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moins de honte dans la vente d'vne Bibliothéque' qui ne pouuoit estre qu'innocente. Au moins si ce rare ouurage, recueilly si curieusement des deux parties du monde, auoit esté confisqué en faueur du public! Au moins si la distraction en auoit esté faite par des voyes légitimes et honnestes! Au moins si les Vendeurs publics n'auoient pas esté les acheteurs particuliers! Au moins si l'employ des deniers ne marquoit pas ou vne auarice sordide ou vne mesquinerie infame ou vne lasche vengeance!

Et icy, Nosseigneurs, permettez nous de vous déclarer auec ingénuité que bien souuent on nous fait vne demande qu'il nous est très malaisé et comme impossible de résoudre sans blesser ou la réputation ou la dignité de vostre Illustre Compagnie. Représentez-vous, nous diton, qu'vn homme et mesme vn estranger ayant dessein de releuer la gloire de ce grand Royaume, aussi bien par celles des sciences et des beaux Arts que par celle des conquestes et des victoires, ait enuoyé dans les lieux les plus éloignez du monde pour y rechercher et y recueillir à quelque prix que ce pust estre les plus riches Monumens de l'Antiquité et les faire transporter dans la célèbre ville de Paris; qu'à ce dessein il ait employé dans les païs estrangers le crédit que lui donnoient le rang qu'il tenoit, et le poste releué qu'il occupoit auprès d'vn grand Monarque triomphant partout de ses ennemis; qu'ayant commencé cet ouurage dans Rome, sa Patrie, il en ait despouillé sa propre Patrie pour en enrichir et orner la France; qu'il ait assemblé auec tant de soins et de des

Arrest de la Cour de parlement portant qu'il soit fait fonds de cent cinquante mille liures pour exécuter l'Arrest du mois de décembre contre le Cardinal Mazarin, etc. [322].

pense vn prodigieux et incomparable amas de volumes de toute sorte, pour repaistre la curiosité louable des Scauans; que pour entretenir ce Trésor de liures inestimable et infiny, il ait assigné vn fonds considérable sur ses propres bénéfices; qu'en ayant destiné et voué l'vsage au public, il ait voulu le mettre sous la protection de la Cour des Pairs et du premier Parlement du Royaume; et toutefois que de ce rare ornement de la France, de cette source inépuisable de toutes les bonnes et belles choses, le mesme Parlement qui en deuoit estre le deffenseur et le garde, en ait fait vn prix pour acheter la teste ou pour payer l'assassinat de son autheur, aussi bien accusé sans auoir failly que iugé sans estre ouy, et dans le temps que l'vnique crime qui l'auoit soumis à vne condamnation si rigoureuse, n'estoit autre que l'enuie qu'il s'estoit causée par la fidélité et la grandeur de ses

seruices.

Quelle apparence, nous disent-ils, quelle teinture, quelle ombre de Iustice trouuez-vous dans vn procédé si estrange et si barbare? Et nous vous supplions, Nosseigneurs, de nous faire entendre nettement ce qu'il faut respondre à vne question si embarrassante, que les personnes mesmes les moins intelligentes et les plus grossières ne cessent de nous faire.

Mais ce que vous deuez vous mesmes, Nosseigneurs, souhaiter que la postérité ne croye iamais, c'est que ce Vénérable et Auguste Parlement de Paris ait préféré la profanation des choses saintes, le violement, l'incendie, le rauage, le pillage, le brigandage, la désolation des Prouinces, des Villes et de la Campagne, enfin tous les funestes effets d'vne guerre ciuile et le bouleuersement général de toute la France à la demeure d'vn homme en

France, qui, en s'éloignant du Roy, a plustost suiuy la modération de son esprit qu'il n'a cédé à la violence de ses ennemis et à la force de leurs armes. Vostre sagesse, Nosseigneurs, a-t-elle oublié qu'il faut tolérer ce que l'on ne peut oster que par des voyes toutes pernicieuses et toutes criminelles, et que de deux maux inéuitables, vous estiez obligez de souffrir le moindre?

Mais quoy? est-ce bien cette sage et iuste Compagnie qui permet et qui approuue que les Imprimeurs de Paris n'enfantent que des Monstres et que les Crieurs remplissent les rues d'infamies ou de sottises? que les Princes et les Grands, qui ont plus d'adresse, se seruent des mains de la Justice (qui n'en deuroit point auoir) pour ietter la pomme de discorde et pour allumer et fomenter le feu de la diuision? que les peuples secouent le ioug de l'obéyssance, sans préuoir qu'après cela, comme Lyons et Taureaux qui ont rompu leurs attaches, ils se ietteront sur ceux qui les gardent et déuoreront leurs maistres? Tesmoin ce que l'Armée fait à Bordeaux, et ce que la populace a commencé de faire à Paris, ou lorsqu'elle a paru et vous a poursuiuis les armes à la main, à la sortie de ce lieu sacré que vous appelez le Temple de Iustice', ou lorsqu'ayant bruslé la Maison de Ville', elle la remplit du sang et du carnage de tant d'Illustres Citoyens.

Sont-ce bien les Protecteurs de la France et les Tuteurs de l'authorité Royale qui laissent esbranler la Couronne sur la teste de leur légitime Monarque? Sont-ce ces graues Sénateurs, ces Testes Sages et ces Courages incorruptibles qui souffrent impunément qu'on traitte

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auec l'Espagnol ennemy, qu'on reçoiue de son argent et de ses troupes, qu'on leur donne des places de seureté, qu'on les conduise au combat contre des armées où estoit le Roy en personne? Et ce qui est incroyable, et ce que les ennemis n'auroient iamais l'audace d'entreprendre eux-mesmes, qu'on ait eu l'insolente témérité de pointer et de tirer le Canon sur l'Oingt du Seigneur et de commettre ce sacrilége, non seulement dans la ville d'Estampes où les rebelles auroient pu reieter leur faute sur les Espagnols qui estoient enfermez auec eux, mais dans celle de Paris où l'on a yeu, chose estrange, la Bastille, qui doit estre vn fort de l'authorité du Roy, tonner et foudroyer contre la personne du Roy mesme! Sont-ce ces sages Catons, ces fameux Maistres de la Iurisprudence qui commettent de continuelles Antinomies, ou criminelles ou honteuses ou ridicules?

Le blocus de Paris a assez fait connoistre la bonne foy de ceux qui les ont trompez pour leur argent; et ils s'y fient vne seconde fois! Cette grande ville qui s'accable de son propre poids, n'a desià que trop esprouué l'humeur des Princes et des Grands; et ils se laissent encore bercer et endormir au mesme bransle! Ils sentent leur mal; ils en voyent le remède; et ils ne veulent pas s'en seruir! L'absence du Roy les ruine de fond en comble; personne ne le nie. Sa chère présence seroit la ressource dans leur malheur; tout le monde le publie hautement. Toutes fois, s'ils prient sa Maiesté d'y venir, c'est auec des conditions que les égaux n'oseroient proposer. S'ils l'inuitent de s'approcher, au même temps ils abattent les Ponts, ferment les passages, luy opposent des armées et n'ont iamais sceu se résoudre à luy ouurir les Portes et à le conuier sans exception et sans réserue à reuenir dans

le premier siége de son Empire, accompagné de tout ce qu'il honore de sa bienueillance et de sa protection.

Ils ont condamné vn Prince qui n'a rien de petit que de s'estre lié à ce qui est moindre que luy ; et ils l'admettent en leurs délibérations auant que d'estre iustifié, mesme tandis qu'il est actuellement dans la continuation du mal contre lequel ils ont prononcé! Ils font condescendre la bonté et la clémence du Roy à quitter les aduantages de ses armes victorieuses et du bon droict de sa cause, pour esloigner ses armées de dix lieues, afin d'espargner le contour de sa bonne ville de Paris.

Après cela, qui le pourra iamais croire? on permet qu'on lèue des troupes dans Paris, non-seulement contre la volonté et contre le seruice du Roy, mais pour les employer à combattre des Armées qu'il commande luymesme! On trouue bon qu'elles y demeurent, qu'elles volent, qu'elles pillent, qu'elles viuent sur le voisinage. On voit venir des Armées Estrangères qui n'ont de discipline la science du pillage, de l'embrasement et du meurtre; cependant on s'en resiouit; on y applaudit; on souffre leurs logemens à deux ou trois lieues de la mesme ville; on est fasché de quoy la sagesse et la prudence du Ministre a mieux aimé leur mesnager vne honorable retraite1 que de les vaincre, faisant battre les François contre les François.

que

Voilà, Nosseigneurs, en toute humilité, respect et ingénuité, la Requeste que l'amour de la France et de la Paix nous fait présenter aux pieds de la Iustice et entre

1 La retraite duc de Lorraine le 16 juin 1652, Véritable traité..... entre le Roy et le Duc Charles de Lorraine, etc. [3968]; Particularité du traité du Duc de Lorraine auec le Cardinal Mazarin, etc. [2720]; Articles du traité accordé entre le duc de Lorraine et le Cardinal Mazarin, etc. [423] et

autres.

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