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le Mazarin; mais en soy Paris n'est ni pour l'vn ni pour l'autre, parce qu'il n'espouse pas, comme il faut, les intérests de l'vn ni de l'autre.

A la iournée du faux bourg Sainct-Anthoine, où le Prince de Condé sauua Paris, Paris fit néantmoins cognoistre qu'il estoit Prince et qu'il estoit Mazarin tout ensemble. Son affection fut problématique en ce iour; et Mazarin et le Prince eurent esgalement subiect de s'en offenser et s'en tenir obligez.

La Vérité

continuant de prononcer ses oracles.

LE PREMIER PRÉSIDENT.

Tout le monde conuient que le Premier Président fait le politique et le grand homme d'Estat. Cela veut dire qu'il croit l'estre; mais cela ne conuainc pas qu'il le soit. Il est plus probable qu'il ne l'est pas pour cette seule raison qu'il le croit estre.

Le Premier Président affecte vne façon stoïque. Il fait l'apathique et le hardy. Lorsqu'il a plus de subiect de craindre, c'est alors qu'il se roidit le plus pour ne trembler pas. Ses regards sont estudiez; ses mouuemens sont tous composez; sa barbe mesme ne se remue iamais qu'auec compas. Il parle fort mais il est emphatique. Il ne rit que fort rarement; sa démarche est maiestueuse; son maintien graue; son visage fort vénérable.

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La piété donne la dernière couleur à tout cet extérieur. Voilà vne belle apparence. Si les effets ne la démentent point, c'est vn grand homme. S'ils sont contraires, c'est vn grand fourbe. Parlons-en vn peu.

Si le Premier Président est désintéressé, ie m'en rapporte. Le bruit, néantmoins, qui court du contraire, n'est pas trop desraisonnable. Il est constant que depuis ces derniers mouuemens il a paru diuersement intéressé, tantost pour le Prince de Condé, tantost pour le Mazarin.

Lorsque les Sceaux furent donnez au Premier Président, il estoit dans les intérests du Prince. Lorsqu'ils luy furent ostez pour estre redonnez au marquis de Chasteauneuf, il en sortit. Qu'est-ce qui l'obligeoit à ce changement? Si nous deuons déférer à la raison et à la créance publique, c'est l'esprit de vengeance qui le destacha du Prince, parce qu'il crut que le Prince luy pouuoit conseruer les Sceaux s'il se fust bien intéressé pour luy. Ce motif de changement est lasche. Celuy qui délaisse vn party par la seule raison que ses intérests ne s'y retrouuent pas, ne le condamne pas; mais il se condamne luy mesme en ce qu'il tesmoigne qu'il ne veut se donner qu'au plus offrant. Si c'est estre homme d'Estat, il faut réformer le Polibe et le Tacite. Passons outre.

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Pendant l'emprisonnement des Princes, le Premier Président fit le Ianus ou le Gérion, c'est à dire l'homme à deux ou trois visages. Il portoit bien les intérests du Prince de Condé; mais la force luy manquoit pour soustenir. Quelqu'iniustice qu'il vist en son emprisonnement, il n'en dit mot iusqu'à ce que sa lascheté lui fist voir que la tyrannie n'estoit pas assez absolue pour luy fermer la bouche. Il parla; mais c'est qu'il ne pouuoit

plus se taire. Il se déclara lorsqu'il vit que mesme ceux qui estoient moins que luy, s'estoient desclarez. Il fit l'empressé pour l'eslargissement des Princes lorsqu'il recognut que la tyrannie n'estoit plus en estat de le pouuoir plus refuser. Lorsque le torrent des voix l'emportoit, il parloit hautement, faisant le fier pour la défense des Princes. Lorsque les autres se taisoient, il se tenoit dans le silence, n'osant parler à moins qu'il n'y fust inuité par l'exemple de quelqu'vn qui fust plus hardy que luy....

Cette politique est-elle d'vn homme d'Estat? Le Premier Président est à qui plus luy donne; il attaque qui luy donne le moins. Il règle l'estime de celuy qu'il fauorise, à ce qu'il en reçoit. Il se fait achepter pour se reuendre à celuy qui luy donnera le plus, tellement que ceux qu'il sert, ne tiennent rien, à moins qu'ils ne le mettent en estat de ne pouuoir rien espérer de plus grand que ce qu'ils luy donnent. Voilà la politique des Suisses.

Le Premier Président a vieilly dans le Palais; aussi l'entend-il bien. Il n'est entré dans l'Estat que lorsqu'vn désintéressé de son aage en voudroit sortir; faut-il s'estonner s'il ne l'entend point. Aussi dit-on que c'est par cette seule raison qu'il n'y est pas intelligent, que le Mazarin l'a choisi parce qu'il ne craint que ceux qui en sçauent plus que luy, et qu'il sçait, outre cela, qu'il est des vertueux de la grand'manche. Ie m'en rapporte.

D'où vient donc cette hardiesse, cette grauité, cet aiustement extérieur, composé à la politique, qui semblent des vertus d'Estat? De sa barbe, de sa robe longue, d'vne présomption particulière, d'vn extérieur de piété et de la coustume qu'il a de prononcer son iugement sans appel.

LA DUCHESSE DE CHEUREUSE.

On ne peut pas nier à la Duchesse de Cheureuse qu'elle n'ait beaucoup entrepris. Tout le monde sçait qu'elle a donné le bransle à plusieurs grands mouuemens et qu'elle a esté l'intelligence de plusieurs grands desseins; mais le malheur est qu'on ne luy en attribue pas vn de bon. On dit qu'elle remue beaucoup, mais qu'elle n'establit iamais vne affaire. On dit qu'elle mesle bien vne intrigue, mais qu'elle ne peut iamais la démesler. On dit qu'elle sort fort bien d'vn labyrinthe, mais non pas sans s'engager d'abord dans vn autre. On dit qu'elle trouble bien, mais qu'elle ne calme iamais. Bref, on dit qu'elle brouille bien, et c'est tout dire. Mais cela est-il vray? Il faut le voir.

Il est probable que ses principes ne sont pas plus asseurez que ceux du Cardinal de Retz, son coadiuteur dans l'intrigue, puisqu'ils ne branslent que par mesme mouuement, ils n'agissent que par mesme principe. Les principes du Cardinal de Retz ne sont pas fort approuuez. On ne luy donne tout au plus que des souplesses et des bricoles dans la Politique, parce qu'on ne luy voit point produire aucun beau coup d'Estat; et comme on voit qu'il est assez intriguant pour désordonner le plus bel ordre, on dit qu'il est ou le bon disciple ou le bon collègue de la Cheureuse.

Cette conformité de génie qu'on recognoist dans les deux, fait qu'on en recherche plus curieusement la vérité pour n'en déférer qu'auec raison. On examine la conduite de la Duchesse de Cheureuse; on n'y rencontre iamais qu'vne importune suite de souplesses qui s'engagent in

sensiblement l'vne après l'autre et dont elle ne se dégage iamais. On examine l'économie du Coadiuteur; et la mesme confusion la rend désagréable; mais pour des Coups d'Estat, c'est à dire pour des traits de prudence qui fassent voir vn nouueau iour aux affaires dans leur plus grand embarras, ie pense que ny l'vn ny l'autre n'en ont iamais produit. La première n'a brouillé les cartes que pour en aller iouer le ieu hors de l'Estat. Elle n'est rentrée que par la porte qu'elle auoit ouuerte, c'est à dire les troubles. Elle n'y vit que par les tempestes qu'elle a souleuées; point d'ordre, point de calme, point d'économie dans sa conduite. Le Cardinal de Retz ne brouille pas moins. Sa conduite n'est autre chose qu'vne suite de souplesses entrelacées les vnes auec les autres. Il ne finit iamais, parce que, en sor tant d'vn abysme, il tombe dans vn autre. Il a l'intrigue inespuisable, parce qu'il n'a point de prudence qui la puisse borner par aucun coup d'Estat.

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Pour intriguer, il faut estre hardy au delà de la modération; la Duchesse de Cheureuse l'est dans la perfection. Il ne faut iamais se rebuter; elle est à l'espreuue des refus; et son Altesse Royalle le pourroit bien tesmoigner. Il ne faut iamais agir que par le motif de l'intérest c'est le seul de ses principes, comme il a tousiours paru. Il faut estre de deux visages: le Mazarin peut bien estre tesmoin qu'elle entend ce mestier. Il faut faire semblant de hayr ceux qu'on aime, et d'aimer ceux qu'on hait: elle triomphe dans ce déguisement. Il faut estre actif, prompt et vigoureux : c'est son génie. Et, pour conclure en vn mot, il faut tousiours engager les affaires, soit en semant de faux bruits, soit

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