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Voilà sincèrement et en peu de mots l'estat des affaires iusques à la fin de Iuin 1652, que i'escris cecy1, et les principales causes de nos malheurs. La dissipation et les maluersations des Finances, la mauuaise conduite et la foiblesse du Cardinal Mazarin, les cabales et les intrigues du Cardinal de Retz, les entreprises et les attentats du Parlement ont fourny de suiet et de moyen pour commencer à esbranler l'authorité Royalle qui est la haze et le fondement de l'Estat; l'ambition effrénée de Monsieur le Prince a ioint vne guerre ciuile à vne guerre estrangère; la trop grande facilité, pour ne pas dire le manque de vigueur de Monsieur le Duc d'Orléans, a perdu les occasions d'esteindre ce feu dans sa naissance, soit en empeschant M. le Prince de prendre les armes ou en se déclarant son ennemy s'il les prenoit, soit en s'opposant au retour du Cardinal Mazarin ou par la force au passage des riuières, ou par la fermeté de ses Conseils en se rendant à Poictiers auprès du Roy; la flatterie de quelques Courtisans intéressez a fortifié et fortifie encore auiourd'huy par vn crime détestable et contre leur propre conscience l'esprit de la Reyne à conseruer ce Ministre fatal à la France malgré les vœux de toute la France; et enfin la Reyne, par vne fausse persuasion de maintenir l'authorité du Roy son fils, met en proye le Royaume du Roy son fils et ces conquestes qui nous ont cousté tant de sang et de millions, en abandonnant les vnes à l'inuasion des ennemis et en abandonnant l'autre à la fureur des armes estrangères et à la rage des nostres propres.

Cette pièce est donc antérieure au combat du faubourg Saint-Antoine. Je l'ai rejetée trop loin dans la Liste chronologique des Mazarinades.

C'est icy où i'auoue que les paroles me manquent; et Dieu me garde de les égaler à mon suiet. Il faudroit estre vn Démon pour pouuoir auec vn charbon tiré de l'Enfer faire vn crayon qui fust capable de représenter toutes les horreurs, toutes les inhumanitez, tous les meurtres, tous les violemens, toutes les impiétez et tous les sacrilèges que commettent toutes ces armées qui ne sont plus composées d'hommes mais de Démons. Et quand ie ne serois pas Chrestien, et par conséquent très persuadé des chastimens espouuantables de l'autre vie, il me suffiroit de croire vn Dieu pour ne pouuoir douter que rien ne l'empesche d'exterminer tous ces tygres impitoyables et ces scélérats d'vne manière terrible que parce que des crimes si monstrueux ne sçauroient estre punis que par des supplices éternels.

Que tous ceux qui ont contribué à cette guerre, qui la fomentent, qui la soustiennent et qui, pouuant empescher les désordres abominables qu'elle cause, ne le font pas, iugent donc, s'ils croyent vn Dieu, quels chastimens ils doiuent attendre de sa iustice.

Que le Cardinal Mazarin qui est le suiet de cette sanglante tragédie et pour lequel ie proteste sur mon salut n'auoir ny aversion ny haine particulière, non plus que contre aucun de tous ceux dont ie parle dans ce discours, ne croye pas mal employer vne heure de temps pour faire vne réflexion sérieuse du compte qu'il luy faudra rendre vn iour deuant le tribunal redoutable de IésusChrist (ce qui sera peut estre plus tost qu'il ne pense), et ce qu'il pourra respondre lorsque ce nombre innombrable de pauures, de vefues, d'orphelins, de femmes, de filles et de Vierges consacrées à Dieu, auec vne voix mille et mille fois plus forte que celle du sang d'Abel,

l'accuseront d'estre la principale cause de leur ruine totalle, de la mort cruelle de leurs maris, de la fin tragyque de leurs pères et de la perte irréparable de leur honneur; lorsque tant de Prestres l'accuseront d'auoir esté cause qu'ils ont esté arrachez du pied des Autels, chassez de leurs Églises, pillez, massacrez ou rendus errans et vagabons et réduits auec tout ce pauure peuple que Dieu auoit sousmis à leur conduitte, à mener vne vie si déplorable qu'ils s'estimeroient heureux de la finir en se donnant la mort si les loix du Christianisme le uoient permettre; et enfin lorsque le sang mesme de Iesus Christ l'accusera qu'il a esté cause qu'on l'a traitté d'vne manière dont l'horreur, faisant glacer le mien dans mes veines, ne me permet pas de représenter les sacrilèges plus que diaboliques.

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Mais quand le Cardinal ne seroit pas Chrestien comme il est, quand il ne seroit point touché de l'appréhension du iugement de Dieu, peut-il bien vouloir passer pour coupable aux yeux de toute l'Europe et de tous les siècles à venir de la plus haute ingratitude qui fust iamais, en refusant de se retirer avec seureté et avec la iouissance de tout son bien pour faire cesser les maux de la France, à laquelle il doit toute sa grandeur et sa fortune? Peut il estre si insensible aux intérests de nostre ieune Monarque pour lesquels il est obligé par tant de bienfaits d'auoir encore plus de passion que s'il estoit son suiet, que de ne vouloir pas non seulement par sa retraite, mais aux dépens de sa propre vie s'il en estoit besoin, procurer le repos et le calme à son Estat? Et enfin peut il estre si méconnoissant des extresmes obligations qu'il a à la Reyne, que de vouloir, en s'opiniastrant à demeurer, faire que le Roy luy reproche vn iour, comme il le luy reproche

roit sans doute, que par le plus méchant conseil qui fust iamais, elle l'auroit porté à préférer aux vœux de tout son Royaume et au salut de son Estat la conseruation d'vn Ministre que la haine généralle conceue contre luy rend désormais incapable de le bien seruir, quand il seroit le plus grand Ministre du monde? Car ne seroit ce pas préférer la conseruation du Cardinal au salut de l'Estat que d'accorder à Monsieur le Prince pour le maintenir en effect, quoy qu'on l'esloignast pour peu de temps en apparence, les conditions dont on sçait qu'ils sont demeurez d'accord ensemble, et qu'il importe extresmement d'examiner, afin que les Peuples et particulièrement Paris ouurent les yeux pour connoistre iusques à quel poinct les Grands se iouent d'eux, et de quelle sorte ils sacrifient à leurs intérests et à leur ambition leur repos, leurs biens et leurs vies.

Au lieu de se contenter de remettre à Monsieur le Prince par vne amnistie les plus grands crimes que puisse commettre vn suiet contre son Roy et vn Prince contre le Monarque du sang duquel il est descendu,

On luy donne des millions par cet infasme Traitté, parce qu'il en a receu du Roy d'Espagne, et qu'il a pris tout ce qu'il a pu rauir de l'argent du Roy.

On luy donne le Gouuernement de Prouence pour Monsieur le Prince de Conty, son frère, parce que Monsieur le Prince de Conty a commencé de se faire connoistre et continue de se signaler par la rébellion et par la réuolte.

On luy donne le Gouuernement d'Auuergne pour le Duc de Nemours, parce que le duc de Nemours n'a point honte de deuoir à Monsieur le Prince pour auoir manqué à son deuoir, ce qu'il deuoit attendre du Roy s'il se fust acquitté de son deuoir.

On luy donne le Baston de Mareschal de France et la Lieutenance généralle de Guyenne pour Marchin, cet infasme déserteur, ce traistre, qui ayant esté honoré par le Roy de la charge de Vice Roy de Catalogne, si esleuée au dessus de la bassesse de sa naissance, a en effect liuré la Catalogne au Roy d'Espagne, non seulement en l'abandonnant dans le temps où elle auoit le plus besoin d'assistance, mais en débauchant tout ce qu'il a pu des Troupes de Sa Maiesté qu'il commandoit, pour les amener à Monsieur le Prince'; ce qui seroit vn exemple plus préiudiciable à l'Estat que la perte de toute vne prouince.

On luy donne vn autre Baston de Mareschal de France ou la dignité de Duc et Pair à son choix pour Doignon, ce petit cadet de Sainct Germain Beaupré, parce que tenant de la trop grande bonté du Roy Brouage et d'autres gouuernemens dont vn Prince qui se seroit signalé par des seruices tout extraordinaires, se seroit estimé trop bien récompensé, il a par vne perfidie détestable et que nul supplice ne peut expier, employé en faueur de Monsieur le Prince les places et les vaisseaux du Roy contre le Roy mesme et parce qu'il traitte avec Cromwell, ce qui est le crime des crimes.

On luy donne des Lettres de Duc et Pair de France à Montespan, parce qu'il ne se peut rien adiouster à son infidélité enuers son maistre.

On luy donne asseurance de Cent mil escus pour le Duc de la Rochefoucault, parce que pour le seruir, il n'a perdu aucune occasion de desseruir son souuerain.

Arrêt de la Cour du parlement de Toulouse... contre la défection de Marsin et ses troupes, etc. [357].

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