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C'est cela que l'on peut nommer ambition déréglée; c'est abuser de vostre emploi que d'emprisonner les Princes; c'est abuser de l'esprit de la Reyne et de celuy de Monsieur que de leur imposer tant de faussetez pour leur donner de la colère contre M. le Prince. L'Estat où estoit la Normandie, le Berry et la Bourgogne et Bellegarde, auec cent quarante mousquets, sans poudre et sans boulets, sont les preuues conuaincantes de vostre calomnie et de leur innocence; et ie m'asseure, Messieurs, que s'il vous plaist de faire réflexion sur le passé, et sur ce que M. le Prince a pu, s'il l'auoit voulu, et comme aux derniers temps, il se contentoit à Saint Maur de s'amuser et de se diuertir auec ses domestiques, vous iugerez sans doute que ce Prince n'auoit pas tant d'ambition qu'on luy en donne, et que des défauts de la ieunesse, il n'auoit que la simplicité et la crédulité qui le menèrent à Saint Germain (pour ne point quitter le Roy) et qui l'ont conduit dans le Bois de Vincennes, où les charmes et la puissance qu'exerce le M. sur l'esprit de la Reyne et de Monsieur, le retiennent, et non pas le bien de l'Estat et de la iustice, comme il le veut faire croire, qui demandent au contraire sa liberté, laquelle ne peut estre contredite que par de lasches ennemis, ou par ceux qui ayment mieux partager auec luy la tyrannie que de l'abbattre et de la destruire entièrement, ou qui préfèrent leur colère particulière à leur bien propre et à la paix générale, qui est pourtant si nécessaire au peuple qu'ils trompent et qu'ils achèuent de ruyner en faisant semblant de le venger; et cependant ces gens là se font appeler les pères du peuple.

Vous voyez, Messieurs, que tous les crimes que l'on impute à Messieurs les Princes, ressemblent aux pour

traits dont les songes nous font des peintures sans matière et sans couleur, qui ne peuuent estre veus que dans l'obscurité et qui percez des premiers traicts de la lumière, disparoissent incontinent.

C'est à vous, Messieurs, qui estes Protecteurs des Loix et de l'innocence, les dépositaires sacrez de l'authorité Royale, les seuls Iuges des Princes du Sang qui sont auec vous les principales Colonnes de la Monarchie, de ne pas souffrir que cette belle Déclaration que vous auez faite pour réprimer l'insolence de M. et des mauuais ministres, luy soit violée dans le plus précieux de ses articles, qui est celuy de la liberté et de la seureté publique, pour la conseruation de laquelle vous auez veu Paris prendre les armes. Il n'y aura iamais d'occasion plus glorieuse pour le Parlement, ny plus vtile pour l'Estat, puisque, en maintenant dans ce rencontre si notable vne partie de la loy, vous luy donnerez vne vigueur nouuelle et vous asseurerez pour iamais l'exécution entière de tout ce qu'elle contient, qui est si important pour le soulagement de tous les peuples; ou au contraire, si vous permettez que l'on y donne vne atteinte de si grande conséquence, la ruine de tout vostre ouurage, et quand et quand celle du public, est infaillible.

le frémis d'horreur quand ie me représente l'image de cette fatale iournée que l'on enleua Messieurs de Broussel et de Blanc-Mesnil dont on auoit résolu de faire vn sacrifice sanglant, aussi bien que de plusieurs autres du Parlement; quand ie pense à la mort tragique du Président Barillon, aux proscriptions que nous auons veues, aux Emprisonnemens du Duc de Beaufort et de M. de Chauigny et de tant d'autres, parce que ie préuois bien que nous retombons dans les mesmes malheurs desquels

nous pensions estre sortis pour iamais et qui seront d'autant plus grands que l'emprisonnement de ces trois Princes ne laisse plus rien d'inuiolable à l'audace de la fortune, qu'elle entraisne auec soy la ruine des peuples et l'impossibilité de faire la paix, et qu'elle donne la puissance à M. de se vanger de Paris et du Parlement, qu'il a voulu mettre à feu et à sang auant qu'il luy eust fait aucune iniure.

Préuenez, Messieurs, s'il vous plaict, par vostre prudence, tant de maux dont nous sommes menacez. Souuenez vous que le M. est de Sicile, et des cruautez qui s'exercent à Naples. Ne considérez pas l'imprudence des premiers mouuemens qui font assez souuent, aussi bien que le menu peuple, des iours de Festes des iours de leur ruine. Faites Iustice à ces Princes; conseruez le Sang Royal qui fait subsister le Corps de l'Estat. Repensez aux seruices véritables que ces Princes ont rendus, et aux auantages que la France a receus de tant de Victoires remportées sur les ennemis; dissipez les faux soubçons que l'on a voulu malicieusement faire prendre de la fidélité incorruptible de ces Princes; destrompez l'esprit de M.; faites luy connoistre que la protection de M. (Mazarin) blesse sa réputation, que cela seul fait tout le crime de M. le P. Faites-le souuenir des persécutions qu'il a souffertes d'vn autre Fauory qui a instruit celuy cy de ses maximes, de ses artifices et de ses exemples. Dites luy que M. le P. est le reieston illustre, le greffe d'honneur et de vertu de cette noble Souche de Montmorency, qu'il est le neueu de cet Héros incomparable qui combatit et qui mourut pour luy. Faites-luy voir Madame la Princesse tout en larmes qui luy demande ses enfans; excitez sa gratitude, et que s'il ne peut

redonner la vie à l'oncle, il est en quelque sorte obligé de procurer à la sœur et aux neueux la liberté. Enfin, Messieurs, faites luy entendre qu'il y a deux Princes de la maison de Bourbon qui ont l'honneur d'estre de son Sang, que la Nature auec vous luy demande Iustice pour eux ; et s'il n'y a point d'arbre qui ne plie et qui ne se plaigne, quelque sauuage qu'il puisse estre, quand vne branche luy est arrachée par la tempeste, ne doutez pas que le meilleur Prince du monde ne soit sensiblement touché de leur malheur. Pour moi, qui considère cette grande Compagnie comme le zèle et le refuge des Innocens, comme le temple de la Iustice, où les choses sont pesées au poids du sanctuaire, ie sais bien que ces Princes ne sçauroient manquer d'auoir de puissans protecteurs, et qu'après que tant de sages Sénateurs auront remonstré à son Altesse Royale que M. le P. est son bras droit, que le bien de l'Estat le luy demande, que c'est le moyen d'auoir la paix, ie me promets et ie m'asseure que M. obtiendra du Roy cette grâce et s'y portera d'autant plus volontiers que de toutes les vertus qui le rendront célèbre à tous les siècles, celle de sauuer M. le P. luy sera la plus glorieuse et la plus honorable, la plus vtile à la France et à tous les peuples, et dont le Parlement luy puisse demeurer plus redeuable.

Factum pour

Messieurs les Princes [1367]'.

(18 janvier 1650.)

Les suiets d'vne République ou Monarchie sont heureux quand ils viuent selon les lois et qu'ils ne craignent pas que l'on les recherche, ny que l'on entreprenne contre leurs biens et personnes que par les voyes ordinaires de la iustice. Lors vn homme est sans inquiétude qui est sans crime; et celuy là se peut dire au milieu de ses ennemis asseuré dans ses biens et sa vie, qui est innocent. Anciennement la France se gouuernoit dans cet ordre et par ces maximes. Il n'y auoit point de prisons légitimes que les Conciergeries des Parlemens et celles des Iuges ordinaires ; et si quelquefois les Roys s'en sont seruis d'autres, ç'a esté fort rarement, comme ès Ducs de Nemours, d'Alençon et Connestable de Saint Paul; et encore leurs Maiestez en ont tousiours laissé l'entière disposition à leurs Tuges; sinon depuis quelque temps que la flatterie a fait croire aux Ministres qu'ils auoient puissance de tout faire impunément, et que non seulement sur vn soupçon, mais mesmes que sur l'appréhension de la resuerie d'vn songe, ils pouuoient emprisonner les plus gens de bien; de sorte que nous auons veu principalement depuis la Régence, Pignerol, la Bastille, le Bois de Vincennes et la pluspart des Chasteaux et Citadelles du Royaume remplies

'Cette pièce répète souvent les arguments du Discours qui précède; mais comme elle les développe et les complète aussi quelquefois, j'ai cru qu'il était à propos d'en donner des extraits.

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