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plus volontiers exposer vos vies et vos biens que pour l'expulsion du Cardinal Mazarin; car quoy que son retour ait ramené vne grande calamité et soit dangereux pour la ville de Paris, néantmoins cette misère n'est pas comparable à celle que vous souffrirez si les Ministres continuent à vous donner vn Préuost des Marchands; car le mal de ce rappel peut finir ou par le décez de ce Tyran ou en perdant les bonnes grâces de la Reyne, et ne peut regarder que vos personnes et biens présens; mais la continuation de cette vsurpation fera vn mal perpétuel, lequel, s'augmentant tous les iours, passera à vostre postérité. Aurez-vous moins de courage et de générosité que vos pères, qui ont estably ce droict pour leur honneur, leur bien et salut, l'ont si fortement deffendu pendant vn si long temps contre les entreprises qu'on a faites pour le supprimer, et n'en ont point quitté la possession qu'auec vne sensible douleur et protestation d'y rentrer dès le moment que la violence n'auroit plus son cours? Ferez vous difficulté de maintenir vn aduantage que la nature vous a donné, que les Roys vous ont laissé et qui vous a esté confirmé par les Estats de Blois? Hésiterez vous à vous déclarer pour vne cause de laquelle il ne s'agit de rien moins que de choisir la vie ou la mort, le bien ou le mal, vne félicité perpétuelle pour vous et vos enfans ou vne calamité éternelle pour vous et pour eux, enfin la liberté ou l'esclauage; car c'est deuenir libre que se conseruer ce droict, puisqu'il ne vous reste plus que cette marque de vostre ancienne liberté naturelle; et c'est retomber dans l'esclauage que de souffrir la continuation de cette contrainte. Ha! si l'amour de vostre liberté, de vos vies et biens vous est cher, comme il doit estre, si vous aimez vos enfans et si vous auez

encore quelque honneur et courage et n'auez point dégénéré de la vertu militaire de ces anciens Parisiens, ne permettez pas qu'on charge de nouueau vos mains des fers que vous auez brisez. Mais, si vous prenez cette résolution, comme vous la deuez prendre, c'est maintenant qu'il faut l'exécuter. Vous n'en aurez iamais vne occasion plus propice ny fauorable; car c'est dans le temps présent que la violence est abattue aux pieds de la iustice et que le monopole a perdu ses forces; et on ne sçait pas de quelle durée sera ce bonheur parce que le C. Mazarin prétend, en se restablissant, restablir à main armée la tyrannie et le monopole. Enfin c'est maintenant que Monsieur le duc d'Orléans a esté déclaré Lieutenant Général du Roy pendant sa détention par le C. Mazarin; et vous deuez espérer de sa bonté et iustice toute sorte de contentement.

On vous pourra dire, pour ralentir ces bons desseins, que, depuis l'année 1594, la ville de Paris a tousiours souffert que les Roys luy ayent proposé vn Préuost des Marchands et qu'ayant consenti à cet vsage, quoy que nouueau, elle a perdu son droict, ayant cessé d'en iouir pendant ce temps, et ne peut réclamer contre cette nouuelle pratique sans offenser l'authorité du Roy et encourir son indignation.

Mais cette obiection ne doit pas estre considérée, parce que, outre que ce temps n'est pas suffisant pour acquérir vne prescription contre vne communauté à celuy qui n'a point de droict, d'ailleurs il est notoire que ce nouueau vsage est vne violente vsurpation sur vn droict naturel, public et commun, contre lequel on ne peut prescrire par quelque temps que ce soit ; et il ne faut pas prendre ce changement pour la volonté des

Roys, mais pour celle de leurs Ministres, qui se seruent de leur nom pour leurs desseins. Ainsi ce ne sera point offenser le Roy ny blesser son authorité que de se restablir dans vne prérogatiue que la naissance vous donne et laquelle ils n'ont point voulu vous oster. Quoy que c'en soit, vne lettre de cachet ne peut pas préualoir sur les Ordonnances du Royaume; et on n'est point obligé d'y defférer au préiudice des loix fondamentales de l'Estat. C'est pour cela que ce droict d'élection estant né auec vous, approuué par les Roys, confirmé par les Estats généraux du Royaume, il ne peut estre destruit par lettres de cachet sous le nom du Roy, extorquées par de mauuais Ministres contre ses intentions, lesquelles on doit tousiours présumer n'estre point contraires aux loix de l'Estat et à la Iustice.

Le moyen de se conseruer ce droict est qu'il se fasse présentement vne Assemblée généralle en la Maison et Hostel de ville, la plus solemnelle qui se pourra faire, dans laquelle il sera délibéré sur les moyens propres et nécessaires pour rentrer pleinement et entièrement dans ce droict d'élection et s'y maintenir contre les entreprises des Ministres. On peut proposer celuy qui s'ensuit comme très propre, sçauoir : que députation sera faite incessamment vers le Roy, et maintenant vers Monsieur le Duc d'Orléans, son Lieutenant Général, pour le prier de laisser iouir la ville de Paris de son droict d'vne libre élection du Préuost des Marchands, comme elle en iouissoit auparauant l'année 1594, et qu'il ne sera plus enuoyé lettres de cachet sur ce suiet; et afin que cet establissement soit stable et ferme, que le Roy, et maintenant Monsieur le duc d'Orléans, représentant sa personne, sera prié d'enuoyer vne Déclaration par laquelle, en tant

que besoin est et seroit, on confirmera cet ancien droict d'élection, et lettres de cachet ne seront plus enuoyées à l'Assemblée sur le choix d'vn Préuost des Marchands; et cependant qu'on ne receura point lettres de cachet du Roy pour la prochaine élection, comme contraires aux Loix et Ordonnances du Royaume; mais sera procédé comme il a esté fait dans celle de Monsieur de Broussel, et que cette délibération sera confirmée par Arrest du Parlement.

On pourra prendre dans l'Assemblée d'autres moyens pour se maintenir dans cette liberté, laquelle fera cesser les misères que souffre la ville de Paris, réparera ses dommages, restablira les choses dans l'estat qu'elles estoient auparauant le ministère du deffunct C. de Richelieu, et produira [non seulement] à cette ville, mais à toute la France les biens que l'on doit attendre de l'administration de gens de bien qui n'auront point d'autres intérests que ceux du bien public; et on se doit promettre que les moyens qui seront pris dans l'Assemblée, réussiront parce que Monsieur le Duc d'Orléans ayant tesmoigné tant de zèle pour le soulagement des peuples et fait paroistre vne si grande auersion contre la violence des Ministres et l'oppression des Partizans, il ne manquera pas, dans vne occasion si importante au bien de cette ville, de luy rendre iustice et donner sa protection pour mériter entièrement son amitié et le cœur des peuples.

La Vérité prononçant ses oracles sans flatterie

[3998].

(26 septembre 1652.)

LA REYNE.

Cet attachement pour le Cardinal Mazarin a fondé dans la sotte créance de certains le soubçon d'vn mariage entre luy et la Reyne1. Il en est beaucoup qui en ont iugé auec moins de modération. Tout le monde a conclu que cette princesse estoit ou mal conseillée ou mal intentionnée. Ce dernier est plus probable.

Lorsqu'on luy a représenté qu'elle s'en alloit ruiner tout l'Estat, n'a-t-elle point respondu que, si le pain lui manquoit en France, son frère estoit assez puissant pour luy en donner en Espagne. Si cela marque que nostre désolation luy est fort indifférente, elle monstre encore bien plus, en abusant de nostre soumission, que nostre aueuglement est bien pitoyable. Obéir à qui nous outrage; respecter qui nous persécute; permettre qu'vn implacable s'assouuisse aux despens de tout nostre Estat; si nous ne sommes aussi sots qu'elle est enragée, que s'en faut-il ?

1

<< S'il est vray, ce qu'on dit, qu'ils soient liez ensemble par vn mariage de conscience et que le père Vincent, supérieur de la mission, ait ratifié le contrat, ils peuuent tout ce qu'ils font, et dauantage, ce que nous ne voyons pas. » (Requeste ciuile contre la conclusion de la paix [3468].) Il est fait mention de ce mariage dans le Silence au bout du doigt [3674]; et par son Testament véritable, etc. [3767] Mazarin laisse au bon père Vincent son plus authentique breuiaire.

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