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ceux qui sont employez dans les Finances. Il souffrit que, par vne auarice infâme, des personnes des plus qualifiées de la Cour et des Officiers des Cours Souueraines fussent

leurs associez dans les prests et dans les prests sur prests, qui estoit vne vsure iusques alors inouye. Il renchérit encore sur ce luxe général, en ne se contentant pas du superbe Salon que le Cardinal de Richelieu auoit fait bastir pour ses comédies, mais en le faisant rompre en partie pour donner place aux immenses machines de cette ennuyeuse Comédie' qui cousta cinq cens mille francs au Roy de l'argent du peuple; et il fit vn bastiment pour ses cheuaux, dont la magnificence surpasse celle des palais des Princes. Enfin pour couronner toutes ces belles réformations, il choisit pour Surintendant le plus vicieux, le plus insolent et le plus hardy volleur qui fust en France, en mettant Demery dans les Finances. Cet homme, dont le père estoit vn paysan d'vn village de la République de Syene, nommé Particelle, duquel il portoit le nom, dont le frère auoit fait amende honorable à cause d'vne banqueroute à laquelle il auoit part, et que chacun sçauoit auoir esté tout prest d'estre pendu à Tours en 1619 pour des maluersations qu'il auoit faites dans la charge de Controlleur de l'Argenterie, ioignant à ses débordemens publics et à son audace sans pareille vne cruauté si impitoyable qu'il rioit en écorchant tout le monde, porta les esprits dans le désespoir.

C'est là la source la plus apparente de nos malheurs et I'vn des plus grands crimes du Cardinal, quoyque ie n'ignore pas que le Trafic sacrilége des Bénéfices qu'il a estably iusques à donner à des Séculiers et mesmes à des

L'opéra d'Orphée.

gens d'espée, ses domestiques, des pensions sur des Éueschez et Archeueschez, ne soit encore beaucoup plus grand deuant Dieu, puisque c'est distribuer à des layques, comme vn bien profane, le patrimoine sacré de Iésus-Christ.

Mais voyons la suitte. Le Parlement, dont la lascheté auoit esté telle que de n'oser, pendant les quatre premières années de la Régence, faire vne seule remonstrance au Roy et à la Reyne touchant ces extrêmes désordres, quoy que son deuoir l'y obligeast, voyant que Demery vouloit toucher à ses gages, se réueille, fait par la considération de son intérest ce que la considération de son honneur n'auoit pas esté capable de luy faire faire, s'assemble, donne l'Arrest d'vnion auec les Compagnies Souueraines, excite les autres Parlemens et, par vne audace criminelle, ne prétend rien moins que de s'ériger, sinon de nom, au moins par effect, en tuteur des Roys. En quoy ie n'entends nullement parler de ceux qui ne s'estant iamais despartis du respect qu'ils doiuent à leur Souuerain, ont gémy en leur cœur et tesmoigné sur leur visage et dans leurs aduis la douleur qu'ils ressentoient de l'estrange égarement de leurs confrères, mais de ceux qui font gloire de porter cet infâme nom de Frondeurs, qui sera en horreur à toute la postérité, et dont Broussel est le Patriarche.

Le Coadiuteur de Paris, dont l'ambition n'a point de bornes, ne pouuant se résoudre d'attendre que le temps l'esleuast à la dignité que sa naissance, son esprit et sa charge pouuoient iustement luy faire espérer, fut rauy de rencontrer cette occasion. Et ainsi, au lieu de ietter de l'eau pour tascher d'esteindre le feu qui s'allumoit dans cette capitale du Royaume, qui doit vn iour estre

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son siége, il y ietta de l'huile pour en accroistre l'embrâsement, et a enfin réussi si heureusement ou, pour mieux dire, si malheureusement dans son dessein qu'il a esté honoré de cette pourpre qui le déshonore, estant teinte, comme elle est, du sang qui inonde auiourd'huy la France par cette cruelle guerre ciuile dont il est vne des principales causes, et faisant voir par l'vn des plus pernicieux exemples qui fut iamais, que cette éminente dignité, au lieu d'estre en sa personne la récompense d'vn grand seruice, est la récompense d'vn grand crime.

Ce seroit icy le lieu de parler des Barricades et du siége de Paris; mais comme ils ne sont que trop connus de tout le monde par les malheureux effects qu'ils ont produits, il me suffira de dire que peu de gens ont remarqué, ce me semble, que le Roy n'en voulant qu'au Parlement et non pas à Paris, ils n'eurent en effect pour cause que ce que Paris prit la querelle du Parlement contre le Roy 1.

Après que ce grand orage fut passé et qu'il sembloit qu'on deust iouir de quelque calme, calme, ceux qui ne pouuoient espérer d'arriuer promptement que par le trouble au but où leur ambition les portoit, s'aduisèrent de la fourbe de Ioly' et choisirent la Boulaye pour

'C'est la thèse des pamphlets royalistes en 1649.

2 Le 11 décembre 1649, Guy Joly, un des syndics des rentiers de l'Hôtel de Ville, feignit d'avoir reçu un coup de pistolet dans son carrosse et d'avoir eu le bras fracassé. Il porta plainte au parlement: Moyens des requestes présentées à la cour par M. Guy Joly, etc. [2515]. Le but de cette fourberie était de soulever le peuple contre le cardinal Mazarin. Le marquis de La Boulaye parcourut en effet les rues aux environs du Palais, criant aux armes! mais personne ne bougea; et ce pauvre complot n'aboutit qu'à une accusation de tentative d'assassinat que le prince de Condé lança contre le duc de Beaufort, le coadjuteur et le vieux Brous

exciter, sous ce prétexte, par vn crime qui méritoit mille roues, vne sédition générale dans Paris. Monsieur le Prince tesmoigna chaleur pour le chastiment des coupables et demanda iustice pour luy mesme sur l'opinion qu'il eut auec beaucoup d'apparence, qu'après auoir manqué le dessein d'exciter vne sédition, ils l'auoient voulu faire assassiner. C'est icy où ceux qui viendront après nous, auront peine à croire que la trahison et la perfidie ait pu aller aussi auant que le Cardinal fut capable de la porter. Car en mesme temps qu'il tesmoignoit d'estre entièrement attaché à Monsieur le Prince, depuis s'estre accommodé auec luy par l'entremise de Monsieur le Duc d'Orléans, et l'animoit à perdre le Coadiuteur dont il se déclaroit l'ennemy mortel, en approfondissant l'affaire de la Boulaye et l'assassinat qu'il croyoit auoir esté entrepris contre sa personne, il traittoit en ce mesme temps auec le Coadiuteur et tous les autres ennemis iurez de Monsieur le Prince pour arrester Monsieur le Prince; et huit iours auparauant sa détention qui estoit résolue, il y auoit desià quinze iours, et qu'on cherchoit à tous momens l'occasion d'exécuter, il luy donna vn escrit de sa main et signé de luy, aux asseurances duquel il estoit absolument impossible de rien adiouster. Ainsi, lorsque Monsieur le Prince auoit suiet de se croire le mieux à la Cour, puisqu'il n'auoit acquis la haine du peuple que pour auoir seruy le Roy durant le siège de Paris, il se trouua dans le Bois de Vincennes par vn effect de la sincérité et de la iustice de ce Minis

sel. Il n'y a pas de doute que La Boulaye n'ait agi en cette circonstance pour le compte de Gondy; car, peu après l'arrestation des princes, il y eut une Déclaration du Roy portant abolition générale de ce qui s'est passé en la ville de Paris l'onziesme décembre 1649, etc. [921].

tre; et vne amnistie généralle pour la Boulaye et ses adhérans, iointe mesme à des récompenses, fut aussy vn illustre tesmoignage de l'équité et de la prudence de sa politique.

Vne prison si iniuste et dont toutes les fausses couleurs que le Cardinal employa dans cette lettre de cachet qu'il tiroit vanité d'auoir faite1, ne peurent souffrir la lumière du Soleil sans disparoistre aussy tost, excita vne plaincte si générale contre luy qu'après le retour du Roy du voyage de Guyenne, il fut contrainct de s'en aller; et la liberté de Monsieur le Prince fut résolue à des conditions qui ne luy estoient pas désagréables, quoy qu'elles fussent très-aduantageuses pour le Roy. Mais par vn aueuglement et vne impudence inimaginable, le Cardinal deuança les Députez de Sa Maiesté qui alloient au Hâure les luy porter, et le mit en liberté sans aucunes conditions ce qui a esté l'vne des principales causes des malheurs dans lesquels nous sommes maintenant, ainsi que la suitte le fera voir.

Iusques alors Monsieur le Prince, non seulement n'auoit rien fait d'indigne de la grandeur de sa naissance, mais il l'auoit encore surpassée par la grandeur de ses actions. Il auoit porté la terreur du nom François partout où il auoit porté les armes du Roy. Il pouuoit compter ses campagnes par le gain des plus grandes batailles qui ayent esté données, et par la prise des plus fortes places qui ayent esté assiégées de nostre siècle. Il passoit dans tout le Septentrion pour vn autre Roy de Suède, et dans tout le reste de l'Europe pour le

Lettre du Roy sur la détention des Princes etc. [2197], elle est du 19 janvier 1650.

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