ページの画像
PDF
ePub

de personnes de toutes conditions et sans en sçauoir la raison; et lorsque l'on a voulu en faire paroistre les motifs à la Iustice pour les Ducs de Beaufort et de La Mothe, les Parlemens les ont trouuez si foibles que les Ministres n'en ont receu que de la honte et de la confusion; ce qui n'a pas néantmoins empesché que ces Innocens n'ayent pasty.

1

Les clameurs et les plaintes d'vn si grand nombre d'affligez esmeurent et obligèrent, l'année dernière, le Parlement à faire des Remontrances au Roy, à ce que pour la seureté des personnes, aucun de quelque qualité et condition qu'il peust estre, ne seroit traisté à l'auenir criminellement que selon les formes prescrites par les loix du Royaume; ce qui fut accordé par sa Maiesté au quinzième article de sa Déclaration du 22 octobre 1648. Mais vne si sainte Ordonnance n'a pas diuerty les Ministres de continuer leurs désordres. Ils ont tenu vn an prisonnier le Mareschal de Rantzau 1 sans que le Parlement ny lès Iuges ordinaires ayent eu connoissance des causes de son emprisonnement, n'y ayant pas eu de plainte sur la contrauention de cette ordonnance en la personne d'vn Officier de la Couronne. Ils ont cru pouuoir entreprendre la mesme chose contre deux Princes du Sang et vn autre Prince des plus considérables qui soient en France, ayant fait arrester prisonnier au Bois de Vincennes Messieurs les Princes de Condé et de Conty, auec M. le Duc de Longueuille leur beau-frère; et d'autant que cette action est sans exemple dans la Minorité des Roys, ils ont voulu la colorer par vne let

'Le maréchal de Rantzau fut arrêté en 1649 à Saint-Germain pendant le siége de Paris, peut-être à cause de la Lettre de M. le maréchal de Rantzau......... à Monseigneur le Duc d'Orléans [2024].

1

tre que l'on a publiée au nom de sa Maiesté, dans laquelle ils ont establi beaucoup de foibles prétextes pour maintenir vne entreprise si extraordinaire, qui oste au Roy le plus fort soustien qu'il ait dans sa minorité, et désarme le plus triomphant ennemy qu'ait l'Espagne. Et comme véritablement il falloit que les motifs de cette détention fussent bien puissans pour faire approuuer la iustice d'vne telle action, aussi peut on dire sans blesser le respect deu aux Ministres que le sieur de Guénégaud auroit mieux fait pour leur gloire de taire la légèreté de ceux qui sont escrits, que de les publier, si on ne luy auoit pas donné charge de faire paroistre innocens ceux que l'on rendoit malheureux sans estre coupables.

Les premiers vsurpateurs et conquérans de Monarchies, comme ont esté les Césars dans l'Empire Romain, les Frédéric et Gustaue dans les Royaumes de Danemark et de Suède, captiuoient la bienueillance des peuples, s'intéressoient dans leurs misères, flattoient leurs mouuemens, prenoient leur party et protection dans les rencontres où ils cherchoient à se déliurer de leurs oppressions. Au contraire il semble que ce Prince se soit estudié à s'attirer l'auersion des peuples pour oster tout ombrage à son Roy. Il sçauoit bien qu'il falloit peu de choses auec sa réputation et sa gloire pour donner ialousie à son maistre. La protection qu'il donna l'an passé au Cardinal Mazarin durant les troubles de Paris contre tous les vœux de la France, en est vne preuue éuidente et funeste. On peut dire qu'il n'est maintenant prison

1 Du 19 janvier 1650.

nier que pour auoir empesché Mazarin de l'estre, et qu'il a perdu la liberté pour l'auoir conseruée à celuy cy, qui l'a payé de sa monnoye ordinaire enuers tous ses bienfaiteurs qu'il fait gloire de destruire. C'est luy qui a vuidé la question si longtemps débattue entre les Philosophes, qui est le plus grand bénéfice, celuy de la création ou conseruation; car il les a logez et réduits à mesme point: sçauoir au Bois de Vincennes, Chauigny et ce Prince.

Paris tendoit les bras à ce Prince et tout le Royaume lui ouuroit le cœur, s'il eust voulu conspirer à la ruyne de Mazarin, en laquelle néantmoins le temps luy a fait veoir et à nous qu'il auoit plus d'intérest qu'aucun autre. Il auroit donc profité d'vne si belle occasion et se seroit fait aimer dans sa liberté, s'il eust eu dessein de monter à la Souueraineté, puisqu'il n'y a pas de voyes plus courtes et de marches plus faciles aux Couronnes et aux Sceptres que la bienueillance des peuples, et auroit esté plaint et regretté dans sa disgrâce.

Chacun sçait la consternation que toute la France eut en la mort de Messieurs de Guyse à Blois, accusez d'aspirer à la Souueraineté. L'amour et la créance qu'ils auoient des peuples, donna au Roy de iustes défiances de leurs desseins. Le deuil général du Royaume pour cette perte qui causa vn embrasement vniuersel parmy les peuples, pouuoit confirmer le Roy dans ses ombrages. Mais où sont les acclamations du monde pour la personne de ce Prince dans les derniers temps et depuis qu'il a maintenu le Cardinal? Qui a veu tomber des

'Léon le Bouthilier, comte de Chavigny, ministre secrétaire d'État.

larmes ou ietter des soupirs et des regrets aux peuples en sa disgrâce et détention? Ce seroient là des marques bien plus vraysemblables de ses proiets et de son ambition que tous les foibles moyens qu'on employe pour attaquer vne fidélité incomparable. Il est donc vray de dire par toutes les maximes politiques que la conduite qu'a eue M. le Prince iusques icy, le iustifie assez nettement de la prétention dont on l'accuse de Souueraineté.

Car pour auoir désiré des places dans les gouuerne. mens, premièrement il n'y en a pas vne qui ne vienne de feu Monsieur son Père. De plus cela est dans l'ordre accoustumé et sans enuie. Il n'y a point de Gouuerneur qui ne possède et ne désire des places dans la Prouince qu'il commande, pour y maintenir l'authorité du Roy et la sienne. M. le Duc d'Orléans a dans le Languedoc, Montpellier, le Pont Sainct Esprit et Brescou. M. le Duc de Bellegarde, Gouuerneur de la Bourgogne auant feu M. le Prince, auoit le Chasteau de Dijon, Verdun, Sainct Iean de Laune et Bellegarde, que l'on enuie tant auiourd'huy à M. le Prince. Le Connétable1 auoit dans la Picardie, Amiens, Calais, et Boulogne; M. de Lesdiguières, dans le Dauphiné, le Chasteau de Grenoble et le Fort de Barrau. Le Duc de Montbazon a dans celuy de l'Isle de France Chauny, Soissons et Noyon; M. de La Meilleraye en Bretagne, Blauet, Nantes et Guerrande. Et l'on n'a iamais pour cela accusé aucun de ces Messieurs d'aspirer à la Souueraineté. Pourquoy donc sur de pareils fondemens bastir contre celuy cy seul de si différentes consé

De Luynes.

1

quences? Après, l'estat auquel se sont trouuées en sa détention toutes ses places, tant en Bourgogne, Champagne que Normandie, dépourueues de munitions, de soldats et d'argent, fait bien remarquer l'iniustice de ce soupçon et l'innocence des desseins du Prince plus tost que son ambition.

C'est bien parler légèrement et inutilement de dire qu'il est le plus riche suiet qui soit au monde. Tous les biens qu'il possède, ne sont ils pas encore au dessous de sa naissance et hors d'enuie? Qui auroit droit légitime aux richesses et aduantages d'vne maison et Royaume que ceux du Sang et de la famille ? Mais au contraire où on trouue à redire, c'est que le Cardinal estant le plus pauure suiet du Roy d'Espagne par sa naissance, est deuenu auiourdhuy le plus riche Banquier et Marchand de France; c'est que tout luy estant interdit à cause de son extraction par les loix du Royaume, il tient néantmoins et vsurpe tout par sa faueur et violence.

De plus il n'y a pas de nation où il n'y ait de plus riches suiets que M. le Prince, comme en Espagne le Marquis de Cosmar; en Allemagne le moindre petit Prince suiet de l'Empire; en Irlande le Comte d'Ormont; en Pologne le Prince de Pazeuille; en Italie les Connestables de Colonne; en France M. de Guyse, sans parler de la maison de Vendosme.

Et quant aux Bénéfices, il y en auoit deux fois plus entre les mains de M. de Guyse d'auiourd'huy qu'en celles de Monsieur son frère. Mais sans chercher d'autres exemples que le Cardinal Mazarin, celuy-cy ne possède-t-il pas à la honte de la France plus d'Abbayes

« 前へ次へ »