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Notre complainte, destinée à répondre aux attaques des catholiques n'est qu'un morceau détaché du cycle de chansons qui doivent leur origine à la légende de la Vache à Colas.

Quant au nom de l'auteur de la pièce il faut le tirer des termes du titre: „Le Légat de la V. à C. de Sedege." Au moins on ne trouve pas d'autre explication du mot "Sedege"; l'emploi de la préposition „de“ au lieu de „par“ n'a rien d'étonnant, la différence entre ces prépositions n'étant point encore fixée alors.

Date de la complainte.

La chanson, quoique retrouvée dans un recueil du XVII s., remonte pourtant à la fin des guerres de religion du XVI s. Voici les dates qui le prouvent:

Dans le X couplet il est question de l'assassinat de Henri III, commis le 1er août 1589 par le Jacobin Jacques Clément. En outre le pape Grégoire, dont les catholiques sont appelés les sujets dans le XXI c., n'est autre que Grégoire XIV, élu le 5 déc. 1590 et décédé le 15 oct. 1591. Par conséquent ses sujets sont les catholiques de 1590 à 1591. Ainsi nous aurions le choix des trois années 1589-91, si la mention des sujets de Grégoire ne nous forçait pas à fixer la date de notre complainte entre la fin de 1590 et celle de 1591.

Aussi le VI et le XIII couplets nous engagent à faire remonter le poème aussi près que possible de la Saint-Barthélemy. Car le premier ordonne aux jésuites „de ne pas rallumer le feu dans la patrie de la Vache à Colas," ce qui sans doute se rapporte aux massacres de 1572, dus en partie aux intrigues des jésuites et aux cruautés des R. Pères avant l'avénement de Henri IV. Dans l'autre couplet, l'indignation causée par la vie joyeuse de la cour papale s'explique parfaitement par le souvenir des fêtes que donna le Saint-Père en 1572 pour célébrer dignement le triomphe de l'église romaine.

Ainsi la complainte doit dater de l'époque la plus agitée peut-être de toutes les huit guerres de religion, du commencement du règne de Henri IV ou, pour mieux dire, du temps du siége de Paris de 1590.

Sous le règne du bon roi Henri les catholiques continuaient de chanter la chanson. Ce prince, croyant voir dans ces plaisanteries des allusions à son mariage avec une princesse protestante, et jaloux de

venger la religion dans laquelle il était né, défendit aux catholiques, par décret du 10 sept. 1605, de chanter la chanson sous peine d'être pendus.

Pour compléter l'histoire de la complainte, citons le passage suivant d'un livre rare et curieux de 1612, intitulé „Le Tasteur":

,,On ne parle plus ni de Filou, ni de Robinette, ni du Charbonnier, ni de la fin de la Vache à Colas, mais seulement du Tasteur."

Ainsi déjà en 1612 la chanson vieillit et sa réputation diminue. On voit par ce que nous venons de citer qu'elle avait occupé une place parmi les sujets favoris du public.

Argument de la complainte.

L'auteur voulant réduire au silence les crieurs catholiques, leur montre, pour ainsi dire, le revers de la médaille, c'est à dire qu'il tourne en dérision les côtés faibles du catholicisme, l'ignorance et les vices des ecclésiastiques etc. Vous voyez une paille dans l'oeil de votre prochain, mais vous ne voyez pas une poutre dans le vôtre, voilà ce qu'il veut leur faire sentir.

Les adversaires avaient-ils chanté que la Vache était bonne protestante, lui au contraire la dit excellente papiste, poussée par son fanatisme, elle vient déranger les huguenots rassemblés dans leur prêche et succombe sous leurs coups. Sur le point de mourir elle pense à son salut suprême et lègue en bonne catholique tout son bien au clergé, afin qu'il fasse des prières pour lui assurer la vie éternelle. Ce qu'il y a de plus bizarre, c'est que la Vache ne peut léguer que des morceaux presque sans valeur, les huguenots ayant gardé les meilleures parties pour eux. Le clergé n'aura que les oreilles, la langue, les entrailles etc. L'auteur imagine que la Vache a chargé les huguenots de distribuer le légat ou plutôt les différents legs, faits en faveur de l'église, et il nous communique les dernieres volontés de la bête à partir du Vo jusqu'au XXI couplet, les quatre premiers servent de prologue et le XXI d'épilogue. Chaque legs est fait en rapport du mérite des héritiers dont les uns reçoivent les longues oreilles à cause de leur stupidité, les autres les entrailles, pour mieux supporter les débauches, et ainsi de suite.

Le langage dans lequel la complainte est écrite est le Bourguignon. Le dialecte Bourguignon a eu plus d'extension que les deux autres grands dialectes de la langue d'oil, le normand et le picard, à cause de l'établissement du royaume de Bourgogne. Les langages parlés en

Nivernais, en Franche-Comté, en Champagne, en Lyonnais, en Orléannais etc. en dérivent. Il a de la mollesse et une certaine grâce naïve, on le parle encore dans les contrées les plus reculées de la province française actuelle de Bourgogne.

Passons maintenant à la complainte elle-même.

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Dans ce prologue de quatre couplets les huguenots chargés de l'exécution du testament invitent le haut et le bas clergé d'assister au convoi de la Vache, leur soeur en religion. Hélas! la pauvre bête n'a pu recevoir le saint sacrement, mais elle a eu l'espoir que le clergé à cause de sa piéte et de son grand zèle pour le bien de l'Eglise fera des prières pour le salut de son âme et que le Pape l'absoudra de tous ses péchés.

I.

Caphars, Caphards, Cafards,

cfr. Garotte Recherches des Rech. p. 718 et Littré Dict. Fr.

Caphardum, vêtement du XIV s., porté par les personnes dévotes ou ceux qui s'en donnaient l'air. Les huguenots désignaient de ce nom les faux dévots tels que les espions dans les couvents. Car il y était d'usage que tous les moines ou nonnes veillaient les uns sur les autres,

afin de faire des rapports aux supérieurs sur la conduite de leurs frères ou soeurs. On appelle encore aujourd'hui dans les lycées „,caphards" les élèves qui viennent se plaindre à leurs maîtres de leurs camarades. On désigne du même nom les agents de la police secrète, appelés ordinairement mouchards."

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Libera.

Il est connu qu'on désigne les chants, les prières, les bulles etc. dans l'église catholique de leur premier mot.

Après le chant de l'office des défunts le prêtre se rend auprès du cercueil et on chante le „Libera“:

وو

,Libera me, Domine, de morte aeterna, in die illa tremenda .... • Requiem aeternam. Libera me."

II.

La Vache a prescrit dans son testament la cérémonie de ses funérailles et désigné les cantiques qu'il faut chanter.

Saint Grégoire,

premier de ce nom, surnommé le Grand, évêque de Rome (590 – 604), essaya de se rendre indépendant de Constantinople et conçut le premier l'idée de la suprématie de la chaire apostolique. Il a publié des recueils de chants religieux et des règles pour chanter des mettes, administrer des sacrements etc. Ainsi la Vache veut être enterrée selon les rites, afin que son âme n'ait pas besoin de passer par le purgatoire, avant d'entrer au paradis.

III et IV.

Colas le bonhomme, c. p. 10.

Quoiqu'il ait comme ancien propriétaire les droits les mieux fondés sur la Vache, celle-ci ne peut lui laisser aucun souvenir, parce que le clergé prendra tout ce dont les huguenots ne voudront pas. Toutefois elle lui demande pardon du mal qu'elle lui a causé et elle croit que le Pape lui „donnera à son trépas rémission plénière" c'est à dire absolution complète.

Couplet VXX.

Testament de la Vache.

La partie principale du poème, contenant le testament de la Vache, comprend les couplets V-XX, où la distribution des partages se fait conformément aux dernières volontés de la défunte. Il ne serait pas hors de propos de comparer ici l'usage des prêtres grecs et romains de garder les bonnes parties de la bête immolée, ne laissant que les os aux dieux. Pour les confrères de la Vache au contraire il ne reste que les abattis.

V.

„Pour solennellement
Faire mes funérailles,
Je laisse entièrement
Mes boudins et tripailles
Au clergé de la France,
Dont on fait si grand cas!
Pour avoir souvenance

De la Vache à Colas."

Mes boudins et tripailles

boudin boyau plein de sang et de graisse.

=

Tripaille amas de mauvaises tripes (boyaux des animaux).

Ces deux mots servent en même temps à désigner deux espèces de saucissons fort estimés en France. Il faut des plats de résistance pour le ventre endurci du clergé vorace, de bons saucissons gras, comme ils en pouront fabriquer avec les boyaux de la Vache.

Dont on fait si grand cas.

En effet il y a bien de quoi s'étonner de ce que la foule a toujours gardé le respect dû aux saintes fonctions du prêtre, à ces ecclésiastiques abrutis par l'ignorance et la gloutonnerie. Il ne manque point d'exemples des absurdités que les théologiens d'alors osaient professer dans les chaires; il suffira de citer deux thèses soutenues par le P. Cotton, confesseur du roi Henri IV (V. les notes du XVI couplet et le Bulletin de l'Hist. du Prot. fr. XII pp. 285 et 286).

„Est-il vrai que Dieu se trouve partout, qu'il remplit toutes choses par essence, présence et puissance; et conséquemment que sa divinité est

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