Posthabita coluisse Samo; hic illius arma, Hic currus fuit; hoc regnum dea gentibus esse, PROGENIEM sed enim Trojano a sanguine duci Troas, relliquias Danaum atque immitis Achillei, Errabant acti fatis maria omnia circum : de la terre Samos même avait pour elle moins d'attraits. Là, reposaient ses armes et son char; et déjà elle tendait, si les destins l'eussent permis, à donner à Carthage l'empire du monde. MAIS elle avait appris qu'une race de guerriers, sortie du sang troyen, renverserait un jour les murs de Carthage; que ce peuple-roi, dominateur au loin, superbe arbitre de la guerre, viendrait pour la ruine de la Libye. Ainsi déjà les Parques filaient ces grands évènemens. A CETTE crainte de la fille de Saturne, se joint le souvenir des combats qu'elle a livrés, sous les remparts d'Ilion, pour les Argiens qu'elle protège. Dans son cœur demeurent profondément gravés, avec le jugement de Pâris, l'injure de sa beauté méprisée, sa haine contre une race odieuse, l'enlèvement et les honneurs de Ganymède. Enflammée par ces outrages, elle repoussait loin du Latium les Troyens, jouets des flots, restes de la fureur des Grecs et de l'impitoyable Achille. Depuis sept ans, poursuivis par le destin, ils erraient sur toutes les mers: tant il était difficile de fonder l'empire romain! A PEINE les terres de Sicile disparaissaient aux regards des Troyens, qui, joyeux, dirigeaient leurs voiles vers la pleine mer, et de leurs proues d'airain fendaient les vagues écumantes, Junon, qui garde au fond de son cœur sa blessure éternelle : « Eh quoi, dit-elle, moi, vaincue, j'abandonnerais ce que j'ai commencé! je ne pourrais détourner des rivages de l'Italie les chefs des Troyens! et les destins voudraient me le défendre! Eh quoi, Pallas a pu, pour la faute d'un seul, pour châtier les fureurs du fils d'Oilée, brûler la flotte des Grecs, et les Ipsa, Jovis rapidum jaculata e nubibus ignem, TALIA flammato secum dea corde volutans, submerger au sein des vastes mers! Elle-même, lançant, de la nue embrasée, les feux rapides de Jupiter, a pu déchaîner les vents, disperser les vaisseaux argiens, bouleverser les ondes, enlever dans un tourbillon Ajax, dont le sein, percé par la foudre, exhalait la flamme, et l'attacher mourant au sommet aigu d'un rocher! Et moi qui marche, reine des dieux, moi, la sœur et l'épouse de Jupiter, c'est en vain que, depuis tant d'années, je fais la guerre à une seule nation! Qui voudra désormais adorer la divinité de Junon, et porter, en suppliant, des vœux à ses autels? >> ROULANT ces pensées dans son cœur enflammé, la déesse arrive dans la patrie des nuages, l'Eolie, où s'engendrent les autans furieux. C'est là que, roi de cet empire, Éole comprime, dans de vastes cavernes, les vents tumultueux et les orages grondans. Les vents s'indignent, enchaînés dans leurs prisons, et la montagne retentit au loin de leurs frémissemens. Assis sur un roc élevé, et le sceptre à la main, Éole modère leur fougue, et dompte leur furie. S'il n'avait ce pouvoir, les mers, la terre et les cieux immenses, entraînés dans leur vol rapide, rouleraient confondus dans l'espace : mais, craignant ce désordre, le père des dieux enferma les vents dans des antres profonds; il entassa sur eux de hautes masses de rochers, et leur donna un roi qui, soumis luimême à ses ordres suprêmes, sut tantôt retenir, et tantôt abandonner les rênes à leur fureur. C'EST à lui que Junon suppliante adresse ce discours : Éole, roi des vents (car c'est à toi que le père des dieux et le maître des hommes a donné le pouvoir d'apaiser les flots, et de les soulever), un peuple, qui m'est ennemi, navigue sur la mer de Tyrrhène, portant en Italie Ilion Ilium in Italiam portans, victosque Penates: HÆC ubi dicta, cavum conversa cuspide montem Una Eurusque Notusque ruunt, creberque procellis |