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nance. Si assirent leurs engins, canons, bombardes et aussi pierres', ès lieux plus convenables pour plus gréver ladicte ville. Et les asségez pareillement advisèrent toutes les voies et manières comment ilz pourroient gréver leurs ennemis par leur traict et canons et habillemens de guerre. Les seigneurs qui dedens estoient asségez estoient de cuer tristes et dolens, pour les innumérables dommages et démolicions de ladicte ville et cité. Toutesfoiz le duc d'Acquitaine, filz et lieutenant du Roy, par l'induction d'aucuns, aiant en sa mémoire et considéracion la désolacion de si noble cité et qui estoit la supellative de toute la région d'Auvergne et de Berry, de laquelle il devoit estre hoir, et que ce lui pourroit redonder à grant dommage, fist commandement et défense aux cannoniers et à ceulx qui se mesloient de gecter pierres et de telz engins gouverner, qu'ilz n'en gectassent plus contre ladicte cité, sur peine de perdre la teste. Dont le duc de Bourgongne, qui s'esforçoit de gréver icelle et ceulx de dedens, fut moult esmerveillé, et eut grant souspeçon que le duc d'Acquitaine n'eust sa pensée changée et qu'il ne feust meu de pitié contre ses adversaires. Et tant que entre les besongnes sur la matière dicte et proférée entre eulx deux, le duc d'Acquitaine son gendre lui dist absolutement, qu'il feroit finer la guerre. Adonc ledit duc de Bourgongne lui pria que se il vouloit ce faire, au moins feist selon la conclusion du conseil du Roy qui avoit esté faict à Paris derrenièrement, c'estassavoir que se en humilité ne se

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1. Lisez perriers, c'est-à-dire pierriers, comme dans le ms. Suppl. fr. 93.

venoient rendre et soubmectre à sa voulenté, il ne les recevroit pas, et néantmoins quelque chose qu'il lui requeist, il ne lui vouloit requérir chose qui feust à son deshonneur. A quoy le duc d'Acquitaine répliqua et dist, que voirement la guerre avoit trop duré et que ce estoit et avoit esté ou préjudice du royaume et du Roy son père, et qu'à lui mesmes povoit redonder, et aussi ceulx contre qui ladicte guerre se faisoit estoient ses oncles, cousins germains et prouchains de son sang, dont il povoit estre grandement servy et accompaigné en tous ses afaires, mais bien vouloit qu'ilz venissent à l'obéissance du Roy son seigneur et père, ainsi que autrefois au partement de Paris avoit esté pourparlé. Après lesquelles paroles et plusieurs autres, ledit duc de Bourgogne se commença fort à humilier envers ledit duc d'Acquitaine, et apperçut assez que par aucuns grans seigneurs il avoit esté instruit ès besongnes dessusdictes, et entre les autres choses se doubta fort et eut grant suspicion sur le duc de Bar, et depuis certain temps après monstra assez clèrement qu'il n'estoit point bien content de lui. Toutesfoiz il dist là au duc d'Acquitaine, qu'il estoit bien content que les traictiez se poursuissent selon son plaisir, à l'onneur du Roy et de lui. Adonc fut-il ordonné à ceulx qui autrefoiz s'en estoient entremis, qu'ilz poursuissent leur matière. Lesquelz le firent voulentiers. Et quant ilz orent mis par escript les demandes et responses des deux parties, iceulx médiateurs et appoincteurs firent requeste aux princes, que le duc de Berry et le duc de Bourgongne peussent convenir ensemble et eulx entremectre de traicter la paix. Laquelle requeste fut accordée de par le Roy et son filz le duc

d'Acquitaine, et aussi de l'autre partie. Et ainsi convindrent ensemble l'oncle et le parrain, et le nepveu et filleul. Et fut la place eslevé en ung maretz qui estoit assez seur, car chascun n'avoit pas grant fiance en sa partie et pour ce avoit esté le lieu ordonné et advisé par les parties en ladicte place. Ouquel lieu estoient faictes barrières toutes propices, sur lesquelles les ducs de Berry et de Bourgongne eulx là venus, se apuièrent l'un contre l'autre et chascun son conseil derrière lui, aux quelz ilz avoient aucunes foiz recours en leurs traictiez et responses en leurs articles. Et, à cautelle, avoient aussi chascun son assemblée de gens d'armes en certains lieux assez près d'eulx, sans ce qu'ilz peussent riens oyr de leurs consaulx. Et estoient tous deux armez très bien et bel. Et avoit le duc de Berry, non obstant qu'il feust aagé de plus de soixante dix ans, espée, dague et hache d'armes, capeline d'acier en la teste, et ung fermeillet moult riche ou front devant, et dessus ses armeures une jaquette de pourpre et la bende2 au travers toute semée de marguerites. Et environ deux heures après qu'ilz eurent esté ensemble, ledit duc de Berry dist au duc de Bourgongne par manière de ramposne3: «< Beau nepveu et beau filleul, quant beau frère vostre père vivoit, il ne falloit point de barrière entre nous deux, nous estions bien d'accord moy et lui. » A quoy ledit duc de Bour

1. Fermeillet, petit fermail. On entendait par ce mot tout ce qui ferme, agrafe ou retient quelque chose.

2. La bende au travers. C'est la bande d'étoffe adoptée par les Armagnacs comme signe de ralliement. De là vient que l'auteur du Journal d'un bourgeois de Paris les appelle communément les bandés. 3. Ramposne, raillerie.

gongne respondi: « Monseigneur, ce n'est point par moy. » Et lors ledit duc de Berry remonta sur son cheval et s'en retourna à sa cité avecques ses gens. Et le duc de Bourgogne pareillement retourna avecques ses gens en l'ost. Et disoient communément les chevaliers et autres estans en la compaignie dudit duc de Bourgongne, que les gens du duc de Berry en communes devises disoient qu'ilz n'avoient point esté rebelles ne désobéissans au Roy, et qu'il y avoit long temps qu'il n'avoit esté en santé, par quoy il leur deust riens commander, et que s'il eust esté bien disposé, il estoit tout cler qu'il n'eust point laissé la mort de son frère impugnie et n'eust point amené avecques lui le tueur impugny. Et quant est aux amendes pour avoir bouté les feux et prins les fortresses, villes et chasteaulx et les avoir despoullées et robées comme Saint-Denis, Roye et plusieurs autres ou royaume, respondoient que actendu que leurs seigneurs du sang royal povoient aler franchement et libéralement par les villes dudit royaume et mener leurs gens d'armes pour le fait de leur guerre particulière, laquelle ilz faisoient à bonne et juste cause contre le duc de Bourgogne, disans qu'en ce faisant n'ont point forfait ne offensé envers le Roy; mais, en tant qu'ilz avoient tenu la cité de Bourges close contre lui, tenoient avoir mesprins, pour ce qu'il y estoit en personne, et de ce, le traictié fait, lui prieroient mercy et lui rendroient les clefz.

Et est vérité que le mercredi ensuivant lesdiz ducs, avecques leurs traicteurs, convindrent aux barrières devant la porte de la cité et tindrent leur parlement et conseil. Lequel fini et conclud, prindrent le vin en

semble et puis se départirent l'un de l'autre très joieusement. Et le jeudi s'assemblèrent tous les chevaliers et nobles de l'ost du Roy devant le duc d'Acquitaine tenant le lieu et l'estat de son père, et avec lui estoient en sa compaignie les ducs de Bourgongne, de Bar et de Lorraine et plusieurs autres grans seigneurs. Et lors le chancellier d'Acquitaine, c'estassavoir messire Jehan de Neelle, chevalier, licencié en lois, qui avoit moult belle faconde, très notablement dist et récita les excès et rebellions faiz par Jehan de Berry, Charles d'Orléans, Jehan de Bourbon, Jehan d'Alençon, Bernard d'Armignac, Charles de Labreth et leurs complices. Et aussi dist comment ilz estoient aliez aux Anglois adversaires du Roy, et comment ils avoient destruit le royaume; faisant de ce et de plusieurs autres choses ung long sermon. Et tant que au derrenier, commanda de par le Roy et son filz le duc d'Acquitaine que chascun deist tantost et promptement ce qui leur en sembloit bon à faire, ou la paix ou la guerre. Dont plusieurs respondirent qu'il valoit mieulx que la paix feust entre les seigneurs et qu'ilz feussent remis et réduis en la grâce du Roy que autrement; ou cas que elle seroit ferme. Et aucuns dirent autrement. Et ainsi fina ledit conseil. Dont il y eut grant murmure.

Or est vérité qu'il faisoit lors très grant chaleur et moult estoient ceulx de l'ost malades et tant que plusieurs s'en partirent sans prendre congié, oyans de jour en jour que leurs compaignons se mouroient. Et par espécial y moururent grant planté de chevaulx, dont l'ost estoit moult fort empulenty '.

1. Infecté.

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