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fonder le soubçon raisonnable d'vne ambition déréglée.

Laissons le siége. Passons à son emprisonnement. Qu'est ce qui l'arreste? Quel crime? Quel attentat ? C'est son courage; c'est sa vertu; et, par contre coup, c'est l'ingratitude; c'est la mécognoissance. S'il eust peu craindre ses obligez, ou si ses obligez eussent eu du cœur, il estoit sans danger. La Reyne ne le fait arrester que parce qu'il l'a seruie, parce que s'il ne l'auoit point seruie, elle n'eust seulement pas osé ietter les yeux sur luy que pour l'admirer.

Me voilà maintenant où tout le monde m'attend. On croyoit que le Mazarinisme ne dureroit pas quinze iours. Les commencemens fortifioient cette créance. L'vnion qu'on espéroit plus forte entre luy et le Duc d'Orléans, n'y contribuoit pas de peu. Le Coadiuteur et la Cheureuse, sa coadiutrice, ne paroissoient plus deuoir estre en crédit. Le Mareschal de L'Hospital et le Préuost des Marchands' n'estoient plus regardez que comme des instrumens sans force. Enfin on espéroit tout de luy.

On sçait comment il a fait quand il a esté le maistre : à Chastillon, à Sainct Denys, au faux bourg Sainct Antoine. De là on peut coniecturer ce qu'il eust fait si ses volontez eussent esté les maistresses dans les autres occasions.

Quel est donc ce fatal ressort de tous les grands desseins de l'Estat? Quand le Prince arriua, il eut vne grande armée à conduire, vne puissante ligue de Mazarins dans Paris à rompre, l'esprit du Duc d'Orléans à

1 Broussel.

mesnager. Chacun des trois demandoit le Prince tout entier. Il a fallu néantmoins qu'il se soyt partagé pour se donner aux vns et aux autres selon leurs besoins. Quelque lent qu'on soyt, pourueu qu'on aille quand on trouue tant d'obstacles, on va bien viste. Quand le Prince s'est donné à son armée, il en a bien battu les ennemis; quand il a entrepris la ligue des Mazarins, s'il ne l'a rompue, il l'a bien affoiblie; quand il s'est attaché au Duc d'Orléans, il en a, dit on, presque détaché le Coadiuteur; il est du moins asseuré que les visites n'en ont point esté si fréquentes. Si, pendant qu'il eust esté à la teste de ses troupes, quelqu'autre que luy eust esté capable de rompre la ligue des Mazarins, de fortifier le Duc d'Orléans contre la souplesse du Coadiuteur, ie ne doubte pas que nous n'eussions desià oublié le nom de Mazarin; mais comme il a fallu qu'il se soyt partagé à tant de nécessitez, les affaires ont esté plus lentes que l'impatience des peuples.

Quelques passionnez en attendoient plus de violences. Ils disent qu'il falloit se défaire du Coadiuteur puisque le Coadiuteur estoit vn obstacle au bien public. Si ce prélat ne meurt que par les mains ou par les ordres de ce Prince, il sera immortel. Il ne doit périr que par l'entreprise de quelqu'esprit plus bas et de quelque plus lasche main. Le Prince n'est capable que de faire des coups de Prince. Si le public se ressent des intrigues du Coadiuteur, que le public se venge. C'est à tort que le public attend que le Prince soit l'instrument de ses passions. Il trauaillera bien pour ses intérests; mais il ne les poussera point par vn coup de lascheté.

D'autres passionnez, aussi fols que les précédens, disent que le Prince ne deuoit point mesnager le Duc

d'Orléans et le Parlement auec tant d'attachement. Ces politiques ne regardent que leurs intérests. Ils voudroient qu'vn premier prince du sang se fust comporté en tribun du peuple. Ils voudroient qu'il eust iustifié par sa conduite les calomnies de la Cour, qui ne reproche au Prince que la violence; mais il a démenty ces reproches par l'expérience d'vne modération inouye. Les violences sont des brutalitez lorsqu'elles ne se font que par le caprice d'vn particulier; lorsqu'elles se font par le concert des sages, ce sont des Coups d'Estat.

Si vos affaires auoient eu tant de langueur, celles de la Cour en auroient eu plus de vitesse; car il n'est pas possible qu'vn party soit lent sans que le contraire ne s'en préualle.

Quels sont les auantages de la Cour? Qu'a-t-elle profité de cette langueur prétendue? Auec huit mille hommes le Prince en a fait périr vingt-cinq mille; il a dissipé la ligue qu'elle fomentoit depuis si longtemps dans Paris; il a fait auorter tous ses desseins. Il a sauué Paris lorsqu'elle le destinoit au sang et au carnage; il a fait ce que tout autre que lui ne pouuoit point faire. Si c'est languir, le procédé de la Cour est donc mort, ou nos impatiences sont trop précipitées.

LE PARLEMENT.

Le Parlement a-t-il plustost esté Mazarin que Prince, ou au contraire? ou bien n'a-t-il point esté ny I'vn ny l'autre? Si l'on considère le Parlement par les particuliers en détail, il a bien plustost esté Mazarin que Prince, parce qu'il y auoit plus de Mazarins que de

Princes. Si l'on considère le Parlement sous le titre de

corps souuerain, sans se réfléchir au particulier qui le compose, il a fort nagé entre deux eaux. Au reste, ie pense qu'il n'a esté véritablement ni Prince ni Mazarin.

Il est vrai que le Parlement a bien choqué le party Mazarin; mais il n'a pas assez fauorisé celuy du Prince pour le rendre maistre de son compétiteur. Si le Parlement a choqué le Mazarin, c'est qu'on l'a tant poussé qu'il n'a pu s'empescher de le heurter. S'il a fauorisé le party du Prince, c'est qu'on luy a arraché ses faueurs.

Faut-il donc accuser le Parlement? Nenny. Le Parlement est auguste et vénérable; mais il en est beaucoup de ceux qui le composent, qui ne relèuent pas beaucoup son prix. I'ay le bonheur de n'en connoistre pas vn de ceux qui sont de cette estoffe. Pour récompenser ceuxque ie cognois, il faudroit faire vingt ou trente Gardes des Sceaux et autant de Secrétaires d'Estat.

LE DUC DE BEAUFORT.

Le Duc de Beaufort, sans contredit, est bon Prince. Le Coadiuteur, dans ses escrits, a beau le comparer à des brasseurs de bierre ou à des Arteuelles'; il a beau le nommer l'idole du temps; tous ces outrages ne flétrissent en rien la gloire de ses actions. Quelque louange que le duc de Beaufort mérite, ie croy qu'il est inimitable en ce qu'il est l'ennemy le plus irréconciliable du Mazarin et du Coadiuteur.

Tout ce que ie trouue à redire en luy, c'est qu'il a trop espargné ce dernier depuis qu'il a reconnu qu'il

L'auteur croyait donc que la Vérité toute nue, etc. qui précède, page 406, était du cardinal de Retz. A mon avis, incontestablement il se trompe.

n'estoit pas digne de ses affections; mais les héros de son génie ont plus de bras que d'yeux. Ne le flattons pas luy-mesme. Disons ce qu'il doit faire, puisqu'il ne le fait point. Ce n'est pas le tout que de hayr vn ennemy lorsque l'ennemy ne se borne point réciproquement à sa haine. La haine du Coadiuteur n'est inféconde que parce qu'elle est impuissante. S'il auoit le dessus sur luy, il le presseroit tant qu'il le crèueroit. Il faut donc que le Duc de Beaufort se serue de l'aduantage qu'il a, et qu'il fasse ressentir au Coadiuteur qu'il a plus de pouuoir que luy, en le faisant traiter comme vn ennemy impuissant.

Mais non; ie ne conseille pas encore cela au Duc de Beaufort. Qu'il suiue sa générosité; et, pour maltraiter bien rudement le Coadiuteur, qu'il le mesprise, qu'il luy tesmoigne, en dédaignant de le maltraiter, qu'il ne mérite seulement pas qu'il le maltraite. Le Coadiuteur ne craint rien à l'égal du mespris. C'est l'escueil de sa patience; c'est le suiet de son impatience.

Ie sçay bien qu'il n'a point tenu au Coadiuteur que ce schisme n'ait esté ietté dans l'intelligence de ces deux Princes (le prince de Condé et le duc de Beaufort). Le Marquis de Chasteauneuf y a trauaillé, mais n'y a pas réussi. Madame de Montbazon a mesme esté sollicitée pour ce mesme dessein par vn des plus proches de ce nouueau Cardinal; mais on luy a respondu qu'on n'estoit pas seulement en estat d'en vouloir escouter les premières propositions.

Le Duc de Beaufort voit bien que le Coadiuteur ne voudroit le désvnir d'auec le Prince de Condé que pour le perdre heureusement après l'auoir désvni. Tous les généreux luy pèsent sur les bras. Le Coadiuteur ne veut

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