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néraires, foudre de Thor. C'est sous la forme du feu que Loke a passé à la postérité. On appelle vapeurs de Loke les vapeurs volcaniques; l'étoile de Sirius se nomme, en islandais, Loka-brenna, flambeau de Loke: le peuple dit, en Danemark, que Loke boit l'eau, comme on le dit ailleurs du soleil ; et les Islandais disent d'un champ brûlé par la chaleur que Loke a passé sur ce champ.

On peut maintenant apprécier tout ce qu'il y a à apprendre dans l'ouvrage de M. Geyer, et juger de la portée de son esprit par la finesse de ses remarques et la hardiesse de ses conjectures: ce mérite lui est commun avec les chefs de l'école historique allemande, les Niebuhr, les Otfried Muller, etc. Mais ce que M. Geyer possède à un degré peu commun, et ce qu'il possède seul, ce nous semble, c'est l'imagination et le talent du poète. Nous ne pouvons juger qu'imparfaitement de son style, car nous n'avons lu son livre qu'en allemand; mais à travers le mur de la traduction, on sent encore la chaleur de l'original; en dépit de son déguisement, on reconnaît la divinité: patuit incessu dea.

Nous regrettons de mêler en finissant quelque blâme à nos éloges; cependant nous devons dire que, sous le rapport de l'ordre et de la composition, il manque beaucoup à l'Histoire primitive de Suède. On a si souvent adressé ce reproche aux ouvrages publiés outre-Rhin que nous n'aurions garde d'insister sur un point à peu près convenu, si on n'avait voulu, et non sans quelque fondement, excepter de cette imputation le livre de M. Geyer. Telle est, du moins à ce qu'on nous assure, l'opinion de quelques personnes qui connaissent déjà cet ouvrage, l'un de ceux qui depuis long-temps ont eu le plus de succès en Allemagne. Nous ne saurions souscrire à cette exception ; il y a sans doute, dans l'Histoire primitive de Suède, un certain soin général de la composition; les idées principales sont assez bien enchaînées, et

sortent naturellement les unes des autres. Mais, dans le détail, quand M. Geyer produit sur la scène ces faits si nombreux qui appuient ses théories, et dont il sait tirer un merveilleux parti, il perd complètement le fil qui devait le guider dans ce labyrinthe; et il y a telle conjecture dont il faut chercher la preuve dans vingt passages différens, qui, si les faits étaient à leur place, ressortirait bien plus évidente et à bien meilleur marché.

Ce n'est pas seulement pour la commodité des lecteurs ou l'intérêt de la science que nous insistons sur ce reproche. L'Histoire primitive de la Suède vaut toute la peine qu'il faut se donner pour la lire, et l'instruction qu'on en retire mérite qu'on aille la chercher. Mais nous éprouvons un véritable regret en pensant que, si M. Geyer possédait un peu mieux l'art de faire un livre, d'en distribuer avec ordre et élégance toutes les parties, il n'y a peut-être aucun succès auquel ne pût prétendre un écrivain qui, jeune encore, réunit, aux vues du critique et à la science de l'érudit, l'imagination de l'artiste et l'inspiration du poète.

VIII. ODES ET BALLADES, par VICTOR HUGO; quatrième édition, angmentée de l'ODE A LA COLONNE et de dix pièces nouvelles.

2 vol. in-8. - Les Orientales, par le même. 1 vol. in-8. Paris, chez Charles Gosselin, libraire, rue Saint-Germaindes-Prés, n. 9. 1829.

CROMWELL, drame, par VICTOR HUGO. Paris, chez Ambroise

Dupont et compagnie, libraires, rue Vivienne, n. 16. 1828. TABLEAU HISTORIQUE ET CRITIQUE DE LA POÉSIE FRANÇAISE ET DU THÉATRE FRANÇAIS AU SEIZIÈME SIÈCLE, par C.-A. SAINTE-BEUVE. Paris, chez A. Sautelet et compagnie, libraires, rue de Richelieu, n. 14. Alexandre Mesnier, place de la Bourse. 1828.

Qu'on ne soit pas surpris de voir réunis deux hommes dont les travaux ont en apparence si peu d'analogie. Un nœud plus étroit qu'on ne pense rattache aux œuvres poétiques de M. Victor Hugo les recherches de critique et d'histoire de M. Sainte-Beuve, et au poète du dixneuvième siècle, l'ingénieux apologiste de ceux du seizième. L'un en effet est le critique de l'école dont l'autre est le chef. Ce que le premier exécute dans ses vers, le second le plaide dans sa prose; et si trois siècles séparent le temps que celui-ci étudie, du temps auquel celui-là adresse ses chants, c'est que M. Hugo et ses amis prétendent surtout rajeunir leur inspiration par l'érudition. On peut donc sans singularité les soumettre à un examen commun. Ce ne sera pas cependant sans que celui qui a composé cet article ait à regretter de ne rendre qu'un compte imparfait de l'ouvrage si distingué de M. Sainte-Beuve. Il est forcé par son plan d'en négliger toute la partie historique, la plus étendue pourtant comme plus curieuse, pour ne s'attacher qu'aux vues de l'auteur sur l'état présent de notre littérature.

Elles peuvent, si je ne me trompe, se réduire aux

suivantes. « Les chefs-d'œuvre de la littérature française n'appartiennent pas, comme il est arrivé chez d'autres peuples, à sa première époque, au temps de ses origines, et par conséquent au temps de son énergie native et de sa libre jeunesse. Tandis que la muse italienne avait eu pour premiers interprètes le Dante et Pétrarque, ou celle de l'Angleterre Shakspeare et puis Milton, la poésie française s'enfantait péniblement et sans gloire dans les productions de Villon, de Marot, de Ronsard ou de Desportes, qui tous, malgré l'instinct poétique qui éclate en eux, n'ont laissé que des essais plus ou moins informes. Plus tard elle se polissait et se régularisait par les soins de Malherbe, génie médiocre s'il fut écrivain sage et habile. Le grand développement de la littérature française date du siècle de Louis XIV, siècle illustre, siècle sublime, mais qui compose, non une grande et noble phase de l'humanité, comme tous les beaux âges poétiques, mais une époque en dehors du cours et des progrès de la civilisation, un accident en un mot aussi éphémère qu'il a été brillant. De là le caractère artificiel de la poésie française, que l'on doit sentir d'autant plus aujourd'hui que l'humanité a repris son cours. La révolution

a remis la France dans ses voies éternelles et nécessaires: pourquoi la littérature n'y rentrerait-elle pas aussi? Pourquoi ne secouerait-elle pas à son tour les chaînes d'un servage passager? Veut-on aider son affranchissement? il semble naturel de la faire revenir au temps où, arrêtée dans son lent mais libre développement, elle a été pour ainsi dire escamotée au profit d'un siècle d'exception. >>

Pour examiner en détail ce système, il faudrait, en refaisant le livre qui l'expose, le compléter par l'histoire des époques de notre littérature dont il ne traite point, ce qui dépasserait quelque peu les bornes de cet article. Aussi me contenterai-je, sans m'inquiéter de l'explication, qui n'offrirait pas d'ailleurs peu de difficultés, de le ra

mener à cette assertion plus courte : la poésie française, considérée soit dans sa langue, soit dans ses moyens d'expression et d'effet, ne suffit plus aux destinées nouvelles que lui assignent le progrès du temps et le renouvellement de la société par la révolution; le retour aux formes du seizième siècle, et en général à la verdeur du moyen âge, peut seule l'égaler à cette haute mission.

Mais d'abord est-il vrai qu'une langue vieillisse et s'use avec le temps? Que penser de cette idée toute matérielle de vieillesse transportée à une langue et aux ressources qu'elle présente pour exprimer d'une manière vive et pittoresque la pensée et le sentiment poétique? Pour ma part, je le déclare, elle n'a rien qui me choque, qui m'étonne. On ne contestera pas sans doute qu'une langue n'ait une sphère limitée tant par le génie qui la caractérise, que par le nombre de ses mots et de leurs combinaisons possibles. Or l'emploi réitéré doit progressivement en altérer au moins l'originalité, principale source d'effet littéraire. Quoi! les générations qui se succèdent dans un même pays, et sous l'empire des mêmes circonstances, contractent dans leur succession, en vertu d'une loi inconnue d'hérédité, quelque chose qui ressemble aux divers âges de la vie humaine; elles sont tour-à-tour l'enfant gracieux et naïf, l'homme plein de force et aux mâles pensées, le vieillard décrépit ; et l'on prétendrait que les langues qu'elles parlent, que ces langues qui cependant ne se renouvellent pas comme elles, et qui restent quand elles passent, fussent à l'abri de cet affaiblissement graduel, de cette rouille du temps qui s'attachent à tout ce qui commence et poursuit une destinée! Précisons la question, descendons aux détails; vous verrez que dans toute langue chaque mot comporte, avec une signification naturelle, simple, primitive, un certain nombre d'autres qui s'y rattachent et en dérivent d'une façon plus ou moins détournée. On se sert d'abord de la pre

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