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et ses pénates vaincus. Déchaîne la fureur des vents, brise et submerge ses vaisseaux, ou disperse au loin leurs débris, et que les corps des Troyens roulent à la merci des ondes. J'ai quatorze nymphes d'une éclatante beauté : la plus belle de toutes, Deiopée, sera le prix du service que j'attends de toi elle t'appartiendra par les saints nœuds de l'hyménée; et, compagne éternelle de tes jours, cette nymphe te donnera des enfans qui seront beaux comme elle. »

:

<«< REINE, répond Éole, à vous il appartient de commander, à moi d'exécuter vos ordres. Tout ce que j'ai de pouvoir en ce royaume, c'est de vous que je le tiens; c'est à vous que je dois mon sceptre et la faveur de Jupiter; c'est vous qui m'avez fait asseoir à la table des dieux; et c'est par vous que je commande aux nuages et aux tempêtes. >>

IL dit ; et, du revers de sa lance, il frappe et ouvre les flancs de la montagne. Soudain, par cette issue, se précipitent en tourbillons les vents : ils ravagent la terre, et s'étendent sur les mers. L'Eurus, et le Notus, et le vent d'Afrique, fécond en orages, soulèvent dans leurs abîmes les ondes, et roulent leurs vastes flots mugissans sur la grève. Alors s'élèvent confondus et les cris des nochers, et le sifflement des cordages. La nue épaisse dérobe aux Troyens et le ciel et le jour : une effroyable nuit pèse sur les eaux; les cieux tonnent, des feux rapides sillonnent l'éther, et tout présente aux nautonniers la mort inévitable.

DANS ce danger Énée sent ses membres glacés ; il gémit, et levant ses mains vers les cieux : « O trois et

Talia voce refert: O terque quaterque beati,

Queis ante ora patrum, Trojæ sub moenibus altis,
Contigit oppetere! O Danaum fortissime gentis
Tydide! mene Iliacis occumbere campis

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Non potuisse, tuaque animam hanc effundere dextra,
Sævus ubi acidæ telo jacet Hector, ubi ingens
Sarpedon; ubi tot Simois correpta sub undis
Scuta virum galeasque et fortia corpora volvit !
TALIA jactanti stridens aquilone procella

Velum adversa ferit, fluctusque ad sidera tollit.
Franguntur remi; tum prora avertit, et undis
Dat latus insequitur cumulo præruptus aquæ mons.
Hi summo in fluctu pendent; his unda dehiscens
Terram inter fluctus aperit: furit æstus arenis.
Tres Notus abreptas in saxa latentia torquet :
Saxa vocant Itali, mediis quæ in fluctibus, Aras :
Dorsum immane mari summo. Tres Eurus ab alto
In brevia et syrtes urget, miserabile visu!
Illiditque vadis, atque aggere cingit arenæ.

UNAM, quæ Lycios fidumque vehebat Orontem,
Ipsius ante oculos ingens a vertice pontus
In puppim ferit: excutitur, pronusque magister
Volvitur in caput; ast illam ter fluctus ibidem
Torquet agens circum, et rapidus vorat æquore vortex.
Apparent rari nantes in gurgite vasto;

Arma virum, tabulæque, et Troia gaza per undas.

quatre fois heureux, s'écrie-t-il, ceux qui, devant les yeux de leurs parens, sont tombés sous les remparts de Troie! O le plus vaillant des Grecs, fils de Tydée, que n'ai-je pu succomber sous l'effort de ton bras dans ces champs d'Ilion, où Hector a été renversé par la lance d'Achille, où a été enseveli le grand Sarpedon, où le Simoïs a roulé, dans ses ondes, tant de boucliers et tant de casques, et les et les corps de tant de héros ! »

MAIS, tandis qu'il exhale ces plaintes, la tempête qui gronde, agitée par l'aquilon, frappe de côté la voile, et lance les flots vers les astres. Les rames se brisent, la proue est détournée, et le navire présente ses flancs aux ondes soulevées. Les flots pressés s'élèvent en montagnes. Parmi les nochers, les uns sont à la cime des vagues, suspendus; les autres voient le sable bouillonnant dans le sein entr'ouvert de l'abîme. Trois navires, qu'emporte le Notus, sont jetés sur ces rochers cachés sous l'onde, que l'Italie nomme les Autels, et dont le dos immense se prolonge à la surface des eaux. Entraînés par l'Eurus, trois autres navires (ô spectacle déplorable!) sont lancés sur des syrtes, échoués sur l'arène, et ceints d'un rempart de sables mouvans.

UNE nef, qui portait les Lyciens et le fidèle Oronte, est assaillie, sous les yeux d'Énée, par une vague énorme qui s'élève au dessus de ses flancs, et retombe sur la poupe. Le pilote courbé sous cette masse, roule, la tête inclinée, dans les flots. Le navire tourne trois fois sur lui-même, et le gouffre rapide le dévore. Il n'apparaît que quelques malheureux nageant sur le vaste abîme, où flottent les armes des guerriers, les tables du naufrage et les trésors de Troie. Déjà le puissant navire d'Ilionée,

Jam validam Ilionei navem, jam fortis Achatæ,
Et qua vectus Abas, et qua grandævus Alethes,
Vicit hiems; laxis laterum compagibus, omnes
Accipiunt inimicum imbrem, rimisque fatiscunt.
INTEREA magno misceri murmure pontum,
Emissamque hiemem sensit Neptunus, et imis
Stagna refusa vadis graviter commotus, et alto
Prospiciens, summa placidum caput extulit unda.
Disjectam Æneæ toto videt æquore classem;
Fluctibus oppressos Troas cœlique ruina.

Nec latuere doli fratrem Junonis et iræ.

Eurum ad se Zephyrumque vocat; dehinc talia fatur :
Tantane vos generis tenuit fiducia vestri?

Jam cœlum terramque, meo sine numine, venti,
Miscere, et tantas audetis tollere moles?

Quos ego...
Sed motos præstat componere fluctus.
Post mihi non simili pœna commissa luetis.
Maturate fugam, regique hæc dicite vestro :
Non illi imperium pelagi sævumque tridentem,
Sed mihi sorte datum. Tenet ille immania saxa,
Vestras, Eure, domos; illa se jactet in aula
Eolus, et clauso ventorum carcere regnet.

Sic ait, et dicto citius tumida æquora placat;
Collectasque fugat nubes, solemque reducit.
Cymothoe, simul et Triton adnixus, acuto
Detrudunt naves scopulo : levat ipse tridenti;

déjà celui du généreux Achate, et ceux qui portent le vaillant Abas et le vieil Aléthès, sont vaincus par la tempête. Leurs flancs, dont les ais se disjoignent, reçoivent l'onde ennemie, et s'entr'ouvrent de toutes parts.

CEPENDANT, par le grand murmure des ondes, Neptune est averti que la tempête les agite dans leurs profondeurs. Gravement ému, et portant au loin sa pensée, il élève un front calme au dessus des vagues. Il voit les vaisseaux d'Énée luttant épars sur la vaste mer, et les Troyens qu'accablent les flots soulevés et les cieux en courroux. Il reconnaît les artifices et les fureurs de Junon. Il appelle Eurus et Zéphyre: «Tant d'audace, ditil, vous vient-elle de votre origine? Vents rebelles, vous osez sans mon aveu agiter le ciel et la terre, et ébranler de si puissantes masses? Je devrais... Mais avant tout il faut calmer les flots émus. Dorénavant, pour un tel attentat, vous recevrez un autre châtiment. Fuyez, et dites à votre roi que ce n'est pas à lui, mais à moi, que sont échus l'empire des mers et le trident redoutable. Éole possède d'affreux rochers qui sont, Eurus, votre demeure; qu'il soit vain de son pouvoir dans ce palais, et qu'il règne sur la prison obscure des vents. »

Il dit; et soudain il abaisse et calme les flots; il chasse les nues amoncelées, ramène le jour; et, tandis que, réunissant leurs efforts, Cymothoé et Triton dégagent les navires suspendus aux pointes des rochers, lui-même il les soulève de son trident, ouvre les vastes syrtes qui

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