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quand on a fait vn crime à M. le Prince d'auoir intercédé pour ceux qui ont eu recours à sa protection, n'est ce pas faire entendre aux Grands qu'ils n'en doiuent pas vser de mesme? Tout le monde trouuera ce crime bien léger, et cette accusation bien artificieuse et bien déraisonnable; et pour retourner à nostre paralelle, quand on voudra faire comparaison du crédit qu'auoit M. le Prince, auec l'authorité du Cardinal et le grand establissement qu'il s'est fait par le moyen de ses créatures, quelle différence y trouuerons nous ? Le premier Prince du Sang qui sert, qui combat, qui expose sa vie, qui a conquis tant de places de conséquence, ne peut posséder sans crime les bienfaits qu'il a trouuez dans sa maison; car il est vray qu'il n'en auoit point d'autres, si ce n'estoit Clermont et Stenay qui lui auoient esté donnez pour récompense de l'Admirauté; et le Mazarin qui n'auoit rien quand il est venu en France, qui n'a seruy qu'à iouer au Hoc et à faire des Comédies, à empescher la paix et à ruiner la France, a luy seul, plus de puissance que M. le Duc d'Orléans et ces trois Princes ensemble, desquels il a si bien sceu charmer l'esprit iusques à présent qu'ils ont combattu pour luy, pour eux mesmes et leur propre destruction, comme vous voyez, et continueront encore, si Dieu ne leur ouure les yeux, afin de connoistre le précipice dans lequel ils se iettent et où ils nous entraisnent auec eux.

Auec cela, toutes ses créatures ne sont pas dans les Gouuernemens des places; il en a d'autres pour le Gouuernement des Princes. Les vaillants sont pour la guerre; les fourbes, les traistres et les habiles sont pour la Cour et pour les intrigues dans les maisons des Princes. Ce sont ceux-là qui sèment la diuision parmy

eux, qui inspirent les défiances, qui proposent et font réussir les grands desseins, qui surprennent, qui corrompent et qui font toutes les passe-passe de la Cour. Ce sont ces gens là qui ont fait prendre contre Paris et contre toute la France le party du Cardinal par M. et par M. le Prince, qui proposèrent (il y a quelque temps) le changement de tant de Gouuernemens pour amuser la Cour, qui ont affronté tant de monde, qui ont fait attenter au carrosse de M. le Prince', qui l'ont animé d'en descouurir la vérité et qui l'ont enfin emprisonné, qui font que le Cardinal dit qu'il n'est plus Mazarin et qu'il s'appelle Frondeur, qui luy font prendre autant de formes, de couleurs et de visages que les Fables en donnent à Prothée, qui ont réuny M. de Beaufort et M. le Coadiuteur auec le C., comme ils auoient raccommodé M. le Prince et le M. après l'affaire du Pont de Larche; car il y en a qui rassemblent et qui raccommodent, à tout le moins en apparence et pour quelque temps. Il y a des Oublieurs aussi bien que des Frondeurs. Bref il a des Légions de ces meschants Esprits de l'vn et de l'autre sexe dans sa dépendance, qui ont tant d'adresse et tant d'artifices, tant de filets et tant de piéges qu'il y en a qui pour y auoir esté attrapez, ne laisseront pas de s'y reprendre. Tous ces gens là sont de la Cabale du M. et trauaillent à ses fins, et pour l'esléuation de sa grandeur et de sa fortune et pour le mariage de ses Niepces qui achèueront l'establissement tout ouuert de sa tyrannie, d'où s'en suiuera infailliblement l'anéantissement des Parlemens, de cette belle Déclaration, et la consommation des calamitez publiques.

' Dans la journée du 11 décembre 1649.

Iugez à présent, Messieurs, de la comparaison des forces qu'auoit M. le Prince, auec les grands establissemens du C. qui, sans compter la puissance de ses fourbes, sans parler du gouuernement du Roy, de celuy de l'Estat, des Princes et de la Cour, a quasi tous les Gouverneurs des Prouinces à luy et toutes les places de Sauoye et d'Italie, du Roussillon et de Catalogne, de la Lorraine, de Flandres et de l'Alsace, au lieu que M. le Prince, qui mérite tout, puisqu'il conserue tout, et qui a gagné plus de cent villes à la France, n'auoit qu'à peine ce que M. son père possédoit du viuant du feu Roy.

Voilà l'inuentaire général et véritable des richesses et des establissemens de M. le Prince, dans lequel il ne se trouuera rien qui ne fust dans celui de M. son père. En pourroit on dire de mesme du C.? Tout ce qu'il possède, estoit il dans sa famille ? Non, Messieurs; sa naissance ne luy a rien donné; sa vertu ne lui a rien acquis; la fortune seule luy a laissé prendre tout ce qu'il a, et qui deuroit estre plustost partagé entre les vaillans et les bons seruiteurs du Roy et de Monsieur qu'entre les suiuans, les domestiques, les flatteurs, les courtisans de cet Estranger.

Pour deffendre M. le Prince de l'ambition dont il est accusé, c'est où il y a plus de peine, parce que tout le monde n'est pas bon Iuge en cette occasion, où il est très aisé de se laisser surprendre et de se tromper soy

mesme.

La valeur et l'ambition ont tant de ressemblance qu'il est bien difficile de les distinguer. A la vérité, ceux qui considéreront M. le Prince dans les batailles de Rocroy, de Norlingue et de Lens et qui l'aperceuront au trauers des esclairs et de la fumée des canons, tout

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couuert de feu et de sang, ceux qui le verront ensuite chargé de tous ces fameux et superbes trophées, le prendront aisément pour vn Ambitieux, aussi bien que pour vn Victorieux; mais ie m'asseure que les gens de bien et les bons François ne le voudront pas condamner, puisque les Espagnols et les Allemands en parlent si laborieusement. Il n'y a que la poltronnerie et la subtilité d'vn Italien qui y puissent trouuer à redire, quand il accuse M. le P. de leur donner des batailles auec ce beau raisonnement (que s'il les gagne, il a droit de demander quelque récompense; et s'il les perd, il est plus nécessaire). A moins que d'auoir perdu le sens, personne ne pouuoit faire vn crime de cela, si ce n'est celuy qui fait des crimes de lèze maiesté à M. de Bouqueual de porter des glands à son rabbat'. Voilà de dignes pensées d'vn si grand ministre! Voilà cet homme surnaturel, qui est le Surintendant de l'éducation et l'instructeur du plus grand des Roys! Il a vne autre preuue de l'ambition de M. le Prince qui le rend aussi criminel que la première. Il a dit : il refuse le commandement de l'Armée, cette dernière campagne. C'est vn péché d'obmission tout au plus, mais non d'ambition. Certainement c'est examiner de bien près la conduite de M. le Prince, si en sept ans de trauail, il n'a pas pu mériter vne excuse de trois mois sans deuenir coupable.

Est ce abuser de sa gloire que de n'aller pas tous les ans à la guerre ? Est ce abuser de ses emplois que d'auoir apporté aux pieds du Roy toutes les campagnes qu'il a faites, tant d'Estendars et de Clefs de villes et de places considérables? Si M. le Prince n'est pas assez

Voyez dans le premier volume la Lettre à Monsieur le Cardinal, burlesque.

vaillant, s'il n'en a pas assez fait pour vous et pour l'Estat, vous estes bien difficile à contenter. Il a sacrifié pour vous plaire, contre son sens et contre son cœur, aussi bien que contre le nostre, le prix de tant de seruices qu'il auoit rendus, qui estoit l'estime et l'affection générale de tout le monde; enfin il vous a sauué; et vous le perdez pour récompense.

Que ceux qui se fient en vous, sont aueuglez! et que ie préuoy de grands malheurs pour eux si vous ne cessez en effet aussi bien que de nom d'estre M., c'est-àdire, le plus perfide et le plus ingrat de tous les hommes ! Vous ne ressemblez pas à ce Lion reconnaissant que l'ancienne Rome vit combattre pour vn gladiateur qui lui auoit tiré vne espine du pied, puisqu'en ayant autant dans le cœur et dans la teste que d'imaginations, et en ayant esté déliuré par sa valeur, vous le déchirez à présent et luy ostez la liberté qu'il vous a donnée, et luy voulez rauir l'honneur qu'il vous a conserué. Est ce parce qu'il n'a pas esté d'auis du mariage de votre Niepce, dont il auoit, dites-vous, trouué l'alliance si fort utile à la France, ou bien parce qu'il auoit eu l'audace de consentir au mariage de M. de Richelieu ? N'y a-t-il que vous qui ayez droit de marier vos parentes? Iugez qui vous estes et qui sont vos Niepces; et regardez s'il y a rien de plus grand dans le Royaume que M. de Mercœur, à qui vous en destiniez vne; ie n'ose penser aux autres, puisque vostre premier vol va si loing. Que ne ferez-vous point quand vous aurez l'aisle plus forte? et après, voyez si le premier Prince du Sang est moins que vous, si Mme de Pont ne vaut pas mieux que toutes vos Niepces, et si tous les Fauoris peuuent entrer en comparaison auec M. de Mercœur.

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