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point d'amis s'il ne les commande. Il n'y a que les lasches qui s'y soumettent.

Disons donc que le Duc de Beaufort va de bon pied; qu'il est homme de cœur et d'honneur; qu'il est bien attaché au party, comme il l'a tousiours hautement tesmoigné. Il ne faut pas laisser de luy dire qu'il est à própos qu'il donne de l'esperon au Préuost des Marchands, dont on ne craint pas moins la modération que l'impétuosité de son prédécesseur.

LE COADJUTEUR.

Le Coadiuteur est vn ambitieux; cela est constant. C'est vn intrigant; cela ne se contredit point. C'est vn hardy; tout le monde en tombe d'accord. C'est vn violent; ; personne n'en iuge autrement. Voilà bien des qualitez qui sont incompatibles auec la supériorité.

Mais où dit-on qu'il aspire? Au Ministère d'Estat. Que fera-t-il pour y arriuer? Tout. Que faut-il faire pour y arriuer? Il faut destruire tous ceux qui peuuent s'y opposer. Qui sont ceux qui s'y peuuent opposer? Ceux qui ont desià ressenti l'effet de la puissance des Fauoris et qui doiuent estre au dessus par le mérite de leurs vertus et de leur naissance. C'est le Duc d'Orléans; c'est le Prince de Condé. Le premier n'est point à craindre, parce que, outré qu'il est trop bon, la proximité du Trosne le met à l'abry des violences. Le second est redoutable, parce qu'il est ambitieux et qu'il est en estat de craindre ceux que la faueur fait approcher du Trosne pour y seruir de premiers ministres.

Pourquoy est-ce donc qué le Coadiuteur a plus estudié de s'attacher au Duc d'Orléans qu'au Prince de Condé,

puisque ce dernier est à craindre et que l'autre ne l'est plus à cause de sa trop grande bonté? La raison en est claire : le Prince de Condé ne veut point d'autre maistre que le Roy. Le Coadiuteur veut commander à tous ceux qui seront au dessous du Roy. L'vn et l'autre visent à mesme but; le premier par le mérite de ses vertus et de sa naissance; le second par les suggestions seules de son ambition.

Le Coadiuteur ne hait pas Monsieur le Prince de Condé; mais il aime la souueraineté. Et comme il voit qu'il n'y peut arriuer par confidence, à moins qu'il ne destruise le Prince, il n'obmet que ce qu'il ne sçait pas pour s'en défaire.

Toutes ces réflections, qui ne sont pas moins infaillibles que les véritez de l'Éuangile, font conclure à certains politiques que si le Prince estoit réduit au choix ou à la nécessité de supporter l'vn des deux cardinaux dans le ministère, ou Mazarin ou Gondy, il supporteroit le Mazarin. Ie n'en doute pas. Tous les sages sont dans ce mesme sentiment. Le Mazarin a desià tant pillé qu'il n'est plus à craindre pour ses pilleries, parce qu'il s'est remply. Le Coadiuteur, outre qu'il est gueux, s'est encore tellement endebté qu'il est à craindre que le peuple payeroit ses debtes. Le Mazarin n'a point de parens dont l'éléuation par sa faueur puisse faire ombre à nos Grands et diuiser par mesme raison cet Estat. Le Coadiuteur en a vn si grand nombre qu'il seroit obligé par ses raisons politiques de renuerser tous les autres pour esleuer les siens.

Voilà les raisons générales. Pour les particulières : Mazarin n'est ni cruel, ni sanguinaire, ni violent. Tout ce qu'on peut dire de luy, c'est que c'est vn fourbe, vn

auare, vn ingrat et vn sot politique. Le Coadiuteur a toutes les mauuaises qualitez du Mazarin; mais il n'a pas les bonnes. Il est cruel et violent, tesmoin quand il fut d'aduis qu'il falloit sousleuer le peuple pour arracher les sceaux au Premier Président. Il est superbe et arrogant, tesmoin lorsqu'il voulut, l'an passé, à la porte de la Grand'chambre du Palais, entrer de pair auec le Prince de Condé, si ce dernier, iustement ialoux de son rang, ne l'eust rudement repoussé. Il est hardy et entreprenant, comme il le fit paroistre, l'année passée, dans toutes les assemblées du Parlement, où il ne venoit iamais qu'auec vne escorte de général d'armée.

Mais, pour coniecturer ce qu'il seroit s'il estoit premier Ministre d'Estat, il faut sçauoir que, parlant vn iour au comte de Lègues [marquis de Laigue], comme on dit, et au marquis de Noirmoustier, il leur asseura que, si le Mazarin eust esté plus séuère, c'est à dire plus cruel, il ne fust iamais deschu de son rang. Il vouloit dire par là, dit la glose: Si i'estois iamais ce que le Mazarin a esté, ie vous asseure, Messieurs, que si ie tenois en prison quelque Duc de Beaufort, quelque Mareschal de La Mothe ou quelque Prince du Sang qui m'eussent choqué, ie ne permettrois iamais qu'ils en sortissent que les pieds deuant. Mon Dieu! Mon Dieu! Mon Dieu! que le Mazarin reuienne plustost!

Cela me feroit quasi croire ce que certains ont remarqué, que M. le Prince de Condé n'a point poursuiui le Mazarin si viuement qu'il eust fait s'il n'eust redoubté ce successeur par la faueur du Duc d'Orléans et par la vengeance de la Reyne. Ie ne sçais s'il l'a fait; mais ie suis bien asseuré qu'il l'a deub faire et que le Coadiuteur n'a que trop tesmoigné que s'il arriuoit iamais à la con

fidence du Roy, il tascheroit d'y débuter par la perte du Prince. Cela veut dire que si les peuples veulent que le Prince les défasse du C. Mazarin, il est iuste que les peuples mettent le Prince à l'abry de ce qu'il doibt craindre du costé du Coadiuteur.

On a tort de reprocher au Coadiuteur qu'il est Mazarin, cela est vray; car il ne l'est pas ; mais néantmoins, cela n'empesche pas qu'il ne l'ait soustenu. Voilà la raison : le Coadiuteur ne peut s'esleuer au ministère que par la faueur de la Reyne et par la perte du Mazarin. Pour mériter la faueur de la Reyne, il faut qu'il la flatte où il luy démange, c'est à dire qu'il appuye apparemment les intérests du Mazarin, quoyqu'en effet il le déteste. Pour perdre le Mazarin, il faut qu'il ne désempare iamais l'esprit du duc d'Orléans. Pour donner encore à la Reyne vn motif de l'aimer, il faut qu'il se porte pour vn des plus grands ennemys du Prince de Condé. Voylà bien des contradictions qu'il a à mesnager. Ce n'est pas tout.

Pourquoy s'oppose-t-il si fortement aux poursuites du Prince de Condé contre le Mazarin? car il est assez constant que, sans la lenteur que les intrigues du Coadiuteur ont causée dans l'esprit du Duc d'Orléans, le Prince auroit desià terrassé tout le party de Mazarin. Et si les apparences ne sont pas trompeuses, nous le pouuons assez coniecturer de ce qu'il a fait, lorsqu'il a eu le loisir de se dérober aux intrigans pour prendre l'espée.

Le Coadiuteur veut bien que le Mazarin soit esloigné; mais il seroit bien marry que le Prince de Condé l'eust destruit par la force. Voilà pourquoy il l'a tousiours affoibly en s'efforçant d'affoiblir le concours du Duc d'Orléans. Mais pourquoy cela? me dira quelqu'vn. C'est que

si le party Mazarin venoit à succomber par vne extresme et visible foiblesse, le Prince auroit assez de force pour frustrer le Coadiuteur de l'espérance qu'il a dans le Ministère et pour empescher la Reyne mesme de l'y esleuer; au lieu que si le Mazarin ne succombe que lors même qu'il sera encore en estat de pouuoir résister, il laissera la Reyne en estat de pouuoir faire choisir au Roy celuy qu'elle voudra; et le Prince n'aura pas assez de pouuoir pour l'empescher; et la Reyne sera bien aise de porter son choix sur le Coadiuteur, tant en recognoissance de la complaisance qu'il luy a tesmoignée pour le restablissement du Mazarin, que parce qu'elle le iugera capable de seconder aueuglément toutes ses intentions pour la venger hautement du Prince de Condé.

PARIS.

Ie n'appelle pas Parisien celuy qui est né dans Paris; mais i'appelle Parisien celuy qui espouse les intérests de Paris sans aucune réflection à ses intérests particuliers. En ce sens, ie croy qu'il n'y a point de Parisiens dans Paris, parce que tous les Parisiens sont partagez à la deffense de ceux que l'intérest ou l'affection leur fait choisir. Ainsi Paris oblige tout le monde; et Paris n'oblige personne. Il en est de mesme de luy que du Parlement. Le Parlement oblige les vns et les autres parce qu'il a des particuliers dans son Corps qui sont partagez selon leurs intérests ou selon leurs inclinations; mais pour luy il n'oblige personne. Paris est pour le Prince ; Paris est pour le Mazarin, parce que Paris a des particuliers qui sont pour le Prince, et d'autres qui sont pour

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