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que j'étois au Caire, Mahamed-Ali-Pacha pleuroit encore la mort d'un de ces braves. Ce soldat, d'abord petit tambour dans un de nos régimens, étoit tombé entre les mains des Turcs par les chances de la les chances de la guerre: devenu homme, il se trouva enrôlé dans les troupes du pacha. Mahamed, qui ne le connoissoit point encore, le voyant charger un gros d'ennemis, s'écria: « Quel est cet homme ? Ce ne » peut être qu'un Français ? » Et c'étoit en effet un Français. Depuis ce moment il devint le favori de son maître, et il n'étoit bruit que de sa valeur. Il fut tué peu de temps avant mon arrivée en Egypte, dans une affaire où les cinq autres mamelucks perdirent leurs chevaux.

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Ceux-ci étoient Gascons, Languedociens et Picards; leur chefs'avouoit le fils d'un cordonnier de Toulouse. Le second en autorité après lui, servoit d'interprète à ses camarades. Il savoit assez bien le turc et l'arabe, et disoit toujours en français, j'étions, j'allions, je faisions. Un troisième, grand jeune ́homme, maigre et pâle, avoit vécu longtemps dans le désert avec les Bédouins, et il regrettoit singulièrement cette vie. Il me contoit que quand il se trouvoit seul dans

les sables, sur un chameau, il lui prenoit des transports de joie dont il n'étoit pas le maître. Le pacha faisoit un tel cas de ces cinq mamelucks, qu'il les préféroit au reste de ses spahis: eux seuls retraçoient et surpassoient l'intrépidité de ces terribles cavaliers détruits par l'Empereur à la journée des Pyramides. Nous sommes dans le siècle des merveilles; chaque Français semble être appelé aujourd'hui à jouer un rôle extraordinaire: cinq soldats tirés des derniers rangs de notre armée se trouvoient, en 1806, à peu près les maîtres au Caire. Rien n'étoit amusant et singulier, comme de voir Abdallah de Toulouse prendre les cordons, de son caftan, en donner par le visage des Arabes et des Albanais qui l'importunoient, et nous ouvrir ainsi un large chemin dans les rues les plus populeuses. Au reste, ces rois par l'exil avoient adopté, à l'exemple d'Alexandre, les mœurs des peuples conquis; ils portoient de longues robes de soie, de beaux turbans blancs, de superbes armes; ils avoient un harem, des esclaves, des chevaux de première race; toute chose que leurs pères n'ont point en Gascogne et en

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Picardie. Mais au milieu des nattes, des tapis, des divans que je vis dans leur mai

son,

1, je remarquar une dépouille de la patrie: c'étoit un uniforme hâché de coups de sabre, qui couvroit le pied d'un lit fait à la française. Abdallah réservoit peut-être ces honorables lambeaux pour la fin du songe, comme le berger devenu ministre :

Le coffre étant ouvert, on y vit des lambeaux,
L'habit d'un gardeur de troupeaux,

Petit chapean, japon, panetière, houlette,
Et, je pense, aussi sa musette.

Le lendemain de notre arrivée au Caire, rer novembre, nous montâmes au château វ afin d'examiner le puits de Joseph, la mosquée, etc. Le fils du pacha habitoit alors ce château. Nous présentâmes nos hommages à Son Excellence, qui pouvoit avoir quatorze ou quinze ans. Nous la trouvâmes assise sur un tapis, dans un cabinet délabré,et entourée d'une douzaine de complaisans qui s'empressoient d'obéir à ses caprices. Je n'ai jamais vu un spectacle plus hideux. Le père de cet enfant étoit à peine maître du Caire, et ne possédoit ni la Haute ni la Basse-Egypte. C'étoit dans cet état de choses, que douze

misérables sauvages nourrissoient des plus lâches flatteries un jeune Barbare enfermé pour sa sûreté dans un donjon. Et voilà le maître que les Egyptiens attendoient après tant de malheurs!

On dégradoit donc, dans un coin de ce. château, l'ame d'un enfant qui devoit conduire des hommes; dans un autre coin on frappoit une monnoie du plus bas aloi. Et afin que les habitans du Caire reçussent, sans murmurer, l'or altéré et le chef corrompu qu'on leur préparoit, les canons étoient pointés sur la ville.

J'aimai mieux portér ma vue au-dehors et admirer, du haut du château, le yaste tableau que présentoient au loin, le Nil, les campagnes, le désert et les Pyramides. Nous avions l'air de toucher à ces dernières * quoique nous en fussions éloignés de quatre lieues. A l'œil nu, je voyois parfaitement les assises des pierres et la tête du sphinx qui sortoit du sable; avec une lunette, je comptois les gradins des angles de la grande Pyramide, et je distinguois les yeux, la bouche et les oreilles du sphinx: tant ces másses sont prodigieuses!

Memphis avoit existé dans les plaines qui s'étendent de l'autre côté du Nil jusqu'au désert où s'élèvent les Pyramides.

اور

que

« Ces plaines heureuses qu'on dit être le » séjour des justes morts, ne sont, à la lettre, les belles campagnes qui sont aux » environs du lac Achéruse, auprès de Mem» phis, et qui sont partagées par des champs » et par des étangs couverts de blé ou de »lotos. Ce n'est pas sans fondement qu'on a »dit que les morts habitent là; car c'est là » qu'on termine les funérailles de la plupart » des Egyptiens, lorsqu'après avoir fait tra

verser le Nil et le lac d'Achéruse à leurs » corps, on les dépose enfin dans des tombes

qui sont arrangées sous terre en cette » campagne. Les cérémonies qui se prati>>quent encore aujourd'hui dans l'Egypte » conviennent à tout ce que les Grecs disent » de l'enfer; comme à la barque qui trans» porte les corps; à la pièce de monnoie » qu'il faut donner au nocher, nommé Charon » en langue égyptienne; au temple de la » ténébreuse Hécate, placé à l'entrée de » l'enfer; aux portes du Cocyte et du Léthé,

posées sur des gonds d'airain; à d'autres

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