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commandées par Tauannes, et à celles des Espagnols, commandées par Clinchan, dont les Ducs de Beaufort et de Nemours furent généraux.

Le Parlement de Paris sçachant le Cardinal à la Cour, surseoit pour vn mois l'effect de la Déclaration qu'il auoit vérifiée contre Monsieur le Prince; ce qui est vne entreprise sur l'authorité du Roy dont on ne pourroit assez s'estonner si elle n'estoit encore moins considérable que la hardiesse qu'il eut de luy donner place sur les Fleurs de Lys, quoy que déclaré criminel de lèze Maiesté, quoy que portant l'escharpe rouge et quoy que faisant trophée de l'enlèuement d'vn quartier des Troupes du Roy qu'il vouloit faire passer pour vne bataille généralle remportée sur son armée 1. Le seul Président de Bailleul eut le courage de luy dire qu'il s'estonnoit qu'il osast ainsi prendre sa place. Mais s'il se mit en deuoir de soustenir par cette action l'honneur de la Compagnie qu'il présidoit, l'insolence que nombre de factieux eut de luy faire vne huée que de petits escoliers auroient eu honte de faire dans vne classe, fit voir combien cette mesme Compagnie dégénère maintenant de la gloire de ses prédécesseurs, dont il ne faut pas s'estonner puisque cette malheureuse Paulette qui expose au plus offrant et dernier enchérisseur le pouuoir de iuger souuerainement de nos biens, de nostre honneur et de nos vies, fait entrer dans ces charges qui deuroient estre la récompense du sçauoir et de la vertu, ou des personnes la

'Le combat de Bléneau. Lettre du Roy enuoyée à M. le mareschal de Lhopital... sur ce qui s'est passé entre l'armée du Roy et celle des Princes, etc. [2187]. Voir d'ailleurs la Liste chronologique des Mazarinades à la date du 7 avril 1652.

plupart de très-petite naissance et de nul mérite, ou de ieunes gens qui surpassent les Courtisans en beaux habits, en belles liurées et en toutes sortes de dissolutions, qui font gloire de paroistre auec plus de galons et de poincts de Gennes, et plus poudrez et plus frisez que des femmes, au cours, au bal, à la comédie, dans les palais des Altesses et dans ces Académies où les cartes et les dez sont les liures qu'ils estudient pour apprendre à bien rendre la iustice, et les impiétez et les blasphesmes, les dicts et les paroles notables de ces Sages, non pas de l'ancienne Grèce, mais de la nouuelle France.

T'espère que ceux qui liront cecy, pardonneront bien cette petite digression à la douleur qui me presse, de voir ainsy, à la honte de nostre siècle, toutes les loix renuersées par ceux qui deuroient les maintenir, de voir que de ieunes escoliers si ignorans que nul particulier ne les voudroit prendre pour arbitres d'vne affaire de vingt escus, deuiennent au sortir du collège, auec vne peau de parchemin qui leur en couste quarante mille, les arbitres de la fortune de tout le monde, et que leur présomption va iusques à se croire plus capables de déci der les affaires les plus importantes de l'Estat que n'auroient fait les Silleris, les Villeroys, les Ieannins après auoir passé toute leur vie à s'instruire de la véritable politique dans les négociations, les ambassades et les plus importans emplois que les plus grandes affaires des plus grands Empires puissent fournir aux plus grands Ministres.

Mais pour reprendre la suitte de mon discours, comme lorsque le Cardinal estoit hors de France, Monsieur le Prince auoit tousiours négocié auec luy, aussy n'a-t'il

point discontinué depuis son retour': ce que nul de ceux qui sont tant soit peu informez de ce qui se passe, ne peut ignorer. Mais parce qu'autant que Monsieur le Prince est attaché à ses intérests, autant Monsieur le Duc d'Orléans proteste de n'en auoir point, et qu'ainsi S. A. R. ne désire pas moins que le Cardinal se retire, que Monsieur le Prince l'appréhende, à cause qu'il perdroit par là le prétexte qu'il luy importe si fort de conseruer pour en profiter dans toutes les rencontres qui s'offriront à son ambition démesurée, il n'a pas esté au pouuoir de Monsieur le Prince d'exécuter son traicté, quelque passion qu'il en eust. Mais lorsque le Duc de Lorraine est venu à la prière de Monsieur le Duc d'Orléans pour sauuer ce qu'ils auoient de Troupes dans Estampes dont la perte estoit sans cela inéuitable, il s'est bien gardé de luy rendre Clermont et Stenay parce qu'il l'auroit obligé par là de s'attacher aux intérests de Monsieur le Duc d'Orléans et aux siens; ce qui auroit contrainct le Cardinal de s'en aller et luy auroit fait perdre non seulement ces deux Places, mais les aduantages incomparablement plus considérables qu'il veut retirer en consentant que le Cardinal demeure, ou que s'il s'esloigne, ce ne soit que pour peu de temps et seulement pour la forme. Ainsi le Duc de Lorraine voyant qu'il auoit rendu à Monsieur le Duc d'Orléans par la leuée du siège d'Estampes dont il a esté en effet la seule cause, l'assistance qu'il auoit désirée de luy, et qu'il falloit ou donner ba

Il envoya notamment le 28 avril 1652 à Saint-Germain le duc de Rohan, le comte de Chavigny et Goulas, secrétaire des commandements du duc d'Orléans. Voir sous cette date la Liste chronologique des Mazarinades.

taille au Mareschal de Turenne qui estoit tout prest de l'attaquer', ou exécuter le Traitté qu'il auoit fait auec le Roy, de ne se mesler plus des affaires des Princes et de sortir de France dans quinze iours, lorsque le siège d'Estampes seroit leué, il prit le party qu'il auroit fallu auoir perdu l'esprit pour ne pas prendre, qui estoit de ne point hazarder vn combat parce que s'il luy eust esté désaduantageux, comme il y auoit grande apparence, il eust perdu en perdant son armée la seulle chose qui le rend considérable, n'ayant plus ny estat ny places, et que s'il l'eust gagné, ce n'auroit pu estre qu'auec vne si grande perte que ce qui luy seroit resté de Troupes dans vn païs estranger (pour ne pas dire ennemy, puisque la folie de Paris a esté telle que de le receuoir auec des acclamations publiques lorsque son armée désoloit ses campagnes auec des cruautez inimaginables) le rendroit si peu considéré de ceux mesmes pour lesquels il auroit hazardé toute sa fortune, qu'ils luy auroient donné la loy, après les auoir tirez de l'estat où ils estoient, de ne pouuoir esuiter de la receuoir du Roy, leur maistre.

La retraite du Duc de Lorraine, l'arriuée du Mareschal de la Ferté auprès du Roy auec quatre mil hommes et la foiblesse des Troupes des Princes augmentant le désir et l'impatience de Monsieur le Prince de voir son Traitté auec le Cardinal exécuté, il accorde de tout son cœur qu'il demeure. Mais Monsieur le Duc d'Orléans insiste à vouloir qu'il s'en aille, et ne veut point s'engager à consentir qu'il reuienne dans quelque temps. Le Cardinal, au contraire, croyant que l'estat des choses luy

1 Relation générale contenant au vrai ce qui s'est passé entre les deux armées à Villeneuue-Saint-Georges, etc. [3171]. On peut voir d'ailleurs la Liste chronologique des Mazarinades à la date du 16 juin 1652,

est fauorable, s'opiniastre à ne point s'esloigner du tout; la Reyne fortifie le Roy dans ce sentiment; Leurs Maiestez viennent de Melun à Sainct-Denys auec toute l'armée; et on fait vn pont de bateaux sur la Seine: ce qui donna l'alarme aux Troupes des Princes qui estoient à Sainct-Clou et à Poissy '.

Cette approche du Roy faisant appréhender à Monsieur le Prince que les seruiteurs de Sa Maiesté dans le Parlement ne reprissent cœur, il ne fut pas fasché que pour les intimider, on les maltraitast, comme on fit au sortir de la Grand'Chambre ; et Monsieur de Beaufort, ce grand Héros, autrefois l'Idole de Paris, iouant plus tost le personnage d'vn Brasseur de bière et d'vn Arteuelle que non pas celuy d'vn Prince, commanda aux coquins. qui auoient fait toute cette émeute, de se trouuer, l'après disnée, à la place Royalle, où s'estant rendus au nombre de trois ou quatre mille, il les alla haranguer auec son éloquence ordinaire, qui luy réussit si bien qu'ils ne manquèrent pas le lendemain au sortir de l'assemblée du Parlement de faire de si belles descharges sur des Présidens au Mortier et des Conseillers qu'ils en rendirent quelques-vns vaillans malgré eux pour se sauuer, et apprirent aux autres qu'on peut courir autant de fortune au milieu des rues de Paris que dans vne grande bataille.

1 Relation contenant tout ce qui s'est passé au combat donné entre l'armée de Messieurs les Princes et celle du Mareschal de Turenne, etc. [3102].

2 C'est l'émeute du 25 juin 1652 qu'on a appelée la Guerre des Menardeaux. Véritable relation de ce qui s'est fait et passé au Parlement... le mardi 25 iuin, etc. [3945]; la Guerre des Menardeaux, etc. [1524]; et d'autres

encore.

3

Supplication ou Requeste présentée... par les bourgeois qui s'estoient assemblez... à la Place Royale, etc. [3733].

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