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qu'il faisoit à la dernière, ne luy ont-elles pas causé vne maladie mortelle ? Tout le monde sçait qu'il n'osoit la voir pendant le iour et que, quand il y alloit la nuit, il falloit auoir deux carrosses pleins d'hommes, lesquels, auec des mousquetons, estoient aux aduenues des rues d'Orléans et des vieilles Estuues. Les bourgeois du quartier de la Croix du Tiroir et des enuirons de l'Hostel de Soissons et les Prud'hommes' tesmoigneront partout cette vérité qui ternit nostre réputation et expose nostre honneur à vne médisance horrible. Mais que pouuons nous faire en ce rencontre? Notre conscience n'est point complice de tous ces crimes. Nous ne sommes point attachez à vn cœur criminel. Nostre deuoir n'est point à l'accompagner dans la conuersation des Dames. C'est à l'Église où nous présidons; et là nous sommes esleuez au dessus de sa teste, auec respect et soumission de la part de ceux qui nous considèrent.

Il ne faut donc point nous estonner si nous auons perdu l'affection des Parisiens. Nous auons murmuré de leur inconstance, mais à tort. Nous ne sçauions pas encore toutes les intrigues que nostre Maistre faisoit iouer contre eux. Son dessein n'estoit pas tant de les protéger comme de les abattre. Il a voulu se seruir de leurs testes pour s'esleuer à la dignité de Cardinal, à laquelle il est paruenu par trahisons et par fourberies, en renonçant à la Iustice de la Fronde et aux sentimens des gens d'honneur. Combien luy auons nous veu commettre de laschetez pour conduire son entreprise à exécution? En quels lieux n'auons nous point esté portez pour abuser les esprits foibles et pour conuaincre les obstinez deuant et

'Baigneurs fameux.

après sa promotion au Cardinalat? Que n'a-t-on point promis à Messieurs Ribier et le Feure de Caumartin pour l'engager à leur prester de l'argent? Tous ces deux Corinthiens ne sont ils pas intéressez dans sa fortune? La Signora Olimpia le sçait fort bien; et l'Abbé Charrié1 en diroit exactement toutes les circonstances.

Mais pourquoy nous arrester si longtemps à examiner le malheur de nostre Maistre et ses iniustices, puisqu'elles sont connues d'vn chacun. Il est vray que pour nous plaindre de la violence que l'on exerce en nostre endroict, il faut donner des preuues des tyrannies qu'il a commises enuers les autres, et tesmoigner par l'infortune de ceux cy que nostre douleur n'est pas particulière. Quelqu'vn nous dira peut estre que nous auons mauuaise grâce de faire esclater nos plaintes à la face de tout vn peuple qui ne sçaura pas discerner la iustice des l'iniustice des autres; que pour nostre réputation il falloit plustost souffrir nostre iniure que la repousser auec calomnie. Il est vray que ce procédé eust esté raisonnable s'il ne se fust point attaqué à nostre honneur. Nous auons esté obligez de deffendre nostre innocence; car en ce rencontre le silence nous faisoit criminels et nous rendoit incapables d'estre iamais portez par aucune teste ecclésiastique.

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Nous voyons auec quel mespris les autres Mitres et Chapeaux rouges nous considèrent. On nous accuse de lascheté; et on nous impose des crimes que nous ne connoissons point. Nous ne voyons plus la teste que nous deurions voir dans l'Église. Elle n'a plus de pieds pour venir à l'Autel. Nous sommes dans vne oysiveté de péché

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Agent du coadjuteur à Rome ponr l'affaire du Chapeau.

mortel; et néantmoins on nous couure d'vn crespe à la Rhodienne. Il semble qu'il vienne des mains du Turc à dessein de nous empescher l'approche du Temple de Dieu, à l'honneur duquel nous deurions sacrifier tous les iours. Ce seroit le seul moyen de rentrer dans nostre innocence, de nous faire chérir des peuples et de faire voir aux grands diuisez que nous ne nous intéressons plus que pour leur vnion et leur concorde.

Mais nous entendons desià autour de nous vn bruit qui nous auertit que cela ne sera iamais qu'auparauant nostre Maistre n'aye fait pénitence de ses crimes; qu'il nous faut prendre vne bonne résolution, et qu'il y va de nostre conscience à nous libérer de ses mains. On nous reproche desià nostre foiblesse. On croit que nous sommes gagnez pour nous désister de nostre requeste. C'est pourquoy il faut poursuiure généreusement. Nos plaintes sont iustes et raisonnables. Iamais Prélats et Coadiuteurs n'ont fait porter le deuil à leur Crosse et à leur Mitre pour la mort d'vne femme comme celle cy, qui n'est son alliée que par intrigue et qu'il appelloit sa sœur par raison de Politique et non de Chrestien. Mettons donc promptement la main à la plume pour dresser nostre Requeste. Nous la donnerons à M. de Machault pour la rapporter au Parlement, lorsque les Chambres seront assemblées. C'est vn iuge aussi généreux que désintéressé, qui nous rendra bonne iustice. Escriuons présen

tement:

TRÈS HUMBLE RÈQUESTE

de la Crosse et de la Mitre du Coadiuteur de Paris présentée à Nosseigneurs du Parlement

assemblez le 12 aoust 1652.

SUPPLIENT humblement la Crosse et la Mitre du Coad

iuteur de Paris, Disant qu'au préiudice de leur honneur, réputation, Droits et Prérogatiues, Iean François Paul de Gondy, Archeuesque de Corinthe, Coadiuteur à l'Archeuesché de Paris, et Cardinal de la saincte Église Catholique, Apostolique et Romaine, les auroit forcez à prendre le deuil de la mort de Louise de Lorraine, fille bastarde du Cardinal de Lorraine et de la Mareschale de l'Hospital, autrefois appellée Madame des Essarts, veufue du Marquys de Rhodes, cy deuant grand Maistre des Cérémonies de France; et que non content d'auoir exercé en leur endroit vne violence de cette qualité contre toutes voyes deues et raisonnables, il les laisse encore dans vne oisiueté criminelle, sans assister à l'Office Diuin, sans approcher de l'Autel et sans faire les fonctions de Prélat; que les autres Crosses et Mitres prétendent les faire dégrader des Titres d'Illustrissimes et de Réuérendissimes, ce qui leur seroit vn affront très sensible et qui pourroit apporter vne confusion dans l'Église, laquelle ne s'esteindroit pas si facilement; CE CONSIdéré, NOSSEIGNEURS, il vous plaise y apporter vn remède prompt et asseuré, ordonner que nos habits de deuil, voiles et crespes noirs seront donnez à d'autres; que nostre Maistre, le Coadiuteur de Paris, sera obligé de dire vne Messe basse tous les iours; que les premiers Dimanches du mois, les bonnes festes de l'année et les iours des Saincts Apostres, il la chantera auec les ornemens pontificaux, et que deffenses seront faites aux autres Crosses et Mitres de nous disputer l'honneur et le rang qui nous appartient et de nous attaquer en quelque façon que ce puisse estre; et vous ferez bien.

Cette requeste n'a pas esté plustost mise entre les mains de Monsieur de Machault, qui expédie les affaires

auec autant de iustice que de promptitude, qu'il a pris occasion de la rapporter, ce matin, au Parlement, les Chambres assemblées. Après la lecture d'icelle faite, on a mandé le sieur de Bechefer, Substitut du Procureur Général du Roy, lequel a consenty pour sa Maiesté que le contenu en ladite Requeste fust accordé à la Crosse et à la Mitre du Coadiuteur de Paris; et qu'à l'égard d'iceluy Coadiuteur, il luy seroit fait deffense d'oresenauant d'attenter aux Priuiléges et exemptions des ornemens Pontificaux et Sacerdotaux, et que pour réparation de la violence et Tyrannie à eux faites contre les Loix de l'Église, il sera tenu de garder le silence pendant le séiour du Cardinal Mazarin en France et de prier Dieu pour la Paix Générale, pour la tranquillité du Royaume, pour l'esloignement de la Reyne et pour la mort du Tyran qu'elle protége, qui est Iules Mazarin.

Le Substitut du Procureur Général retiré, il y a eu plusieurs aduis différens. Les vns tendoient à enuoyer le Cardinal de Retz dans la Conciergerie du Palais pour l'empescher d'auoir intelligence auec le Mazarin et de mettre sa Crosse et sa Mitre sur la teste de Monsieur Deslandes Payen. Les autres vouloient qu'il fust informé plus amplement de sa violence, et cependant sursis. Quelques vns estoient d'aduis de remettre l'affaire à Mercredy et d'attendre la présence de Son Altesse Royale; mais Monsieur le Prince a opiné à donner l'Arrest qui ensuit :

Arrest de la Cour donné contre la Crosse et la Mitre

du Coadiuteur de Paris.

CE iour, la Cour, toutes les Chambres assemblées, Monsieur le Prince de Condé y estant, ayant délibéré sur

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