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plus heureux, le plus vaillant et le plus grand Capitaine du monde; et enfin pour comble de gloire, il faisoit mestier d'vne inuiolable' fidélité enuers son Roy et d'vne ardente passion enuers sa patrie.

Mais par vn changement non moins estrange et déplorable que criminel et funeste, cet Astre qui lançoit de toutes parts les rayons d'vne si viue lumière, est comme tombé du firmament dans vn abysme d'aueuglement et de ténèbres. Monsieur le Prince au lieu de ne penser qu'à iouir d'vne réputation dont sa prison auoit encore rehaussé l'esclat et le lustre, au lieu de ne penser qu'à reconnoistre par de nouueaux seruices l'extrême obligation qu'il auoit au Roy de luy auoir donné le gouuernement de Guyenne qui vaut trois fois celuy de Bourgongne qu'il auoit auparauant, au lieu de ne penser qu'à contraindre par de nouueaux trophées nos ennemis de consentir à vne paix qui ne luy auroit pas esté moins glorieuse qu'vtile et honorable à la France, on le vit se retirer de la Cour, aller en Berry, passer en Guyenne, allumer la guerre de tous costez, se saisir de l'argent du Roy, surprendre ses places, oublier iusques à vn tel poinct sa qualité de Prince du Sang de France, l'oserayie dire et le croira-t-on vn iour? que de fléchir le genouil deuant l'Espagne, rechercher son assistance pour faire la guerre à son Maistre, à son bienfaiteur, à son Roy, deuenir client et pensionnaire de celuy dont il foudroyoit auparauant les armées, establir dans Bourg et dans la Guyenne ceux qu'il auoit forcez dans Thionuille, dans Dunquerque et dans d'autres places du Luxembourg et de la Flandre, et pour comble de transport et de fureur, implorer le Démon à son secours en implorant celuy de Cromwel, ce démon sorty de l'enfer

pour tremper dans le sang de son Roy et d'vn des meilleurs Roys du monde ses mains parricides et sacrilèges, ce Mahomet de nostre siècle qui en renuersant toutes les loix diuines et humaines, fait le Prophète et affecte de viure comme vn simple particulier lorsqu'il est en effet I'vsurpateur et le tyran de l'Angleterre.

Voilà ce qu'a fait Monsieur le Prince, sans que ny la crainte de Dieu qui tonne sur la teste des ingrats et des rebelles, ny la crainte de ternir deuant les hommes toute la gloire de ses actions passées, ny la crainte de rendre son nom incomparablement plus odieux à toute la postérité que ne l'est encore auiourd'huy celuy de Charles de Bourbon, ait pu destourner son esprit du dessein qu'il auoit formé par vne ambition inconceuable de se rendre Maistre absolu d'vne grande partie du Royaume.

Chacun sçait qu'il prit pour prétexte d'vn tel crime que le Cardinal qui estoit alors hors de France, deuoit reuenir; comme si quand il auroit desià esté de retour, il n'eust pas deu se contenter de se retirer dans son gouuernement ou dans l'vne de ses places, pour représenter de là au Roy le tort qu'il se seroit fait en le rappellant, plus tost que de se seruir de son gouuernement et de ses places pour mettre le feu dans le Royaume, pour appeler les Estrangers à sa ruine et pour causer ces maux sans nombre dont ceux que nous voyons, font vne partie.

Le Roy par vn très sage Conseil va en Berry, s'asseure de Bourges, bloque Montrond et s'aduance iusques à Poictiers. L'approche de sa Maiesté ne fut pas néantmoins capable d'arrester l'audace de Monsieur le Prince, les vastes espérances qu'il auoit conçues, lui faisant croire qu'il pouuoit tout entreprendre. Et ainsi au lieu de céder

à la présence de son Maistre, il osa attaquer Coignac presqu'à sa veue; mais il connut par la sorte dont le Comte d'Harcourt luy fit leuer le siège 1, par la manière dont il le poussa à Tonnay Charante', et par la promptitude auec laquelle il le contraignit de porter dans la Guyenne la guerre qu'il auoit promis auec tant de brauade et de pompe à ces rebelles par éminence de Bourdelois de porter à cent lieues d'eux, il connut, dis-ie, que s'il estoit le mesme Capitaine, il ne commandoit plus les mesmes soldats, que s'il estoit le mesme général, il n'estoit plus à la teste des mesmes armées, de ces armées victorieuses des plus belliqueuses nations du monde. Il connut la différence qu'il y a de combattre pour le seruice de son Roy, sans rien craindre que de ne rencontrer pas des occasions assez périlleuses pour luy tesmoigner sa fidélité, ou de sentir sa conscience bourrelée de mille remords et d'auoir continuellement deuant les yeux l'image affreuse d'vne prison, si le sort des armes luy estoit contraire. Il éprouua à Miradoux, à la louange immortelle de ces deux braues Régimens, Champagne et Lorraine, qu'vn village pouuoit, sans estre forcé, tenir durant quatorze iours contre celuy qui n'en auoit employé que treize à prendre Dunquerque.

Ainsi Monsieur le Prince après la leuée de ce siège

↑ Relation véritable de ce qui s'est passé à la leuée du siége de Cognac, etc. [3211]; Véritable iournal de ce qui s'est passé pendant le siége de Cognac, etc. [3938]; Lettre du Roy... sur la défaite des troupes de M. le Prince de Condé deuant la ville de Cognac, etc. [2151].

2 Relation véritable de la défaite de cinq cents cheuaux... et de la prise de Tonné-Charente par M. le Comte d'Harcourt [3238].

3 La levée du siége de Miradoux par le prince de Condé a fourni aux écrivains du temps le sujet de sept ou huit pièces. Voir la Liste chronologique des Mazarinades à la date du 27 février 1652.

estoit près de se voir réduit ou à implorer la miséricorde du Roy, ou à receuoir la honte, mille fois pire que la mort, d'aller augmenter dans Madrid le nombre des Courtisans du Roy d'Espagne. Mais il trouua son azyle dans Paris par le moyen du retour du Cardinal à la Cour, dont il me faut parler maintenant et dont ie ne sçaurois parler qu'auec des souspirs meslez de larmes.

L'esloignement de ce malheureux Ministre, confirmé par diuerses Déclarations du Roy vérifiées 1, auoit donné vne telle ioye à toute la France qu'excepté ces furieux Bourdelois et ceux qui estoient particulièrement déuouez à Monsieur le Prince, tout le reste estoit demeuré dans le deuoir; et le Parlement de Paris, nonobstant la cabale que Monsieur le Prince y a tousiours entretenue, auoit vérifié la Déclaration qui le noircit du crime de lèze Maiesté'. Ainsi le Roy estoit sur le poinct de chastier hautement sa rébellion, de restablir glorieusement son authorité, de rendre le calme à son Estat et de faire ensuitte vne paix généralle très aduantageuse, si d'vn costé les artifices de Monsieur le Prince qui durant qu'il déclamoit le plus contre le Cardinal et prenoit pour prétexte de sa réuolte le dessein de son retour, négocioit avec luy par Gouruille qui l'alla trouuer à Cologne, afin de le porter à reuenir, et si d'vn autre costé la Princesse Palatine, le mareschal du Plessis, Senétaire, le père, et quelques autres personnes de la Cour n'eussent par vne lasche complaisance et par vn pur mouuement d'intérest

été

1 Déclaration du Roy portant qu'à l'auenir aucuns étrangers... qui auront promus à la dignité de Cardinal, n'auront plus entrée au Conseil, etc. [931]. Déclaration du Roy portant défense au Cardinal Mazarin..... de rentrer dans le royaume, etc. [925].

2 Déclaration du Roy contre les princes de Condé, Conty... et autres leurs adhérents, etc. [906].

particulier fortifié la Reyne dans le dessein de le rappeller sous prétexte de maintenir l'authorité du Roy, et en luy alléguant pour cela l'exemple de la faute qu'auoit faite le feu Roy de la Grande Bretagne en abandonnant le Comte de Statford à la fureur du Parlement d'Angleterre; quoy que cet exemple soit très différent de celuy dont il s'agit, parce que le Vice Roy d'Irlande auoit toutes les bonnes qualitez qui manquent au Cardinal, qu'il estoit si innocent que ses ennemis qui estoient ses juges, furent réduits pour trouuer quelque couleur à le condamner, de faire par vne iniustice et vne illusion abominable à la iustice vne loy toute nouuelle qu'ils révoquèrent aussy tost après qu'il fut iugé, et qu'au lieu qu'ils vouloient à quelque prix que ce fust auoir sa teste, chacun demeuroit d'accord que le Roy pouuoit permettre au Cardinal non seulement de demeurer en lieu de seureté, mais de iouir de tous ses bénéfices et de tout son bien.

Monsieur le Duc d'Orléans qui iusques alors n'auoit pas voulu s'engager dans les intérests de Monsieur le Prince, fut si extresmement touché d'apprendre que le Cardinal se mettoit en estat de reuenir, qu'il se résolut, bien qu'auec vne extresme répugnance (car il faut rendre ce tesmoignage à la vérité) de signer l'vnion auec Monsieur le Prince'. Mais il laissa passer le Cardinal au lieu de l'en empescher, comme il auroit pu le faire s'il fust monté à cheual auec ce qu'il auroit fort facilement rassemblé dans vne telle rencontre, et ce qu'il auoit desià des troupes entretenues sous son nom, quoy qu'en effect elles soyent au Roy, lesquelles il ioignit depuis sous le commandement de Valon à celles de Monsieur le Prince,

Articles et conditions dont S. 4. R. et M. le Prince sont conuenus pour Pexpulsion du Cardinal Mazarin, etc. [424].

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