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parmi les nations, porte le caractère du miracle, nous pensons que ce caractère est ici. Et qu'y a-t-il de plus merveilleux, même aux yeux du philosophe, que cette rencontre de l'antique et de la nouvelle Jérusalem au pied du Calvaire : la première s'affligeant à l'aspect du sépulcre de Jésus-Christ ressuscité; la seconde se consolant auprès du seul Tombeau qui n'aura rien à rendre à la fin des siècles!

Je remerciai les Pères de leur hospitalité; je leur souhaitai bien sincèrement un bonheur qu'ils n'attendent guère ici-bas; prêt à les quitter j'éprouvois une véritable tristesse. Je ne connois point de martyre comparable à celui de ces infortunés religieux; l'état où ils vivent ressemble à celui où l'on étoit, en France, sous le règne de la terreur. J'allois rentrer dans ma patrie, embrasser mes parens, revoir mes amis, retrouver les douceurs de la vie; et ces Pères, qui avoient aussi des parens, des amis, une patrie, de

meuroient exilés dans cette terre d'esclavage. Tous n'ont pas la force d'ame qui rend insensible aux chagrins; j'ai entendu des regrets qui m'ont fait connoître l'étendue du sacri

fice. Jésus-Christ à ces mêmes bords n'a-t-il pas trouvé le calice amer? Et pourtant il l'a bu jusqu'à la lie.

par

Le 12 octobre, je montai à cheval avec Ali-Aga, Jean, Julien et le drogman Michel. Nous sortîmes de la ville, au coucher du soleil, par la porte des Pélerins. Nous tra versâmes le camp du pacha. Je m'arrêtai avant de descendre dans la vallée de Téré binthe, pour regarder encore Jérusalem. Je distinguai par-dessus les murs le dôme de l'église du Saint-Sépulcre. Il ne sera plus salué le pélerin, car il n'existe plus; et le Tombeau de Jésus-Christ est maintenant exposé aux injures de l'air. Autrefois la Chrétienté entière seroit accourue pour réparer le sacré monument; aujourd'hui personne n'y pense, et la moindre aumône employée à cette œuvre méritoire, paroîtroit une ridicule superstition. Après avoir contemplé pendant quelque temps Jérusalem, je m'enfonçai dans les montagnes. Il étoit six heures vingt-neuf minutes, lorsque je perdis de vue la Cité-Sainte: le navigateur marque ainsi le moment où disparoît à ses yeux une terre lointaine qu'il ne reverra jamais.

Nous trouvâmes au fond de la vallée de Térébinthe les chefs des Arabes de Jérémie Abou-Gosh et Giaber: ils nous attendoient. Nous arrivâmes à Jérémie vers minuit ; il fallut manger un agneau qu'Abou-Gosh nous avoit fait préparer. Je voulus lui donner quelque argent, il le refusa, et me pria seulement de lui envoyer deux couffes de riz de Damiette quand je serois en Egypte je le lui promis de grand cœur, et pourtant je ne me souvins de ma promesse qu'à l'instant même où je m'embarquois pour Tunis. Aussitôt que nos communications avec le Levant seront rétablies, Abou-Gosh recevra certainement son riz de Damiette; il verra qu'un Français peut manquer de mémoire, mais jamais de parole. J'espère que les petits Bédouins de Jérémie monteront la garde autour de mon présent, et qu'ils diront encore: « En avant! Marche! >> J'arrivai à Jafa le 13, à midi.

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SIXIÈME PARTIE.

VOYAGE D'ÉGYPTE.

JE

E me trouvai fort embarrassé à mon retour à Jafa: il n'y avoit pas un seul vaisseau dans le port. Je flottois entre le dessein d'aller m'embarquer à Saint-Jean-d'Acre et celui de me rendre en Egypte par terre. J'aurois beaucoup mieux aimé exécuter ce dernier projet; mais il étoit impraticable. Cinq partis armés se disputoient alors les bords du Nil: Ibraïm-Bey dans la Haute-Egypte, deuxautres petits beys indépendans, le pacha de la Porte au Caire, une troupe d'Albanais révoltés, El-Fy-Bey dans la Basse-Egypte. Ces différens partis infestoient les chemins; et les

Arabes, profitant de la confusion, achevoient de fermer tous les passages.

La Providence vint à mon secours. Le surlendemain de mon arrivée à Jafa, comme je me préparois à partir pour Saint-Jeand'Acre, on vit entrer dans le port une saïque. Cette saïque de l'Echelle de Tripoli de Syrie étoit sur son lest, et s'enquéroit d'un chargement. Les Pères envoyèrent chercher le capitaine : il consentit à me porter à Alexandrie, et nous eûmes. bientôt conclu notre traité. J'ai conservé ce petit traité écrit en arabe. M. Langlès, si connu par son érudition dans les langues orientales, l'a jugé digne d'être mis sous les yeux des savans, à cause de plusieurs singularités. Il a eu la complaisance de le traduire, lui-même, et j'ai fait graver l'original :

"' LUF (DIEU).

« Le but de cet écrit et le motif qui l'a fait tracer est que le jour et la date désignés ci-après (1),

(1) Le jour et la date, c'est-à-dire l'année, yeoùm oùẻ târykh, ont été oubliés. Outre cette omission, nous avons remarqué plusieurs fautes d'orthographe assez graves dont on trouvera la rectification au basdu fac-simile de l'original arabe. (Noté de M.Langlès.]

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