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en diuisant les vns d'auec les autres, soit en faisant naistre de nouuelles conionctures, soit en faisant tirer toutes choses en longueur pour se rendre nécessaire : c'est en quoy l'esprit de la Duchesse de Cheureuse se fait remarquer parmy les plus intelligens.

LE COMTE D'HARCOURT.

Le Comte d'Harcourt est soldat, dit on; mais il n'est pas capitaine. Il a le bras bon; mais il a la teste foible. Il fait bien; mais il délibère mal. Il a l'action forte; mais sa conception est foible. C'est vn Briare; mais pour cent bras, il n'a pas vn cerueau..........

Ceux qui le défendent, disent qu'il a tousiours laissé les branches pour ne s'attacher qu'au tronc. Ceux qui l'accusent, disent qu'il s'attache aueuglément; qu'il a trop de complaisance pour vn homme de cœur ; qu'il ne se recognoist pas, parce qu'il se prostitue à toute sorte d'employs; qu'il cherche l'honneur, mais par les voies de l'intérest, ou qu'il cherche plustost où il y a à gagner, que où il y a à se signaler.

On dit qu'il obéyt aueuglément; qu'il ne regarde pas si le ministre est tyran, mais s'il est fauory. Cela est bien honteux; mais cela est-il vray? Après l'action qu'il fit en escortant les Princes iusques au Haure, on n'en a iamais douté. Il est vray que cette complaisance estoit bien honteuse et qu'on s'estonna bien de voir qu'vn prince de Lorraine faisoit le Grand Préuost après auoir esté général d'armée1.

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« Pour vingt mille francs, le comte d'Harcourt a vendu sa naissance et sa renommée, après avoir vendu sa conscience. »>

L'Expédition héroïque du comte d'Harcourt, etc. [1333].

Cependant c'est un grand preneur de villes. Cazal et Turin valent bien Villeneuue et La Réole. Il s'est rendu maistre de ces deux là; pourquoy a-t-il eschoué deuant ces deux cy1? La raison, dit-on, en est claire. Il auoit des bras et des testes deuant Cazal et deuant Turin. Il n'auoit que des bras deuant Villeneuue. Turenne, Du Plessis, La Mothe lui manquoient. Quand il est tout seul, il ne fait rien. Quand il est en Compagnie, il fait des merueilles; mais c'est qu'il faut que les autres fassent tout. Il ne paye que de bonne mine; point de ieu si on ne luy conduit la main.

LE MARESCHAL DE TURENNE.

Le Mareschal de Turenne est braue; mais il est malheureux. S'il auoit le bonheur, il auroit les quatre vertus que Cicéron demandoit autrefois à vn général d'armée. Ses pertes luy sont illustres; ses désaduantages ne dérogent en rien à sa gloire. Qu'il soit vainqueur ou qu'il soit vaincu, on dit tousiours qu'il a bien fait. Aussi il ne perd iamais qu'il ne gagne. Depuis ces troubles, la bataille de Sommepuits près de Rhétel', la déroute de Chastillon', la iournée du faux bourg Sainct Anthoine luy ont esté toutes aduantageuses pour ce qui est de la gloire, mais toutes désaduantageuses pour ce qui est du profit;

'Le siége de Villeneuve d'Agen est un des grands événements de la Fronde dans la Guienne. Il fut levé le 2 juillet 1652. Levée du siége de Villeneuue d'Agénois, etc. [2298]. - Relation véritable de ce qui s'est fait

et passé à l'attaque de la ville de la Réole, etc. [3199].

* Plus connue sous le nom de bataille de Rethel, le 18 décembre 1650. -Lettre du Roi.... contenant.... tout ce qui s'est fait et passé à Rethel, etc. [2186].

C'est le combat de Bleneau, le 7 avril 1652.

car il n'a jamais esté vainqueur. Cette cognoissance qu'on a de son destin, fit dire à certains, lorsqu'il accepta l'employ de général de l'armée mazarine, qu'il estoit braue, mais que sa brauoure ne seruiroit que pour rendre nos triomphes plus illustres, parce qu'il estoit en prescription d'estre tousiours vaincu. Ne luy disputons pas la gloire d'estre grand capitaine; il l'est sans contredit.... Après ce qu'il fit pendant l'emprisonnement du Prince, est-il bien croyable qu'il fasse ce qu'il fait auiourd'huy Il en est en cela de luy comme des autres: il ne trauaille que pour l'intérest; c'est le dieu du cœur. La gloire n'est que le dieu de la bouche. Si le Prince, dit-on, luy eust voulu promettre la lieutenance de Guyenne et le Duché d'Albret, si le Duc d'Orléans luy eust voulu donner le commandement de ses troupes et l'oster au Duc de Beaufort, on croit qu'il ne se fust pas fait Mazarin. Le désespoir et l'intérest l'ont ietté dans ce party.

En tout cas, ie ne le blasme que d'auoir cru triompher d'vn party que son maistre appuye. Ie ne le blasme que d'auoir cru trouuer ses intérests chez le plus intéressé de tous les hommes. Ie ne le blasme que d'auoir pris vn party choqué de toute la haine de l'Estat. Ie ne le blasme que d'auoir cru trouuer l'intérest en le cherchant. Vn braue comme luy ne doit viser qu'à la gloire. Tous les autres obiects le doiuent faire rougir; et s'il aime autre chose que ce qui fait l'honneste homme, il cesse de l'estre.

LE CARDINAL MAZARIN.

Il est vray que le Mazarin n'a fait que ce que tous ses

prédécesseurs dans le Ministère ont fait; mais son malheur est qu'il n'a pu piller que ce qui estoit nécessaire pour subsister, et qu'en ostant ce mauuais reste, il a fait crier au voleur. S'il eust pu piller sans tout rauir, il eust esté vn voleur impuny. Il a esté malheureux en ce qu'il est venu le dernier et qu'il a esté obligé de piller ce qu'on ne pouuoit perdre sans perdre patience. Quand vn peu ple est riche, les premiers voleurs d'Estat pillent sans danger parce qu'ils pillent dans l'abondance. Les seconds commencent à faire murmurer, parce qu'on voit du décroissement dans les finances. Les derniers sont heureux s'ils ne sont assommez, parce qu'ils ne peuuent rien prendre sans prendre tout.

On ne nie pas que Mazarin ne soit vn voleur : c'est son premier mestier; c'est le mestier de ses pères ; c'est la profession de ses ancestres; mais on sçait que, parmy les Ministres d'Estat, il n'a pas esté le seul voleur. Il a peut estre esté le plus insatiable ou le plus prompt à voler; et c'est de quoy ie l'accuse. S'il nous eust despouillez peu à peu, nous eussions encore esté assez sots pour n'en dire mot. Au lieu de retenir le manteau, nous luy aurions peut estre donné la chemise. Son auidité l'a perdu; et l'énormité de son butin l'a rendu trop visible pour le tolérer.

Cette auidité n'est pas la seule cause de la perte du Mazarin. Il a voulu se rassasier de l'honneur comme il se rassasioit de la substance du peuple. Cette mesme qualité de coquin de naissance luy a causé cette soif d'honneur inaltérable. Pour la contenter à l'esgal de l'autre, il a fallu d'abord faire marchepied de tout ce qu'il y a eu de grand dans l'Estat. Les grands s'en sont rebutez; les

généreux se sont liguez; et tous vnanimement ont conspiré sa ruine.

Pour moi, ie n'accuse le Mazarin que d'auoir eu vne politique qui ne luy a point réussi. C'est vn coquin de fortune qui a eu de l'ambition. Il en a suiuy les mouuemens; il les a mesnagez le mieux qu'il a pu. Si la politique des Estats se mesnageoit comme l'intrigue des filous et des bandits, il y eust peut estre réussi. Il n'estoit que pour estre charlatan ou tout au plus estafier dans quelque maison de Cardinal. Il a veu que la France n'estoit pas trop difficile pour le choix des hommes d'Estat; il y est reuenu; il a réussi; on l'a receu à bras ouuerts. Tous les grands luy ont fléchi le genouil. Les peuples l'ont adoré. La Reyne l'a fait son indépendant. Pourquoy l'accusons-nous ?

Ne sçauions-nous pas qu'il estoit d'Italie? qu'il n'estoit entré dans nos bonnes grâces que par vn trait de fourbe? Ne nous auoit-on pas dit qu'il estoit surnommé le pipeur et le charlatan par antonomaze? Pouuions-nous ignorer qu'il eust fait le mestier d'introduire les ambassadeurs de Vénus ou les estalons d'amour?

Ce n'est pas luy qui est coupable, mais ceux qui l'ont protégé et le protégent. Il a fait ce qu'il deuoit faire et que tout autre que luy n'eust pas manqué de faire s'il l'eust peu. Tous ses manquemens et tous ses attentats sont les crimes de ses protecteurs. Ce sont eux qui doiuent estre punis de toutes ses maluersations. C'est à eux que la Iustice s'en doit prendre.

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