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et de Bénéfices que le Prince de Conty, que M. de Metz et tous les autres Éclésiastiques ensemble ?

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On diroit à entendre cette lettre que tous les Éueschez et Gouuernemens ne soient remplis que de ses créatures et domestiques; et cependant nous n'auons veu que deux personnes paruenir aux Eueschez par så recommandation, qui s'y fussent bien esleuez d'ailleurs par leur mérite ou naissance, sçauoir l'Evesque d'Angoulesme d'auiourd'huy, Gentilhomme de condition, Nepueu de feu M. d'Eureux et duquel deux frères auoient esté tuez pour le seruice du Roy dans vn mesme iour et combat. L'autre est le sieur de Memac de la maison de Ventadour, nommé à l'Archeuesché de Bourges. Où sont ses autres amis, créatures et domestiques qui ayent eu aucune Abbaye ou Bénéfice? Mais pour le Cardinal Mazarin, il retient tout pour luy; et le reste qu'il ne peut réseruer, il le met en commerce et le trocque. Y a-t-il vn seul Bénéficier auprès de luy, soit Italien, soit François, qui ne soit aussitost remply? N'a-t-il pas fait vn Aumosnier de son frère, aux dépens du Roy, éuesque d'Orange, et vn maistre de Chambre, fils d'vn linger, Euesque de Coutances? Les Cardinaux d'Amboise, de Tournon et Richelieu tenoient vn homme dix ans auprès d'eux auparauant de l'aduancer en l'Episcopat; mais celuy cy les pousse en vn moment. Il est vray que la gloire de seruir de si grands hommes que les premiers, pouuoit seruir de récompense à ceux qui estoient attachez à eux; mais la honte de seruir celuy cy ne peut

'Henri de Bourbon, évêque de Metz et abbé de Saint-Germain des Prés.

* Éloy Boutault.

3 Hyacinthe Serroni.

estre excusée ny adoucie que par l'espérance des Bénéfices et bienfaits, desquels il a l'entière disposition.

Quand aux Gouuernemens qu'on reproche luy auoir esté accordez ou à ses créatures, excepté Clermont et Stenay que la lettre nomme, tous les autres sont oubliez, d'autant qu'il n'y en a pas eu dauantage. Quoy on plaindra deux Gouuernemens de Places à vn Prince qui en a conquis tant à la France, entre lesquels sont Dunkerque, Thionuille et Philipsbourg, les meilleures places de l'Europe; qui a estendu ses limites iusques à l'Océan ; qui a subiugué l'Allemagne et fait trembler et périr tant de fois toutes les forces d'Espagne ?

La créance qu'il auoit dans les trouppes doit-elle estre la cause de sa perte? Elle est fondée sur sa valeur et bonne fortune, qui sont deux choses fauorables à vn Estat. Sa Maiesté se plaint elle du crédit qu'il auoit dans les troupes Allemandes? L'a il offensé pour l'auoir employé l'an passé à désarmer en vn moment le Mareschal de Turenne qui amenoit toutes ses forces au secours de Paris, si elles ne luy eussent échappé par les seuls moyens et pratiques du Prince de Condé, qui escriuit aux Colonels Allemands pour les engager et retenir au seruicé du Roy.

N'est ce pas vne des plus recommandables parties d'vn Capitaine de s'insinuer dans l'esprit des soldats et de gagner leur créance? L'histoire de toutes les nations nous apprend qu'vne armée est demy défaite qui est conduite par vn Général qu'elle n'estime pas. Au contraire, ce ne sont que présages de victoires, que bons augures et espérances d'heureux succez parmi les soldats qui se voient commandez par vn Chef de réputation. Et c'est pourquoy lorsque les armées du Roy

auoient à leur teste M. le Prince, on pouuoit dire auec vérité et sans vanité ce qu'autrefois disoit Rome d'Alexandre Séuère que la France ne deuoit rien craindre puisqu'elle auoit le Prince de Condé. Si les geus de guerre s'adressoient à lui plus souuent qu'à nul autre pour obtenir des charges, pouuoit-il en conscience et auec honneur s'empescher de les secourir et espargner enuers sa Maiesté ses recommandations pour ceux qui n'auoient pas auec lui espargné leur sang pour son seruice?

C'est vn prince si plein de gloire dans les armes qu'vn homme se sentoit autant obligé de ses sollicitations comme des bienfaicts des autres. Voires on peut dire de luy ce que plusieurs disoient d'Auguste selon le rapport de Crispus Passienus qu'on prisoit dauantage l'estime qu'apportoient ses bienfaits ou recommandations que le don, pour ce que le faisant auec connoissance de cause, il donnoit de l'honneur à celuy auquel il procuroit du bien. Il luy appartenoit à bon titre de discerner le poids et le prix de la valeur et mérite des soldats et Capitaines; et son approbation pouuoit estre vne iuste mesure à sa Maiesté pour le choix et la distribution des grâces et faueurs de la guerre. En vn mot, s'il eust esté question de sçauoir qui estoit le meilleur ioueur de Hoc, le Prince ne deuoit pas estre escouté contre les aduis du Cardinal, qui raffine en tous les ieux de passe-passe. Mais pour les charges de la guerre qui se donnent à la valeur, qui s'acquièrent à la pointe de l'espée et au péril de la vie, il n'y auoit point de suffrages dans le Conseil plus considérables que ceux d'vn grand Capitaine comme luy, qui estoit tesmoin de toutes les belles actions qui s'estoient faites dans les armées, et qui auoit esté si souuent triomphant de l'Espagne qu'il

pouuoit dire ce que Maximin escriuoit au Sénat de Rome : qu'il auoit fait tant de prisonniers qu'à peine l'estendue de l'Empire estoit-elle capable de les con

tenir.

Les insolences et désordres des troupes ne sçauroient lui estre imputez, mais au Cardinal qui a rongé les entrailles de l'Estat, sucé le sang du peuple et espuisé tout le Royaume de finances; estant infaillible que c'est le manquement d'argent qui empesche la discipline des armées et qui ouure la porte à toutes les violences qu'vn Général est forcé de dissimuler, quand on n'a aucune solde à lui donner.

Le Prince de Condé n'estoit pas l'an passé dans la Champagne', où l'on exerçoit toutes sortes d'hostilité et de cruauté contre la religion et païsans de la prouince. Ces plaintes sont uniuerselles en tous les endroits, lieux et païs où la nécessité de la guerre appelle des troupes sans finances. Si la voix des peuples qui languissent dans le Royaume, n'est pas assez forte pour se faire entendre sur ce suiet à sa Maiesté, combien a-t-elle veu d'Ambassadeurs et de plaintes de la part de la Duchesse de Sauoye et de la Catalogne pour y remédier? Dira-t-on que M. le Prince est la cause des malheurs qui affligent et accablent les Prouinces et nations où il n'a pas esté ? Certes la cause de tous nos maux est en France, qui est le Cardinal; et le remède qui est l'argent, pour ceux qui y font ses troupes, est en Italie, d'où il ne le fera

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'La Champagne désolée par l'armée d'Erlach [677].

2 L'Ambassadeur de Sauoie enuoyé du mandement de son Altesse.... à la Reine Régente, etc. [70].

3 L'Ambassadeur des États de Catalogne...... enuoyé à la Reine Regente.... touchant les affaires de cette Prouince, etc. [71].

pas retourner. C'est la puissante raison qui diuertit ce Prince de s'engager au commandement de l'armée, l'esté passé. Les triomphes et les lauriers cessoient de luy plaire, qui coustoient tant de larmes et de soupirs au peuple. Il aimoit mieux que l'on ne comptast pas ses victoires durant cette campagne que de veoir et entendre raconter les désordres que sont contraintes de causer des troupes qui ne sont pas payées. Et puis certes vn Prince qui a trauaillé continuellement durant sept années de la Régence et qui auoit fatigué et esté tout l'hyuer précédent sous les armes, pouuoit bien se reposer trois ou quatre mois d'vne campagne suiuante, ny ayant pas d'homme qui à la fin ne se lasse au trauail et à la peine. C'est néantmoins vn des crimes qu'on luy obiecte, duquel on n'auroit maintenant aucune peine à le iustifier, s'il auoit passé l'hiuer précédent comme l'esté.

Les différentes partialitez qu'il a témoignées auoir pour le Gouuerneur de Prouence contre son Parlement, et pour le Parlement de Bordeaux contre son Gouuerneur, ne sont pas si estranges. L'vn est son Cousin germain, qui a esté fait prisonnier et fort mal traisté du Parlement de Prouence; et l'autre Gouuerneur ne l'est pas, et d'ailleurs auoit resueillé sans cause et renouuellé tous les troubles de la Guyenne. Il y a desià en ce point la mesme raison pour laquelle nous remarquons que le Cardinal protége contre l'Eglise et la Prouince de Guyenne M. d'Espernon plus que les autres Gouuerneurs, à cause de l'espérance qu'il a de luy donner vne de ses niepces pour M. de Candalle; outre que par vn public consentement on trouue que Messieurs de Guyenne auoient plus de iustice et de raison de se plaindre des outrages et entreprises du Duc d'Esper

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