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giles, de rendre iustice, d'empescher les exactions et de traicter leurs subiets auec équité et miséricorde : Ce sont les propres termes de la formule de leurs sermens. Nous n'auons pourtant pas faute d'Escriuains, qui par le titre de leurs offices, et pour se monstrer excessiuement fiscaux, portent cette authorité absolue au delà de toutes bornes, iusque à soustenir que les Rois peuuent dispenser de la simonie.

Mais ce qu'ils en ont dit, soit en plaidant ou en escriuant, ç'a esté par vn zèle de party; les vns pour refuter les premiers Huguenots qui vouloient mettre l'Estat en République; les autres pour s'opposer aux attentats et pernicieuses maximes de la Ligue. Et au lieu de se tenir dans des opinions modérées, ils se sont iettez aux extrémitez, en attribuant aux Princes plus de pouuoir qu'il ne leur est expédient d'en auoir pour leur propre seureté. Bodin en sa République, leg. 2, chapitre 3, pense beaucoup dire et croit que c'est vne grande bonté aux Rois de se sousmettre aux loix de la nature; quant aux loix ciuiles, il estime qu'ils sont releuez par-dessus d'vne grande hauteur! C'est dans ce chapitre où il est si téméraire de qualifier d'impertinence le discours d'Aristote sur la diuision qu'il fait des différentes Royautez, au 14o chap. du 3 1. de ses Politiques. Mais dans cette partie, c'est vn indiscret zelé et qui n'est pas demeuré sans réplique. Cuias (qui viuoit du mesme temps), auec beaucoup moins d'affectation, et beaucoup plus grande cognoissance, a escrit vne décision capitale sur cette matière, en ces termes : Hodie Principes non sunt soluti legibus, quod est certissimum, quoniam iurunt in leges Patrias; c'est sur la loy 5. ff. de Iust. et Iure. Le Pythagore des Gaules,

le Seigneur de Pibrac, qui auoit esté aduocat général du Parlement, autant passionné pour l'honneur du Roy comme équitable aux intérests du peuple, ne feint point de dire qu'il hait ces mots de puissance absolue. Au reste, toutes ces flatteries d'adorateurs qui font des Panégériques aux Empereurs, toutes ces paroles de braueries que les poëtes mettent en la bouche de leurs rois de théatre, ne sont pas des authoritez considérables pour establir cette puissance excessiue; au contraire, ce qui est prononcé par vn Atreus, vn Thyestes ou vn Tibère, doit estre abhorré par vn bon Prince. Il faut plustost prendre langue et instruction de philosophes, qui auancent leurs maximes en cognoissance de cause et sur des fondemens de raison et d'équité. Or, on n'en trouuera aucun qui approuue cette puissance sans limites I'vn veut qu'il y ait vn Conseil composé de gens expérimentez; l'autre veut qu'il y ait vne loy dominante, dont vn Prince ne soit que l'exécuteur et l'estre. L'empire de la loy, dit Aristote, c'est quelque chose de diuin, de permanent et d'incorruptible; l'empire absolu de l'homme seul est brutal, à cause de la conuoitise et de la fureur des passions, et ausquelles les Princes sont suiets, aussi bien et plus que les autres hommes. Nos aduersaires obiectent et disent: si celuy qui commande, est réglé et circonscrit par les loix, s'il est attaché à des gens de conseil, ce n'est plus vn Roy; ce n'est qu'vn simple Magistrat. Nous répondons que nous ne disputons pas du nom ny des termes, mais que nous trauaillons à la définition et à l'établissement solide et légitime de la chose. Ce que nous appelons Roy en France, en Allemagne c'est vn Empereur; en Moscouie c'est vn duc; à Constantinople c'est vn grand Seigneur; mais

partout, de ces Seigneurs et de ces Roys, les peuples en attendent iustice, protection et soulagement. En quelques endroits les Roys iouyssent d'vne pleine souueraineté ; en d'autres ils ne sont que feudataires; les vns et les autres obligez de rendre iustice. Il y en a qui sont électifs; il y en a de successifs; mais tous également obligez à rendre iustice et à régir en équité. Pour cet effet ils ont des officiers et des gardes, tant pour l'exécution de leurs volontez que pour la conseruation de leurs personnes; encore est-il à considérer que ce nombre de gardes qu'on leur donne, doit estre limité et modéré pour deux respects; d'vn costé afin qu'ils soient plus forts que les particuliers, pour les tenir en deuoir; et de l'autre, afin qu'ils ne soient pas trop puissans pour opprimer toute la cité. C'est le tempérament et les précautions que baille le grand Aristote, dont l'authorité est préférable à celle de suppôts de la domination violente. Au reste, on peut apprendre de ce sage philosophe, et l'expérience nous le monstre, qu'autant qu'il y a de nations diuerses, autant y a-t-il de différentes formules de gouuernement, selon lesquelles elles ont estably leurs souuerains, en leur imposant des noms selon leurs diuers langages. Mais toutes ces nations conuiennent en ce principe, à ce que iustice leur soit adminis trée. Toutes les autres qualitez sont accidens et circonstances. La Iustice fait le corps et la substance de la Royauté; c'est celle qu'on a requise en la création des premiers Roys, lorsqu'on les a esleus. Deus iudicium tuum Regi Da; c'est celle qu'on demande successifs, et iustitiam tuam filio Regis.

pour

les Roys

On peut dire à présent de la Politique ce qu'Hippocrate a dit de la Médecine, à sçauoir que de tous les

arts il n'en est pas de si illustre que celuy qui enseigne à procurer la santé des hommes; mais que par l'ignorance de plusieurs qui l'ont voulu pratiquer sans en auoir eu la cognoissance, leurs mauuais succez ont ietté dans le décry et rendu infâme vn art si auguste et si diuin. Tout de mesme ces harpies infernales qui ont causé tous les maux que nous auons ressenty et qui nous accablent maintenant. Radix omnium malorum, dit saint Paul est cupiditas. I. a. tim. 6, v. 10.

Ce soulèuement général qui est arriué presque dans toutes les monarchies de l'Europe, nous montre que Dieu est grandement courroucé contre nous. Reuenons encore vn coup à la puissance absolue. Les Roys veulent s'attribuer cette primauté par laquelle dans sa dernière Déclaration il commande aux Princes de se trouuer ab

solument près de sa personne. Ie prononce dans la loy de Moyse qu'il n'y a que Dieu seul qui peut commander absolument, et que les Princes du sang ne sont suiets à aucune puissance souueraine que par deuoir d'honneur. C'est pourquoy ie soustiens que la puissance absolue doit estre reiettée, et que les loix fondamentales de l'Estat n'authorisent point les Roys de dépouiller leurs suiets de biens et d'honneurs, pour affermir leur puissance. Aussi est-il vray que les Parlemens sont obligez par toute sorte de deuoirs de ne point abandonner les Princes et les peuples, desquels ils sont les protecteurs pour leur deffense et leur bien particulier; duquel Aristote parle quand il dit, que c'est luy seul qui attire à soy efficacieusement la volonté, amabile quidem bonum unicuique autem proprium. Leur honneur et leur propre vie qui sont en commun péril, les doiuent porter à faire tous les efforts possibles pour venir à bout de leur dessein. Dieu aueugla

les

yeux de Pharaon et endurcit son cœur pour ne pas entendre sa volonté, qu'il luy estoit manifestée par la bouche de Moyse. Mais nonobstant l'aueuglement et obstination de ce Roy, par son bras estendu et puissant, il retira et arracha, pour ainsi dire, des mains de ce tyran de la puissance absolue son peuple. Nous pouuons espérer vne pareille déliurance.

Requeste des Peuples de France affligez des présens troubles à Nosseigneurs de la cour du Parlement séant à Paris [3490].

(24 septembre 1652.)

Comme tous les membres du corps s'entre aydent naturellement à se guérir de leurs maladies et que le feu s'estant pris à vne maison, tous ceux qui en sont, accourent pour l'esteindre; ainsi l'authorité Royale estant attaquée comme elle l'est maintenant, auec tant d'excès et de scandale, tous les suiets du Roy indifféremment sont obligez de s'armer pour la deffendre: in Crimine Maiestatis omnis homo miles.

Qu'il vous plaise donc, Nosseigneurs, de remarquer icy deux considérations très importantes au bien public des affaires, à l'acquit de vos Charges et au repos de la France. La première et générale vous fera souuenir si vostre Office vous donne droit d'estre Médiateurs entre le Souuerain et le peuple et d'estre vn nou sacré qui les vnisse et les allie estroitement ensemble, vous estes beaucoup plus inférieurs à l'vn que Supérieurs à l'autre.

que

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