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née de deuant, aux troubles qu'il y auoit pour l'accabler?

Il eust été donc plus aduantageux à la France que M. le Prince eust esté Sur-Intendant des Mers, que Mazarin le Directeur. Toulon et Marseille ne pleureroient pas le triste débris de la puissance qui nous rendoit auparauant qu'il s'en fust meslé, redoutables; et nous aurions plus de réputation sur mer, plus de vaisseaux et de galères dans nos ports que nous n'auons pas, et plus d'argent dans l'Espargne; les vaisseaux et galères ne s'étant ruinées et perdues que pour en auoir trop peu receu et retenu pour soy, et trop transporté pour luy.

Que si on a donné à ce Prince les Domaines de Clermont et de Stenay, ç'a esté pour luy adoucir les amertumes d'vne si belle despouille qu'il méritoit bien et pouuoit obtenir par tant de titres : par la qualité de beau frère, par celle de sa naissance et par celle de la iustice publique. Vn Prince mérite tout qui conserue tout, et qui venoit tout fraischement, auant ces bienfaits, d'emporter Dunkerque et estendre les limites du Royaume et sa gloire.

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Quant aux gratifications qui ont esté faites de Danuilliers au Prince de Conty, la pension de cent mil liures et la place dans le Conseil, ça esté vne suite du traisté de Paris auec Sa Maiesté; et tandis que les deux frères estoient d'vn parti contraire, où estoit lors l'intelligence entre eux pour rapporter et imputer à l'vn ce qui est accordé à l'autre? Pour l'entrée au Conseil durant la minorité elle ne peut estre estimée vne grâce à vn Prince du Sang, qui y a droit fondamental par sa naissance et

Les Articles de la paix conclue et arrêtée à Ruel, etc. [413].

par la condition du temps, ainsi que nous avons veu cy dessus.

La permission qu'on donna à feu M. le Prince d'acheter Bellegarde de M. le Duc de Bellegarde, ne méritoit pas d'estre exagérée entre les bienfaits. Car le commerce est libre en France d'achepter des terres; iusques® là qu'on y a veu des roturiers acquérir des Duchez, tesmoin Charlot le Duché de Fronssac. C'est vne faueur qui ne se refuse à personne et qu'il n'est pas mesme nécessaire de demander au Prince, auquel il suffit de payer les droicts Seigneuriaux, selon la coutume du pays où les terres sont situées.

Que si cette grâce s'entend du gouuernement de Bel⚫legarde, les Finances n'en ont point esté espuisées; il a peu cousté à la Reyne. l'ay ouy dire qu'il a esté payé au Mareschal de la Motte par sa prison, et que c'est la seule récompense qu'il en a eue, si on ne veut lui mettre Pierre en Cize' en ligne de compte pour eschange; de sorte que l'on peut soustenir auec vérité que la seule faueur que M. le Prince possède personnellement depuis la Régence, est le don, qui n'est pas trop certain, des Domaines de Stenay et Clermont qui n'esgalent pas la perte qu'il a faite dans sa maison de la Sur-Intendance de la Marine qui luy estoit due par bienscéance, à cause de la mort de son beau-frère, tué dans le seruice à Orbitel.

Pour le Prince de Condé, on voit par ces remarques la querelle d'Allemand qu'on luy a faite, et les foibles raisons qu'on a eues de l'arrester auec les autres Princes

Où il fut enfermé.

qui ont esté entraînez dans sa disgrâce. Ce sont tous prétextes inuentez pour siller les yeux et amuser le monde; car la vérité de l'histoire est que les motifs contenus en la lettre n'en sont pas la cause. C'est pourquoy pour toucher au but, en laissant au Cardinal les souplesses de son mestier et les destours, il faut remarquer que depuis sa Régence, la Reyne se reposant entièrement des affaires sur le Cardinal Mazarin, il a gouuerné comme en Souuerain, iusques à ce que la hayne des peuples et des parlemens esclatast, l'année dernière, contre son mauuais gouuernement. Mais après que la protection de M. le Prince l'eut conserué, voulant gouuerner comme auparauant, il trouua que les seruices et la puissance de ce Prince luy partageóient en quelque façon sa première authorité; ce qui parut principalement lorsqu'il empescha le mariage de M. de Mercœur auec sa niepce Mancini et que la Sur-Intendance de la Marine, par mesme moyen, ne fust donnée à M. de Vendosme, comme il estoit stipulé dans les conditions du sacrifice de son fils auec ladite Niepce.

Mescontentement qui a tellement touché le Cardinal qu'il n'a pas eu la force ou discrétion de le dissimuler dans cette lettre, Dieu l'ayant volontiers permis, afin qu'il descouurist luy mesme les véritables motifs de la détention du Prince, parmy tant de déguisemens dont il l'ombrage.

Mais à vray dire pour cette action, le Prince mérite d'estre loué de tout le monde, et non pas excusé. Aussi sa conduite fut elle autant uniuersellement approuuée comme cette alliance estoit méprisée, laquelle il n'y a pas d'apparence qu'il ayt iugée fort utile six mois auparauant comme porte ladite lettre, s'il n'auoit lors les

sentimens aussi corrompus, en ce rencontre, comme il les eut mauuais en la protection qu'il a donnée audit Cardinal.

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La seconde chose qui a beaucoup piqué le Cardinal, a esté les trauerses que ce Prince luy a données au gouuernement de Picardie et aux places de Péronne et de la Citadelle d'Amiens, desquelles il vouloit traitter et se rendre maistre; ce qui contraignit les Gouuerneurs de se retirer dans leurs Villes et implorer son assistance contre la violence dudit Cardinal qu'ils arrestèrent par ce moyen.

Mais ce qui, en dernier lieu, luy a esté extresmement sensible, est le Mariage du Duc de Richelieu auec Madame du Pont que ce Prince auoit fauorisée. Ce coup lui rauissoit ses espérances et le fruit du proiet qu'il auoit fait depuis tant de temps, d'attirer le Duc de Richelieu dans son alliance et par vn mariage de se rendre maistre de la fortune, maison et places du feu Cardinal. C'est pourquoy voyant qu'il trouuoit tousiours M. le Prince depuis peu pour obstacle aux grandeurs de sa maison et qu'il rompoit toutes ses mesures, son intérest animant son ressentiment, et non pas celuy de l'Estat, il a porté la Reyne à cette violence de l'arrester.

Cette action est si hardie pendant la minorité d'vn Roy que la postérité s'estonnera de la foiblesse des François de l'auoir endurée pour la considération d'vn estranger. Mais comme il n'y a qu'impétuosité et point. de règle certaine parmy les peuples qui souffrent le froid et le chaud à mesme temps, il est de la dignité du Parlement, et l'on peut dire du maintien de son authorité,

Discours sur l'entreuue du Cardinal Mazarin et de M. d'Hocquincourt, gouuerneur de Péronne [1145].

de se resueiller à ce coup et d'apporter remède à cette entreprise, après laquelle ses autheurs sont capables de tout faire, non seulement de casser les dernières Déclarations, mais aussi de se venger de luy; tout ce qu'il en peut espérer, estant la faueur que promettoit le Cyclope à Vlysse, d'estre mangé le dernier. A luy seul appartient par priuilége et prérogatiue spéciale de pouuoir connoistre de l'iniure faite à des Princes de cette qualité; et son deuoir l'oblige, pour affermir la seureté publique, d'examiner les causes de leur emprisonnement et de les chastier s'ils sont coupables; mais aussi s'ils sont innocens, de faire vne punition exemplaire de ceux qui, abusant de la minorité du Roy, ont, contre l'ordre de la iustice, exécuté leur passion sur des suiets si considérables. Il y a d'autant plus de raison en cette occurrence que cette détention est contre les formes et les loix du Royaume, lesquelles en temps de minorité doiuent estre obseruées sans qu'vne Régente en vertu de son pouuoir puisse s'en départir et les violer. Durant icelle, l'emprisonnement des Princes du Sang est sans exemple, ainsi que nous auons remarqué; combien à plus forte raison doit toucher celuy cy, qui n'est fondé que sur des intrigues de cour, sur des intérests de la famille de Mancini et sur des prétextes imaginaires qui peuuent pareillement enuelopper quelque innocent que ce soit, contre la nécessité du temps qui obligeroit mesme à dissimuler ou à excuser les défauts du Prince de Condé, s'il en auoit aucun, pour s'arrester sur sa valeur, ses grands seruices et sa haute réputation, qui a conserué iusques icy la Régence et l'Estat par ses prospéritez.

Ce prince tient le premier rang entre les hommes au salut desquels dans ces temps difficiles de la guerre la

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