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profession, luy vouloit conseruer, ou pour mieux dire, acquérir la considération qu'il auoit perdue par les mauuais succez de Berry et de Guyenne. Il peut tomber dans les esprits des hommes des soupçons assez raisonnables que la mesme conduite qui a esté tenue par les Partisans de M. le Prince, deuant qu'il soit reuenu de Guyenne, pour le rendre absolument maistre du Party, a esté continuée par luy mesme pour ne pas chasser le Mazarin, à la conseruation duquel il a trop d'intérest pour le perdre. Seroit il croyable que si l'on eust agy de bonne foy, on eust laissé périr vne telle armée; on eust pris des mesures si peu certaines auec l'Espagne; on se fust chargé de la haine et de l'enuie que portent naturellement des traittez faits auec les Estrangers, et que l'on eust donné le temps au Cardinal Mazarin de recueillir les fruits qu'on en pouuoit tirer? Y a-t-il apparence qu'il eust fait si bon marché de sa prostitution honteuse du sacré caractère de Ministère que d'estre le Correspondant de Paris à Bruxelle et que ses négociations auec l'Espagne eussent si mal réussi, s'il n'eust eu intérest de les faire éclatter d'vn costé pour se donner de la considération à la Cour, et d'en empescher le succez d'autre part pour faire réussir celles qu'il auoit auec le Cardinal Mazarin? Aura-t-on facilité à se persuader que le Cardinal de Retz se soit opposé à l'establissement d'vn Conseil qui n'est pas encore formé1 depuis cinq semaines qu'il est de notoriété publique qu'il n'y a pas fait obstacle? Est ce le Cardinal de Retz qui fomentoit la diuision dans le party, si elle a éclatté sans comparaison dauantage depuis qu'il ne s'est plus

Le conseil de la Lieutenance générale. Relation véritable de tout ce qui s'est fait et passé au Parlement... le 26 iuillet, etc. [3250].

meslé des affaires? Est ce le Cardinal de Retz qui brouilla à Orléans MM. de Beaufort et de Nemours1? Est ce lui qui a obligé depuis quatre iours la pluspart des Officiers généraux de l'armée de M. le Prince de quitter son seruice'? A-t-il produit toutes ces disputes bizarres qui enrichiront vn iour vn Catholicon et qui rendront ridicule vn conseil qui deuroit estre fort sérieux? Est ce le Cardinal de Retz qui oste la réputation de la cause commune par l'establissement dans le Conseil de la Lieutenance générale de Ministres décriez et haïs dans le public? N'y a-t-il pas beaucoup de raison de se persuader que les pas dans lesquels on a voulu engager Monsieur et le public, comme la Lieutenance générale, la préuosté des marchands et le gouuernement de la Ville, n'ont esté souhaittez que pour en tirer des conditions plus auantageuses de la Cour? Peut on, dis ie, en douter, voyant le peu d'effort que l'on a fait pour soustenir des démarches d'vne si grande conséquence? Enfin seroit il possible que toutes les affaires du party fussent tombées dans vne déplorable décadence depuis que le Cardinal de Retz ne s'en mesle plus, s'il eust esté la cause de leur ruyne quand il estoit tous les iours à Luxembourg? Cela peut estre vray; mais il faut auouer que cela n'est pas vray pas vray semblable.

le ne puis passer sous silence le murmure qui s'éleua contre le Cardinal de Retz sur le suiet de la retraitte de M. de Lorraine'; et ie me donne la gloire à moy mesme

' Entreuue de Mgrs les ducs de Beaufort et de Nemours, etc. [1259]. * Les comtes de Tavannes, de Valon et de Chavagnac.

* La lieutenance générale avait été donnée au duc d'Orléans, la prévôté des marchands à Broussel, le gouvernement de Paris au duc de Beaufort. * On peut voir entre autres la Trahison du duc Charles tramée par le roi d'Angleterre et le cardinal de Retz, etc. [3792].

de ne m'estre pas laissé surprendre à des impostures dont les autheurs mesmes rougirent par la déclaration publique de Monsieur. Deuant mesme que le particulier en fust conneu, ie ne pouuois comprendre qu'vn soupçon de cette nature peust tomber sur M. le Cardinal de Retz. Ie voyois que son intérest estoit que Monsieur eust toute la considération du party, que M. le Duc de Lorraine demeurast dans ses intérests, peu affectionné à M. le Prince, et auec qui, par conséquent, il pouuoit auoir des liaisons très estroites. Il m'estoit impossible de trouuer des raisons qui peussent l'auoir obligé de contribuer à ce changement; ie trouuois mesme des contradictions dans tout ce qu'on disoit contre luy sur ce suiet, Quelle apparence qu'vn homme, qui ne trauailloit tous les iours, à ce que disoient ses ennemis, qu'à brouiller Monsieur et M. le Prince, se peust oster à soy mesme l'instrument le plus puissant et le plus certain de son dessein? Quelle apparence que le Duc de Lorraine se soit plus tost retiré du seruice de Monsieur par les conseils de M. le Cardinal de Retz, que par le refus de ses places que M. le Prince luy auoit promis de luy rendre', et par le mescontentement qu'on luy donnoit tous les iours à dessein, selon les règles de la Politique ordinaire? Il y auroit bien de la difficulté à prouuer que le Cardinal de Retz, qui tiroit toute sa considération de celle de Monsieur, ait eu suiet de se réiouyr de la retraitte de M. de Lorraine, et que M. le Prince eut raison de s'en affliger. Cela peut estre vray; mais il faut auouer que cela n'est pas vray semblable.

1 « Mais tu ne tasteras iamais

De Stenay, Clermont ni Iamets. »

Le Tour burlesque du duc Charles [3788].

Quand on n'a pas de faits particuliers à appuyer, on se iette d'ordinaire dans des inuectiues générales; on s'abandonne à sa passion; et l'on donne de fausses couleurs auec lesquelles on essaye de déguiser les véritables apparences. Le Cardinal de Retz passe dans la réputation du monde pour ne pas manquer de force et de vigueur. Sous ce prétexte les mesmes personnes qui l'accuseroient, s'il leur plaisoit, de foiblesse, l'accusent de violence, essayent de le décrier comme vn esprit trop altier et trop ferme, le traitent de meschant, luy font conceuoir des desseins tyranniques et exhalent en iniures la rage que peut estre ils ont conçeue de ne l'auoir pas fait plier par leurs menaces et de ne l'auoir pu tromper par leurs artifices. Ie ne le connois point; ie ne iuge de son naturel que par les apparences; ie suy le dessein de mon ouurage; et sur ce proiet après beaucoup de réflexions, ie me convains moy mesme par l'innocence de sa conduite. Quelle apparence qu'vn esprit qui ne respire que le sang et le carnage, se soit contenu dans l'espace de quatre années pleines de grands mouuemens, dans les quels il a tenu vne des places les plus considérables, se soit, dis ie, contenu dans vne modération si régulière qu'il ait enfermé dans son cœur toute sa violence, sans en faire iamais éclatter vne seule action dans le public? est il possible qu'vne âme de cette trempe soit tousiours demeurée dans la deffensiue, mesme dans les temps où il n'a manqué ni d'occasions ni de prétextes pour iustifier l'offensiue? Est il croyable qu'vn emporté ait témoigné si peu de ressentiment des iniures receues, desquelles il a trouué tant de lieux de se venger? Où est le sang respandu par ses conseils? A-t-il eu part aux massacres

1

si

de l'Hostel de Ville 1, qui sègneront aux siècles à venir dans le cœur de tous les bons François, qui demandent iustice au ciel et qui doiuent animer la terre contre vn crime si noir et si tragique? le Cardinal de Retz a-t-il part à toutes ces cruautez, à toutes ces inhumanitez effroyables qui ont esté souffertes dans les portes de Paris, qui ont osté les enfans aux pères, les pères aux enfans, qui ont rauagé nos campagnes, qui ont déserté nos villes, qui ont profané nos Autels? Ie ne sais pas le Cardinal de Retz a essayé de nous faire tous ces maux quand il s'est meslé de nos affaires et quand le siége de Paris nous les pouuoit faire appréhender auec plus de suiet qu'il n'y en a paru dans ces derniers troubles; mais s'il en a eu les desseins, il faut aduouer qu'il a esté bien heureux de n'y auoir pas réussi. Quand il n'y auroit que l'ordre que l'on a veu dans toutes les choses auxquelles il a eu part, on ne sçauroit, sans passer pour calomniateur, blasmer sa conduite de violence; les événemens selon toutes les apparences luy sont fauorables; il me semble que le passé ne nous doit faire appréhender quoi que ce soit de l'aduenir. N'est ce pas vne imagination extrauagante de se persuader que le Cardinal de Retz fasse des proiets contraires au repos, à la grandeur, à l'abondance de Paris? quel intérest luy peut estre plus cher et plus considérable que celuy d'vne ville de laquelle il tire tout son esclat, tout son bien, toute sa considération, toute sa force? Est il probable qu'vn archeuesque de Paris puisse iamais auoir des intérests séparez du lieu de sa résidence, où il doit viure et mourir? Est il

'La meilleure pièce sur ces événements est le Récit véritable de tout ce qui s'est passé à l'Hostel de Ville touchant l'vnion de messieurs de la Ville et du Parlement avec messieurs les Princes, etc. [3023]. Voir page 379.

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