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du Ministère et remet les anciennes Loix en leur vigueur. Les peuples en ayant eu connoissance, plusieurs Villes des Prouinces, et entr'autres de Guyenne et de Prouence, en exécution d'icelle, se sont pourueues contre ces innouations et [ont] procédé dans les élections suiuant leurs anciens droicts et vsages, par le support des Parlemens, lesquels, reprenant leur première authorité, ont mieux fait valoir la iustice qu'ils n'auroient fait aupa

rauant.

Ces exemples doiuent exciter la Ville de Paris d'en vser de mesme pour l'élection d'vn Préuost des Marchands. Elle le doit plus que les autres Villes parce que, comme elle est douée d'vn grand nombre de priuiléges, franchises et immunitez, tant à cause de sa qualité de première de l'Empire François que des signalez seruices qu'elle a rendus aux Roys dans les plus urgentes nécessitez de l'Estat, et que depuis cette violence on a enfreint impunément ses priuiléges, que la corruption, la violence et le Monopole y ont causé d'horribles désordres et que présentement elle doit craindre plus que iamais la vengeance du Ministère, à cause de l'assistance qu'elle a donnée à la Iustice du Parlement. Le seul moyen qu'elle a pour sa seureté, garantir ses priuiléges d'vne perte toute entière, faire réparer le dommage qu'elle a souffert en iceux, trouuer son soulagement et le remède à scs maux, est de se restablir en la coustume en laquelle elle a vescu pendant tant de siècles, de se choisir vn Préuost des Marchands; à quoy elle est d'autant plus obligée qu'outre son intérest particulier, elle en a vn autre général qui luy doit estre aussi cher, qui est le payement des rentes constituées sur l'Hostel de Ville, dans lequel tout le Royaume est intéressé. Et elle n'aura

iamais vne occasion plus fauorable pour réussir dans ce glorieux dessein que celle qui s'offre présentement; et ce d'autant plus que par le choix libre qui vient d'estre fait, suiuant les anciennes formes, de Monsieur de Broussel pour Préuost des Marchands', sur la démission de Monsieur Le Febure, elle a commencé à secouer le ioug qu'on luy auoit imposé et est rentrée en ses anciens droicts; de sorte qu'il ne luy reste plus maintenant qu'à continuer dans cet vsage immémorial et se maintenir vne liberté qu'elle a recouurée, laquelle luy ramènera tous les biens que luy a osté cette contraincte, et déliurera des maux et inconuéniens qu'elle lui a causez, ainsi qu'il est aisé de faire voir en peu de parolles.

Le droict des villes en France, sans parler de celles des autres Royaumes et pays, de s'eslire des Magistrats est aussi ancien que leur fondation; car, dès le moment que les peuples se sont assemblez en diuers lieux pour y bastir des villes afin de viure en société, la première pensée qu'ils ont eue, a esté de choisir parmi eux certain nombre de personnes de la plus haute vertu, suffisance et fidélité, et ceux qu'ils ont estimé estre les plus zélez, pour auoir la garde et gouuernement des villes; et soit qu'elles se soient establies par la permission des anciens Seigneurs des Gaulles auxquels elles se sont soubmises, soit que depuis leur establissement elles se soient rangées sous leurs Seigneuries, ça tousiours esté auec cette condition que le droict de s'eslire des Officiers de ville leur demeureroit.

Mais entre les villes de France, les villes Capitalles des

Particularitez de ce qui s'est fait et passé... pour l'élection de M. de Broussel, etc. [2704]. L'élection eut lieu le 6 juillet.

Prouinces, et, sur toutes les villes, celle de Paris, Capitalle du Royaume, a eu vne grande passion pour ce droict d'élection. Ces Magistrats ont eu diuers noms en France, suiuant les diuerses Prouinces, et ont esté diuersement instituez. A Thoulouze, ils ont le nom de Capitouls; à Bourdeaux, on les appelle Iurats; dans les autres villes de la Guyenne et Languedoc et en toute la Prouence, on les nomme Consuls; et dans les autres Prouinces, on leur baille la qualité d'Escheuins. En quelques villes, on a estably sur eux vn premier Officier, lequel en quelques vnes est nommé le Maire; et en d'autres on luy a donné vn autre tittre. Dans la ville de Paris, le premier Officier a la qualité de Préuost des Marchands.

Les villes se sont maintenues dans la liberté de les eslire pendant vn temps immémorial; car, sous la domination des anciens Seigneurs des Gaulles, celle des Romains, et depuis eux, sous le Règne des deux premières Races de nos Roys et bien auant dans la troisième, elles sont demeurées en cette possession sans qu'aucune de ces puissances les ait troublées en ce droict; et la première fois que les ministres de nos Roys ont voulu l'entreprendre, toutes les villes, et principalement celle de Paris, s'y sont vigoureusement opposées et n'ont point craint d'en porter leurs plainctes aux Estats Généraux de France assemblez à Blois, sur lesquelles il a esté ordonné par l'art. 373 en termes exprès que toutes les élections de Préuosts des Marchands, Maires, Escheuins, Capitouls, Iurats, Consuls, Conseillers et Gouuerneurs des villes se fassent librement et que ceux qui par autres voyes entreront en telles charges, en soyent ostez et leurs noms rayez des Registres.

Les villes, dans leur fondation, ont eu plusieurs gran

des et importantes raisons pour se constituer cette loy d'élection la première et principalle, qu'estant nées libres, elles ne pouuoient mieux marquer leur liberté et la rendre perpétuelle qu'en se donnant l'authorité de s'eslire des Magistrats; la seconde, que, pour leur seureté, deffense et police, faire obseruer les conditions de leur establissement et maintenir leurs priuiléges, trauailler à leur vtilité et gloire, entretenir leur commerce et mesme l'augmenter, il leur estoit nécessaire d'estre gouuernées par des Officiers auxquels elles peussent prendre vne entière confiance; qu'elles ne pouuoient la trouuer si leurs Officiers n'auoient vne probité singulière, vn courage inuincible dans les temps difficiles, et vne rare fidélité; qu'ils ne pouuoient rencontrer des personnes auec ces qualitez que par le choix qu'elles en feroient parmy leurs Citoyens, tant parce que les Citoyens estoient obligez au bien et salut de leur ville par leur naissance et fortune, que parce qu'elles auoient vne parfaite connoissance de leurs vies et mœurs; la troisième, que, s'agissant de leur gouuernement particulier, personne ne deuoit s'en mesler que ceux lesquels y auoient intérest, qui sont les citoyens, toutes autres personnes leur deuant estre suspectes. D'ailleurs elles ont considéré que ce droict d'élection leur estoit d'autant plus nécessaire que, pouuant estre trompées dans le choix de leurs Magistrats par la duplicité de leur cœur, elles deuoient auoir le pouuoir de destituer ceux qui trahiroient leur cause et manqueroient à leur deuoir; qu'elles ne pouuoient prétendre ce droict de destitution si elles n'auoient celuy d'élection; que ces Magistrats estant l'ouurage de leurs suffrages, ils se sentiroient obligez de respondre à la bonne estime qu'on auoit eue de leur vertu par leurs déportemens; que pour

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entretenir vne vnion et intelligence parfaite entre les Citoyens, et principallement vne obéyssance des inférieurs enuers les supérieurs, elles deuoient s'eslire ceux qui auroient le commandement, ne pouuant auoir de l'amour et du respect pour ceux que n'auoit pas choisis leur cœur; que ce droict d'élection leur estant nécessaire, elles ne deuoient point hésiter à le prendre, parce que leurs Seigneurs pouuoient seuls s'y opposer pour leurs intérests, mais que ne voulant l'establir contre leurs seruices, mais seulement pour veiller à leur bien et seureté, ils ne pouuoient blasmer ny se tenir offensez d'vn aduantage qui appartenoit à des gens d'vne condition libre; bien daduantage que non seullement ce droict ne choqueroit point les intérests de leurs Seigneurs, mais leur seroit aduantageux, parce que les villes remplissant ces charges de gens de bien par le choix qu'elles en feroient, leurs Seigneurs pourroient s'asseurer qu'elles ne manqueroient iamais à la fidélité et obéyssance qu'elles leur deuoient, et que d'ailleurs, donnant leur consentement à cet usage, ils feroient cesser les partialitez des villes, dangereuses à vn Estat, et se concilieroient l'amour des peuples; que, tout au contraire, c'estoit exposer et mettre en danger leurs vies et biens auec leurs priuiléges que de souffrir que leurs officiers leur fussent donnez par des mains estrangères, ouurir la porte des maisons et Hostels de ville à la corruption et y donner entrée à des personnes suspectes qui abandonneroient les intérests de la chose publique pour leur profit particulier, introduire dans l'enceinte de leurs murailles la discorde et les diuisions, mettre en commerce leurs personnes et fortunes, enfin perdre leurs libertez et deuenir esclaues.

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