles domestiques, auroient pu prendre des résolutions d'vne conséquence dangereuse et sur tout au milieu d'vne grande ville où Leurs Maiestez mesmes, peu de mois auparauant, n'auoient pas iouy de la liberté de leurs personnes ;

La loy fondamentale de la Souueraineté ne veut-elle pas que les Roys et les Monarques ne s'engagent pas si estroitement à l'obseruation des loix qu'ils font sur des occasions particulières, qu'ils ne s'en puissent dispenser légitimement eux-mesmes selon que le demande le bien de leur Estat et de leur seruice; et principalement s'ils accordent vne chose qui de sa nature ne peut qu'estre forcée, comme quand ils renoncent aux droicts essentiels et attachez inséparablement à leur Couronne, entre lesquels vn des plus sacrez et des plus inuiolables est sans contredit la liberté de choisir eux-mesmes les Ministres dont ils composent leurs Conseils et à la fidélité desquels ils commettent le secret des affaires publiques?

Mais pour continuer à le défendre et à le iustifier par la bouche mesme de ses ennemis et de ses persécuteurs, l'accusera-t-on de la résolution qu'on prit, il y a deux ans, d'arrester Monseigneur le Prince? Mais cette accusation n'attaque pas moins directement Monseigneur le Duc d'Orléans que ce Ministre; Son Altesse Royale ayant eu, comme on sçait, la principale part à ce haut dessein; et sans en rechercher plus curieusement les causes, si on en fait vn crime au Cardinal, il aura pour défenseur le Duc d'Orléans, qui, ayant approuué et authorisé cette entreprise, comme luy en est coupable si elle fut iniuste, et en doit répondre aussy bien que luy.

Et de vray, si l'on n'eust point transféré Monsieur le Prince du bois de Vincennes où il fut mis d'abord, au Haure de Grâce, place forte et asseurée à Leurs Maiestez, Monseigneur le Duc d'Orléans ne se seroit peutestre pas si tost mis en peine de le faire déliurer; et beaucoup pensent qu'il n'a souhaitté de le voir libre que depuis qu'il a vu qu'il n'en estoit plus le maistre et qu'il ne s'est plus imaginé d'auoir à son choix ou de le retenir en prison ou de l'en retirer, comme quand il estoit au Chasteau de Vincennes à la veue et aux portes de Paris. Osera-t-on reietter sur luy le blasme du siége de Paris? Son Altesse Royale et Monseigneur le Prince qui estoient diuisez et contraires l'vn à l'autre pour le iustifier sur la détention de l'vn des deux, s'accorderont à l'heure mesme et se réuniront pour le défendre, et soustiendront en sa faueur la iustice de ce siége mémorable qu'ils ont fait eux-mesmes et poursuiuy auec tant de zèle et de vigueur. Les Cours souueraines luy imputeront-elles les désordres de l'Estat qui ont précédé le mécontentement qu'elles ont reçeu en leur particulier par le dessein qu'on auoit pris de retrancher les gages de leurs charges? Ou elles se sont teues quand il falloit parler, ou elles ont parlé quand il falloit se taire; et il est visible que des remonstrances, des plaintes et des clameurs qui n'ont pour principe que le bien particulier de ceux qui les excitent, portent leur reproche en ellesmesmes et ne méritent en façon du monde d'estre considérées par des personnes sages et dégagées de toute prévention d'intérest et de passion. C'est ainsi donc que le Cardinal, quoy qu'agité de tant de disgrâces, se trouue néantmoins dans vn estat si aduantageux que de pouuoir plaider sa cause impunément deuant ses en

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